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IDEALISME

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la première hypolhcse qu’on doit se ranger, allendu que la seconde recèle une contradiction intime, qu’il s’attache à déjrager par le dilemme suivant. Ou ces prétendus originaux extérieurs, étendus, solides, colorés, etc., de nos idées sensibles sont eux-mêmes perçus, ou ils ne le sont pas ; s’ils sont perçus, ils sont par le t’ait même des idées, puisque seules les idées peuvent être l’objet immédiat de la perception ; s’ils ne sont pas perçus, il est impossible que nos idées en soient la copie, la représentation ressemblante, une idée seule pouvant ressembler à une idée. P : t Berkeley remarque à ce propos qu’il ne servirait à rien dedislinguer ici, avec Locke, entre qualités premières et qualités secondes de la matière, car les mêmes arguments qui établissent la subjectivité des unes valent aussi contre l’objectivité des autres. Cf. Traité sur les principes de la connaissa ice humaine, V^ p., trad. Renouvier, dans Critique philosaphique, 1889 ; Trois dialogues entre Ilrlas et Pliilonous, trad. Beaulevon et Parodi, p. 186 sq. ; A. Penjon, G. Berkeley, p. 51 sq. — Passons condamnation, au moins pour le moment, sur ce dernier point : à coup sûr, Berkeley s’y montre plus logique que Locke lui-même, lequel, de fait, semble n’avoir jamais songé à justifier pareille dilTérence ou, pour mieux dire, pareille exception faite, en faveur des qualités premières, au principe de la subjeclivitédes sensations. C’est le principe lui-même qui vaut ici la peine d’un examen approfondi ou, pour mieux dire encore, c’est cette thèse fondamentale, dont on voit trop bien que Berkeley s’inspire d’un bouta l’autre, à savoir que les idées (seules) sont les objets immédiats de la perception : de là, en effet, découle en droite ligne la célèbre tbéorie des idées-images (ou des idées représentatives), dont l’immatérialisme berkeleyen n’est à son tour qu’une conséquence. Or cette tlièse est loin d'être établie. La psychologie moderne peut bien, d’une manière générale, l’avoir mise au point de départ de ses analyses et de ses systématisations : cela ne la préserve point d'être, en réalité, un simple postulat, qui a son origine dans une fausse interprétation du cogito cartésien, transporté indûment de la critique à la psychologie ellemême. Que Di ; sCARTES ait estimé, en droit, la certitude de conscience comme la seule indiscutable, au moins en dernière analyse ; qu’il l’ail à ce litre considérée comme le principe fondamental sur lequel il fallait reconstruire l'édiiice rationnel ou scientifique de nos connaissances, peu importe : à supposer que ce soit là pour une philosopliie une base sullisante, s’ensuit-il, psychologiquement parlant, que la conscience de soi et de ses états subjectifs comme tels soit la donnée première, en tout cas la seule donnée première par laquelle, en fait, notre connaissance débute ? et, à dire vrai, l’a-t-on jamais démontré? En d’autres termes, le ro ;  ; /<o n’est qu’une fiction critique, un artiflce de méthode en vue de mieux résoudre le problème de la certitude ; et la méprise des psychologues modernes serait d’y avoir vu l’expression immédiate et primitive de la réalité. Pur postulat, encore un coup, qui attend toujours sa preuve. — Il y a plus, il y a un fait, incontestable celui-là, etconsidérable, qui paraît bien trancher plutôt la question en sens contraire : c’estqu'à l’origine la connaissance se pose d’emblée, pour ainsi dire, et s’installe dans l’objet, et de plain-pied, et comme chez elle. Herbert Si’ExcER a fort bien montré qu’en se servant pour « verre redresseur » de la biographie mentale d’un enfant, on aboutit à une < interversion complète j> de la conception commune, c’est-à-dire à constater qu' « au lieu que la connaissance primordiale et incontestable soit l’existence d’une sensation, l’existence d’une sensation au contraire est une

hypothèse qui ne peut se former avant que l’existence extérieure soit connue » ; que l’a hypothèse idéaliste n’est venue qu’après la croyance réaliste et que, quand le philosophe parvient à construire l’hypofliêse idéaliste, il ne le fait qu'à l’aide de la croyance réaliste ». Principes de psychologie, trad. RibotEspinas, 1. 11, p. 386 sq. Cf. H. DKnovE, art. cité, Revue de philosophie, 1907, t. I, p. 18/| sq. — Et qu’on ne nous oppose point, par manière d’instance, l’illusion qu’impliquerait nécessairement un tel point de vue ; qu’on ne dise pas que « la sensation étant un état du moi, il est contradictoire qu’une existence étrangère puisse être appréhendée dans la sensation ellemême ». E. Radier, Psychologie, p. 608 ; cf. p. 106 :

« Qui dit perception dit conscience ; qui dit conscience dit connaissance de ce qui est en nous ; donc

il est contradictoire de prétendre saisir dans sa perception quelque chose d’extérieur. » Nous avonsrappelé ci-dessus qu’il n’est pas impossible, tant s’en faut, de maintenir l’objectivité réelle de la connaissance sans porter aucun préjudice à son intériorité essentielle. Si, dans la conscience réfléchie, l’objet de la connaissance est et ne peut être que la sensation, il en va tout autrement de la perception primitive et proprement dite, dont la sensation même n’est plus que le moyen, en sorte qu'à travers celleci ce soit la chose extérieure que l’on connaisse directement et du premier coup. Car, pour le dire en passant, c’est peut-être poser la question en termes inexacts et se laisser égarer par une analogie trompeuse ou une métaphore, que de se demander si la pensée atteint ou non la réalité extérieure ; la vraie question est bien plutôt celle-ci : « Qu’est-ce qui est connu premièrement, d’emblée, etc., la chose extérieure ou la modification qu’elle détermine en nous ?)> Or à la question ainsi restituée en son vrai sens, la réponse ne peut faire l’ombre d’un doute (c(.supro), et il ne reste plus qu'à expliquer comment, sans sortir de soi (intériorité, immanence), la conscience peut se représenter d’emblée, du piemier coup, l’objet même et comme tel (objectivité). Et cette explication enfin revient, nous l’avons vu, à reconnaître que, la sensation résultant d’une action objective intériorisée au sujet, actualisant et informant sa faculté sensitive, celui-ci n’a pour ainsi parler qu'à prendre conscience de ce qu’il est devenu, ou i)lutôt encore, car cette dernière formule risquerait ici de rester ambiguë, qu’il n’a qu'à s’exprimer à lui-même, au dedans de lui-même, tel qu’il est devenu, pour s’exprimer aussi, se représenter, percevoir l’objet auquel il est devenu précisément conforme. Ainsi le contenu de la sensation acquiert-il une valeur directement objective ou représentative sans que la sensation cesse d'être en elle-même un état du sujet ; ainsi peut-on parler, sans contradiction aucune, d’une existence étrangère appréhendée dans cet état du sujet ou par le moyen de cet état du sujet qui s’appelle la sensation'. — Mais s’il n’est pas démontré que la perception (par où l’on entend ici la connaissance immédiate ou la vue intuitive de l’esprit) se termine nécessairement à resi)rit lui-même et à sa modification intérieure ; s’il est acquis au eon 1 Cf. V. g. S. Thomas, QuodI. VII, a. 4 : « Notitia dupliciter potest considerori. Vel secundum quod comparatur ad cognoscenteni (por rapport au sujet), et sic inesl cognoscenli sicut accidens in subjeclo, et sic non excedit subjectum, quia niinqnam invenitiir inesse alicui nisi menti. Vel secundum quod comparatur ad cognoscibile (par rapport h l’objrt], et ex hac parte non habel quod insit, sed quod nd aliud sit ; illud outem quod ad aliquid dicitur non habet rationem accidentis ex hoc quod est ad aliquid, sed solum ex hoc quod inest ; … et propter hoc nolitia secundum considerationem islam non est in anima