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IDEALISME

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IDÉALISME. — I. Motion générale et formes diverses de l’idéalisme. — II. Critiijiie de l’idéalisme pbéiioméniste. — III. Critiriiie de l’idéalisme subjectif. — IV. Critique de l’idéalisme immalérialtste. — V. Conclusion. — Bibliographie.

I. — Notion générale et formes diverses de l’idéalisme. — De l’idéalisme proprement dit, origines et espèces principales- — Division de la présente étude.

1" Ce n’est pas cliose des plus faciles que de fixer la notion générale d’idéalisme. Il y en a de tant de sortes, ou, en tout cas, le mot est appliqué si différemment ! La première chose à faire dans l’espèce, c’est donc de déblayer pour ainsi dire le terrain, et cela, en écartant tout d’abord les emplois analogiques ou impropres qu’on a pu faire de ce terme. C’est ainsi qu’il ne paraît guère à propos d’y recourir en matière de philosophie ancienne, règle générale du moins. L’idéalisme, en elïet, est bien plutôt une doctrine moderne, née du besoin de résoudre un problème essentiellement moderne, ou, si l’on veut, constituant l’une des solutions principales apportées à un problème essentiellement moderne, qui a été inscrit à l’ordre du jour de la spéculation philosophique par le Cogito cartésien et qui met en question la valeur objective de la connaissance ou, comme on dit, le rapport du sujet à l’objet. Et cette solution consiste, essentiellement aussi, à absorber celui-ci dans celui-là ; à réduire toute réalité à la pensée, le sujet (ou le moi) n’étant que la pensée même en tant qu’elle connaît et l’objet (ou le non-moi) le contenu immanent de sa connaissance illusoirement détaché d’elle ; à ne reconnaître, en ce sens, qu’une réalité idéale (idéalisme), être revenant en dernière analyse à percevoir ou à être perçu, selon la célèbre formule : esse est (perd père a ut) pcrcipi. Il semble également résulter de là que l’idéalisme proprement dit (ou plutôt la thèse, ou plutôt encore la négation idéaliste) porte avant tout sur les choses extérieures, et nommément sur les corps. On a bien accoutumé d’en distinguer plusieurs formes, assez divergentes, et ce n’est pas non plus une mince besogne que de s’essaj’er à les classer et surtout à les « déduire «  méthodiquement. Nous aurons peut-être quelque chance d’y réussir, en disant qu’elles tiennent en somme à la manière dont, à chaque fois, on fait ainsi dépendre l’objet du sujet ou, plus exactement sans doute, à la conception qu’on se fait à chaque fois du sujet même.

à) Si c’est notre sujet ou notre pensée humaine. Unie et relative, on a l’idéalisme subjectif. Et encore de nouvelles précisions deviennent-elles tout de suite nécessaires. Ou bien, en elTet, ce sujet ou moi est conçu, non seulement comme individuel, mais aussi comme un simple phénomène ou comme une collection de phénomènes, sans réalité foncière ou sousjæente : idéalisme pliénoméniste (toutes choses se réduisentàmes sensations actuelles, D. IIcme, Stuart Mill). Ou bien il est conçu comme un principe ou tout au moins comme une forme permanente, que n’emporte pas le flux pliénoménal et qui même le domine en quelque façon — et alors, nouvelle distinction derechef : car on peut ne lui rapporter ou subordonner que l’élément « formel » des choses, c’est-à-dire leur élément de nécessité et d’universalité, l’élément matériel continuant d’être tenu pour extérieur — idéalisme formel 0}itranscendantaloicritique

(Kant) ; et on peut aussi lui faire produire à la fois la forme et la matière des dites choses, bref les lui faire produire de toutes pièces ou, en tout cas, les considérer comme n’ayant de subsistance qu’en lui — idéalisme /)ru/)reme/i ; suhjectif(Fu : HTR, du moins jusqu’à un certain point, ou première manière, et liEUKELKY, avec lequel il prend aussi le nom d’immutériatisme).

b) Si, au contraire, c’est le sujet ou la pensée absolue dont il est question, on a l’idéalisme absolu ou objectif : Fichte seconde manière, en passant du moi fini au moi absolu par la notion de l’essence pure du moi (/citlieit), Schelling (identité absolue du sujetobjet ) et Hegel (Idée) ; quant à Scuopenhaueh, il relève pour une part, en le corrigeant et le simplifiant, de l’idéalisme transcendantal (dans sa théorie du

« Monde comme Représentation »), tandis que par sa

théorie du « Monde comme Volonté « il se rapprocherait plutôt de l’idéalisme objectif, à cela près qu’à l’Idée il substitue la Volonté elle-même ; et l’on sait qu’à cet égard toute l’ambition de Habt.manx, son successeur, a été de réconcilier précisément Schopenhauer et Hegel, en faisant de la Volonté et de ridée les deux attributs essentiels du principe métaphysique des choses, l’Inconscient. — Il n’est pas inutile d’ajouter enfin qu’on applique parfois cette dénomination d’idéalisme objectif aux doctrines qui résolvent toute réalité, même corporelle, en éléments de pensée, au moins enveloppée et rudiuientaire, et où les choses sont objet et sujet tout ensemble, sujet pour elles-mêmes et objet pour les autres : tel le monadisme leibnizien.

a° Or est-il — et c’est à quoi nous voulions en venir — que la qualification générale d’idéalisme est loin de convenir à tous ces différents systèmes avec la même rigueur, et que de nouveau une élimination paraît s’imposer. De fait, ce qu’on appelle l’idéalisme objectif de Leibniz est beaucoup moins un idéalisme, en toute exactitude, qu’une façon de spiritualisme universel ou absolu. Sans doute les corps y sont réduits, en tant qu’étendus, à nos représentations, mais en tant qu’étendus seulement, et à chacun des points de cette étendue ou de ces atomes matériels correspond, mctaphysiquemenl, un atome

« formel » ou a de substance », doué de perception

et d’appétition, etc. : tout compte fait, il semble difficile d’affirmer que le leibnizianisme épuise la réalité du monde extérieur dans celle des idées que nous en avons’. — Et il en va de même de l’idéalisme objectif

1. L’t< idéalisme)> de Platon appellerait une remarque analogue — sans préjudice de l’observation déjà faite supra^ 1", au sujet de la philosophie ancienne : non seulement les Idées y sont conçues comme des réalités, et même des réalités transcendantes et absolues (/w^ct^rà, y.&.O

« vrà), mais il s’on faut que le monde sensible (totto : ipaTÔç)

lui-même y perde toute objectivité. Sans doute il est le domaine par excellence du changement et de l’écoulement, mais pour caduque et précaire <jue soit à ce titre son existence, comparée surtout à la plénitude d’être et à l’immutabilité des Idées (l’allégorie de la caverne n’a pas d’autre but que de symboliser cette « tiéficience » essentielle du sensible), il n’en existe pas moins à part des Idées mêmes et aussi, ce qui nous intéresse ici tout particulièrement, à part de notre esprit qui se le représente..Moins que jamais donc, il s’agit d’idéalisme, sinon au sens moderne, en tout cas au sens strict du mot. On a bien pu essayer’par exemple. Ritter) d’interpréter le platonisme en ce sens même, mais c’est une tentative qui n’a pas abouti, et qui ne pouvait pas aboutir. Cf. E. Zeller, Die Vliilosophie der Grtechen in ihrer gesclnchtlicken Entwichlung, II" Th., I".^bth., t. II, 4" édit., p. 737 sq.