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HONORIUS

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sa suprême autorité, ait officiellement enseigné l’erreur. Or, certains liistoriens ont cru trouver ce pape dans Honorius. Dans deux lettres écrites aux Orientaux, il aurait enseigné le nionotliélisme, qui est une bércsielormelle plusieurs fois condamnée par l’Eglise. On a joule qu’Honorius a été analliéniatisé comme hérétique par un concile œcuménique, et on en conclut que les papes ne sont pas infaillibles. Si les prémisses étaient vraies, la conséquence serait en effet inéluctable. Il est donc facile de deviner avec quelle abondance les travaux se sont multipliés sur la question d’Honorius. Adversaires ou défenseurs de la Papauté l’ont tour à tour abordée. Nous allons en présenter un résumé.

II. Exposé des faits. — Un rapide exposé des faits est nécessaire pour l’intelligence de la question.

Au commencement du septième siècle, les controverses nées deux cents ans auparavant, sur les deux natures et lapersonnedu Christ, continuaientàtroubler et à diviser l’Orient. Le concile de Chalcédoine, en 451, avait solennellement délini que dans Jésus-Christ il y a deux natures complètes, entières, distinctes : la nature humaine et la nature divine. Combien y a-t-il de volontés dans le Christ ? Cette question paraîtra résolue par la définition des deux natures, à tout esprit non prévenu. S’il y a deux natures, il y a deux volontés ; car sans la volonté, sans la liberté, sans la faculté de choisir, de se déterminer, une nature intelligente ne serait pas complète.

Il n’en parut pas ainsi à certains théologiens orientaux du septième siècle. Us crurent pouvoir enseigner que dans le Christ il n’y a que la volonté divine, la volonté humaine se trouvant noyéedans cette volonté supérieure, absorbée par elle. Les partisans de cette erreur furent appelés moiiotliélites (p-à-^oi, unique ; Oéivitiç, , volonté). Ils crurent trouver dans cette doctrine un moyen de ramener dans l’Eglise les monopliysites ou £i((vc/ue/is, c’est-à-dire les partisans d’une seule nature en Jésus-Christ. Ces derniers admellraient les deux natures, mais les catholiques leur concéderaient qu’il n’y a qu’une volonté ; la conciliation se ferait sur ce terrain.

C’est le i)atriarclie de Conslantinople Sergius, un des principaux personnages de l’empire grec, qui paraît avoir le premier adopté cette idée. Il y convertit deux de ses amis, Athanase et Cyri’s, qu’il poussa peu après, le premier sur le siège d’Antioche, le second sur celui d’Alexandrie ; les trois plus illustres sièges de l’Orient, lestroispatriarcats, étaient donc, presque du même coup, gagnés à l’hérésie. L’Empereur d’Orient Héraclius se déclara lui-même en faveur de ce sentiment et l’appuya vigoureusement. Il ne faut pas croire du reste que l’empereur, en agissant ainsi, cédât uniquement au plaisir de dogmatiser, comme la plupart des empereurs de Byzance, qui s’attribuaient volontiers une sorte de magistère en matière de théologie. A cette époque, toute controverse dogmatique avait son retentissement dans l’ordre politique. Les Nestoriens avaient fait cause commune avec les Perses, les ennemis héréditaires de l’empire d’Orient ; on craignait que les monophysitesne lissent comme les Nestoriens. Héraclius, qui avait lutté avec succès contre les Perses, applaudit aux efforts de son patriarche en faveur d’une pacilication religieuse.

Mais, au fond, ces concessions de Sergius ne devaient protiter qu’aux adversaires, comme il arrive d’ordinaire en pareil cas. N’admettre dans le Christ que la volonté divine, c’était revenir aux erreurs des monophysites. Ceux-ci ne s’y trompèrent pas, et les plus intelligents du parti disaient ouvertement : « Ce

n’est pas nous qui sommes allés vers le concile de Chalcédoine, c’est le concile de Chalcédoine qui est venu à nous. » (Tuéophanes, Chronogr.^ éd. Bonn, t. I, p. 50-.) Aussi les vrais catholiques ne pouvaient-ils consentir à sacrifier le dogme en faveur d’une paix illusoire. Le premier qui découvrit le vice de l’erreur nouvelle et qui la dénonça au monde chrétien, ce fut le patriarche de Jérusalem, le célèbre saint Soi-HRONE. Il voulut s’adresser au pape et le mettre en garde contre cette erreur subtile qui rouvrait la porte au monophysisme.

La chaire de saint Pierre était alors occupée par IloNonius (6-25-638). Malheureusement, Sergius avait prévenu saint Sophrone auprès d’Honorius. Il avait écrit à ce dernier une lettre pleine d’équivoques et d’artifices, dans laquelle il présentait la question sous un faux jour, prétendait qu’il avait ramené la plus grande partie des monophysites à la vraie foi, et disait en concluant qu’il ne fallait parler ni d’une ni de deux énergies ou volontés.

En réponse à cette lettre, le pape Honorius écrivit deux fois à Sergius, évitant de rien définir sur la question des volontés, félicitant le patriarche de son succès auprès des monophysites, recommandant que l’on s’en tint à l’enseignement du concile de Chalcédoine sur les deux natures. Nous reparlerons bientôt de ces deux lettres, sur lesquelles roule toute la discussion ; mais auparavant, il est nécessaire de raconter comment se termina l’incident.

Saint Sophrone, aj’ant connu la réponse du pape, déplora amèrement qu’il ne se fût pas prononcé contre l’erreur de Sergius et de ses partisans. II chargea un de ses disciples d’aller trouver Honorius et de l’éclairersur la véritable situation de l’Orient. Quand cet envoyé arriva à Rome, Honorius était mort. Ses successeurs allaient condamner vigoureusement le monothélisme et défendre la doctrine catholique au prix de leur liberté et de leur sang. Les partisans du compromis monothélite s’étaient trompés dans leurs visées pacifiques ; l’Orient était en feu ; ils n’avaient réussi qu’à créer un parti nouveau, une hérésie plus subtile que les précédentes, et les disputes se poursuivirent jusqu’au VI concile œcuménique, 111’de Constantinople (680-68 1). Quant à saint Sophrone, il était descendu au tombeau avant Honorius, au moment où les hordes musulmanes envahissaient la Palestine, menaçaient Jérusalem, sa ville épiscopale, et préludaient à leurs luttes séculaires contre l’empire byzantin. Mais nous n’avons pas à poursuivre plus loin l’histoire du monothélisme.

m. Solution. — Il s’agit maintenant de répondre à ces questions :

Honorius, dans les deux lettres à Sergius, a-t-il enseigné l’erreur ? Supposé que ces deux lettres contiennent des propositions hérétiques, peut-on les considérer comme un enseignement e.r cathedra, c’est-à-dire comme réunissant les caractères d’une décision pontificale proprement dite ? Enfin, Honorius a-t-il été condamné comme hérétique par un concile œcuménique ?

Plusieurs solutions ont été proposées à ces diftcrentes questions.

<i) Gravina, Costeh, Bellarmin, Baronius, Pi-GHius, Sfondratr, Bartoli et quelques autres prétendent que ces deux lettres sont apocryphes ou du moins interpolées par des monolhélites ; la même thèse a été défendue de nos jours par Botte.vanne (cf. ci-dessous la bibliographie). La solution est radicale. Il est clair que si ces lettres ne sont pas d’Honorius, si elles ont été altérées dans leur substance, il n’y a plus de question. Mais cette opinion ne nous parait pas soulenable. Ces lettres ont tous les carac-