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FOI, FIDÉISME

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social fon<lé par Jésus-Chiist pour le continuer sur la terre, est plein de vérité, comme il est plein de grâce ; la vérité est le bien social de l’Eglise, que ceux-là seuls |)euvent posséder qui a|)parliennent au corps social. Nous ne subordonnons donc pas la vérité à l’unité, en ce sens que nous regarderions la vérité couiuic secondaire, prêts à en faire le sacrifice, si besoin était, pour garder l’unité ; mais nous tenons à l’unité, parce que dans l’unité seule se trinivc la vérité, comme dans l’unité seule se trouve la grâce.

Nos frères séparés, avec leur individualisme religieux, ont peine à comprendre ces choses ; c’est pourtant cela qu’il faut avoir présent à l’esprit, si l’on veut entendre quoi que ce soit à la notion catholique d’Eglise, d’autorité enseignante, d’unité de foi dans l’unité de l’Eglise. Pour la même raison, nous n’allons pas « de l’Eglise à Jésus-Christ », comme si Jésus-Christ était en dehors de l’Eglise ; nous trouvons Jésus-Christ dans l’Eglise, qui est son corps mystique, et vit de sa vie ; nous sommes incorporés au Christ par notre incorporation à l’Eglise, tout comme nous sommes incorporés à l’Eglise par notre incorporation au Christ, parce que cette incorporation a quelque chose de social, et d’essentiellement social. La méthode protestante, en subordonnant l’unité à la vérité, comme elle prétend le faire, n’arrive pas plus à la vérité qu’elle n’arrive à l’unité, parce que la vérité est le bien inaliénable de l’unité sociale, et que l’Eglise est, comme dit saint Paul, la colonne et l’appui solide de la vérité ; en voulant saisir le Christ d’abord et indépendamment de l’Eglise, elle manque à la fois l’un et l’autre, et ses efforts sont aussi vains pour saisir le Christ que pour se constituer, après coup, en Eglise du Christ ; car le Christ n’est, pour nous, que dans son Eglise. (Bien entendu, nous faisons toujours la part de la bonne foi et de la bonne volonté, et nous admettons que des protestants peuvent avoir en eux la vie et la grâce du Christ, avec la foi au Christ ; mais c’est en tant qu’ils sont catholiques sans le savoir, et qu’ils font partie, an regard de Dieu, à cause de leur bonne volonté, du corps social que peut-être ils anathématisent de bonne foi dans leur ignorance.)

Enfin, il n’est pas jusqu’à la phrase sur LuTnBR où nous h’aurions à redire, du point de vue purement historique. La question de la foi tient une grande place dans la controverse entre luthériens et catholiques ; mais, historiquement parlant, il est inexact de dire, sans restriction ni explication, que « ce fut au nom de la foi que Luther se sépara » de l’Eglise ; historiquement parlant, il est impossible de prouver que l’Eglise fût « devenue intldcle à l’enseignement et à la simplicité de l’Evangile ». Théologiqncment parlant, elle ne pouvait le devenir, et on ne peut admettre qu’elle le soit devenue sans renier le Christ même ; car le Christ avait promis d’être avec son Eglise jusqu’à la consommation des siècles ; s’il a manque à sa promesse solennelle, la foi en lui devient impossible. N’oublions pas que l’Eglise des promesses, c’était l’Eglise d avant Luther.

Pour « la valeur de la foi » (nous dirions avec plus de précision, pour son rôle dans la justification), l’opposition entre les deux Eglises n’est pas non plus telle que la représente M. Monod. « Pour l’Eglise protestante, dit-il, cette valeur est telle que la foi est la condition unique du" salut. » Jusque-là nous sommes d’accord. Il ajoute aussitôt : o Etant admis, d’ailleurs, qu’il s’agit de la foi vivante qui porte en elle le principe dos bonnes œuvres. » C’est là peut-être l’explication calviniste, et celle même, je crois, de bien des Luthériens, après Luther. Mais ce n’est pas la pensée fondamentale de LuTHiin,

non plus que de Mélanchthon. Dans la logique <lu système luthérien, le pécheur est toujours pécheur, et toutes ses œuvres des œuvres dépêché, puisqu’il est corrompu dans son fond ; la distinction d’une foi vivante et d’une foi vraie, qui ne serait pas vivante, l’idée même d’une foi qui serait « le principe des bonnes œuvres », est en opposition avec le sens du sola fide, où M. Monod voit « le mot d’ordre de la Réforme ». C’est là un de ces compromis avec le catholicisme dont M. Harnack et les protestants libéraux ontsignalé tant d’exemples chez lesLuthériensetchez Luther lui-même, quand, après la première effervescence de démolition et devant les elfels désastreux des principes proclamés aux débuts de la Réforme, on essaya de fonderquelque chose de durable, en rassemblant et rajustant tant bien que mal les débris épars de l’ancienne doctrine et des vieilles institutions. Peu exact quand il décrit « la valeur de la foi » dans la doctrine protestante, M. Monod ne donne pas non plus l’idée vraie de la doctrine catholique sur la question. L’Eglise reconnaît bien « une double condition du salut : la fol et les œuvres ». Elle admet que « celles-ci sont pour l’homme des titres à la faveur de Dieu », mais non pas, comme M. Monod l’entend,

« indépendamment de la foi, à laquelle elles doivent

s’ajouter ». Selon nous, il ne sullit pas de croire, il faut bien vivre, conformer sa vie à sa foi : la foi sans la charité ne sauve pas, elle n’est qu’une foi morte, tout en étant une foi véritable. Nous proclamons d’ailleurs que nos bonnes œuvres sont un effet de la grâce, sont elles-mêmes une grâce et un don de Dieu. Il n’y a de bonnes œuvres, au sens catholique du mot, que les œuvres faites dans la foi et sous l’influence de la grâce. Ce n’est donc qu’en défigurant notre doctrine qu’on peut dire qu’a elle fait reculer la grâce du Christ devant les mérites de l’homme ». Il faut supposer pour cela des mérites indépendants de la foi et de la grâce, des mérites qui ne seraient pas eux-mêmes une grâce et un don de Dieu, ce qui est l’opposé de la doctrine catholique. Cette doctrine suppose la libre coopération de l’homme à la grâce de Dieu dans l’œuvre de la justification et du salut. Mais ceux-là seuls I)euvent l’accuser d’être pélagienneet de faire « reculer la grâce du Christ », qui refusent à l’homme toute activité surnaturelle sous l’influence divine et qui ne veulent voir en lui sous l’actionde Dieu qn’unemasse inerte ou une bûche, une pure passivité. Ce n’est pas d’ailleurs le lieu de prouver la doctrine catholique sur toutes les questions ipii viennent d’être touchées. Voir les articles Eglisk. Gracb, Libre arbitre, Pré-DESTiN. iTioN, Protestantisme. Ce qui précède n’est qu’une première mise au point, rendue nécessaire par les déformations trop fréquentes qu’on fait subir aux doctrines en les présentant.

B. Points spéciaux de controvei-se. — En restant dans les questions qui se rapportent directement à la foi, on peut signaler surtout comme matière de controverse entre Protestants et Catholiques : la foi qui justifie et la justification par la foi, la foi et les œuvres, la foi et le dogme, la foi implicite, la règle de foi, l’intégrité de la foi, la raison et la foi. Sur la plupart de ces points, les solutions du protestantisme libéral sont aussi loin du protestantisme dogmatique que du catholicisme. C’est du protestantisme dogmatique que nous nous occupons ici. Le protestantisme libéral ne viendra en considération qu’en tant et autant « lu’il se rattache au protestantisme orthodoxe. Ce qui le regarde spécialement sera indique en quelques mots à la fin de l’article. Parmi les questions signalées ici comme se rapportant directement à la foi, plusieurs ont leur place naturelle dans d’autres articles du Dictionnaire apologétique