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HERESIE

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TEglise n’a pas un pouvoir immédiat d’infliger la peine capitale, si ce châtiment n’est pas nécessaire j)OUi’le salut éternel des membres de la société chrétienne. Comme Noire-Seigneur Jésus-Christ son divin fondateur, l’Eglise ne veut pas la mort des pécheurs, mais leur conversion.

Toutefois, écrit Dudallet, « si la peine capitale est nécessaire pour le salut éternel du prochain, nous dirons avec les cardinaux Tarquim et Mazzklla, que dans ce cas diflicilement réalisable, rien ne parait rigoureusement s’opposer au droit strict de l’Eglise de décerner par elle-même et directement la peine capitale. L’Eglise, à l’égal de l’Etat politique, est une société parfaite, et, par suite, investie de tous les droits nécessaires à sa conservation et à sa défense {Des principes, t. 1, n. /|14. lo, p. 351 sq.). « Quod vero immédiate, dit Tarquim (Institut, juris putilici, p. 48 sq. Romae, 1862), cum nécessitas postulat, a supremo Ecclesiæ magistratu taie jus exerceri non possit, nulla ratione id probari ; cum ex jure naturali, ex eo quod Ecclesia societasperfeclæst, contrarium immo demonstrclur ; ex jure autem posilivo divino nullus afferri possit locus, quo id vere interdictum fuerit… » Le cardinal Mazzella cite en note cette opinion de Tarquini et l’adopte. De Religiune et Ecclesia, disp. iv, art. G, n. 764, 3, not. i, p. 588. Romae, 1885.

Géuéialenient cependant, les auteurs qui soutiennent cette opinion font une distinction.

« Il faut en cette matière distinguer entre le droit

lui-même et l’usage de ce droit. Il peut se faire en elTet qu’un droit existe, mais que, pour de bonnes raisons, on ne doive pas, ou qu’on ne veuille pas en user. Pour la question qui nous occupe, s’il s’agit uniquement déchoit, nous n’avons aucun motif pour limiter le pouvoir coactif de l’Eglise. L’Eglise, à l’égal de l’Etat politique, est une société parfaite, et par suite elle est investie de tous les droits nécessaires à sa conservation et à sa défense. Mais s’il est question de l’usage de ce droit, il est parfaitement vrai que l’Eglise se refuse à infliger des châtiments dune gravité extrême et sanglante. Cela vient de son caractère miséricordieux et plein de charité, de pitié. Quand il s’agit d’un coupable, dont la mort serait absolument requise pour le salut public du christianisme, elle l’abandonne plutôt au pouvoir laïque, pour que celui-ci le juge et le punisse conformément aux lois. C’est là l’opinion de saint TnoM.^s, adoptée parles théologiens les plus estimés. « (Libe-RATORE, l.e Droit public de i£glise, trad. Onclair, n. 1^6, p. iG5 sq., Paris, 1888.) Duballet (Des principes, t. I, n. 4 1 41’1°. P- 352 sq.) reproduit ces paroles

de LlBERATORK.

Donc, en théorie, le droit de glaive, direct, immédiat, appartient à 1 Eglise, et selon Tarquim, MazzELLA, pratiquement l’Eglise pourrait exercer ce droit par elle-même, en cas de nécessité.

D’après Liueratore, Duballet, le droit strict de glaive ajipartient à l’Eglise, mais l’Eglise l’exerce par l’intermédiaire du bras séculier. Celte dernière opinion se ramène à la suivante, que nous allons examiner.

Que penser de l’opinion de Tarquini ? On ne peut s’enipêcher de lui reconnaître un certain degré de probabilité extrinsècpie et intrinsèque. Tarquini, Mazzellasont des autorités respectables ; et la raison qu’ils donnent n’est pas sans valeur. L’Eglise, aflirment-ils, est une société parfaite à l’égal île la société politique. Elle est donc investie de tous les droits nécessaires à sa conservation et à sa défense. Cette preuve, cependant, est loin d être décisive, concluante ; nous le verrons en critiquant l’opinion suivante, en faveiu- de laquelle on apporte la même raison.

2’opinion. — Le droit de glaive appartientà l’Eglise d’une manière médiate, en sorte que l’Eglise a le droit de recourir au prince chrétien et de l’obligera appliquer cette peine aux coupables, qu’elle lui désignerait. Dans ce cas, l’Eglise exercei-ait ce pouvoir non par elle-même et directement, mais médiaiement, par le bras séculier. A son tour, le pouvoir civil remplirait un simple ollicc au nom de l’Eglise ; il prononcerait la sentence et appliquerait la peine capitale, non pas en son : iom, mais au nom de l’Eglise. L’acte est toujours attribué à l’agent principal, ((ui le commande, et non au mandataire qui l’exécule.

Le sujet de ce droit est le Souverain Pontife ou le Concile œcuménique. « Hoc sine uUo dubio tenendum esse, saltem médiate ejusmodi jus pênes eos esse ; ila scilicet ut a catholico principe jus habeant exigendi, ut eapoena in delinquentes animadvertat, if Ecclesiæ nécessitas id postulet. Ecclesiæ enini non esset satis provisum, nisi ad ea quæ necessaria sibi suut verum jus eidem datum esset. » (Tarquini, 1. c, p. 48.)

Ainsi pense le cardinal Mazzella, qui reproduit simplement le passage de Tarquini, que nous venons de citer (De Religiune et Ecclesia, disp. iv, art. 6, 11.764, not. i, a. p. 588).

« Il est pareillement certain que ce droit (de glaive)

appariient à l’Eglise d’une manière médiate. » (Duballet, Des principes, t. I, n. 414, 8", p. 35|.)

Telle est l’opinion de S. Thcmas (ll-iUae^ q. |i^ arl.3), de Dicastillo (Tract, de cens., disput. 1), de PiRuiNG (/(is ecclesiasticum, 1. V, lit.’j, sect.3, n. 92) ; Ferraris, ad voc. Ilæreticus ; ScHM..i.ZGRVBBEn, , y, lit. 7, n. 165 sq. ; Fagnanus, 1.’V, tit. 7, e. Ad abolendam 9, n. 2 sqq.

Bellar.-min et Suarez professent cette opinion, et non la première, comme on le prétend quelquefois : 1’Xos igitiu- breviter ostendemus, hæreticos incorrigibiles, ac præsertim relapsos, posse ac debere ab Ecclesia rejici, et a sakcularibus potestatibus temporalibus poenis, atque ipsa etiam morte mulctari. » (liELLARMiN, De luicis, 1. III, cap. XXI, col. 497, in une, Venctiis, 1599, et ibid.cap. xxii, solfuntiir oh/ectiones.)

Suarez suit Bcllarmin qu’il cite (Z^e^rfe. disp. xxiii, sect. i, n. 2) el(ib., n. 7)11 écrit : « Statim vero interrogandum occurrit quis habeal in Ecclesia hanc poteslatem qus gladii), an magistralus civilis, velecclesiaslicus. .. Dico ergo hanc poteslalem aliiiuo modo pertinere ad utrumqueforum ; verumtamen in magistratu ecclesiastico, et præsertim in PonliUceesseprincipaliter, et emincuti qiiodam modo ; in regibus autein et impcratoribus eorumque ministris, esse veluti proxime, et cum subordinatione ad spiritualem poteslalem. » En somme, l’Eglise a le droit de glaive, mais pour l’application de la peine, elle a recours au bras séculier.

Tel est encore le sentiment de PALMiKRi, qui donne son opinion en résolvant une objection, De Rom. /on/Z^ce^ proiegomena de Ecclesia, §xix, viii, ad^ » " », p. iii, ’rA[.i, 1891 ; Marianus de Luca, Jnstit. jiir. publici, vol. I, p. 260, 261.

Inutile de citer les grands inquisiteurs, Torque.MADA ou Turrbcremata, Evmbric, Pegna et autres Dominicains cl Frères mineurs… ; les inquisiteurs soutiennent communément cette opinion ; et on peut dire que c’est en général le sentiment des anciens docteurs, théologiens et canonistes.

Bouix rapporte les paroles du cai’dinal Petra, qui est aussi partisan de cette opinion, mais il ne se prononce pas ; Tract, de judiciis, t. ii, n. 5, p. 398 S(p ; cf. Petha, Commentaria ad constitutioncs apostolicas, t. III, const. i, secl. 11, n. 4. 7, 8, p. 5 s(j., Veneliis, 1741.

Assurément, celle thèse a pour elle de graves et