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FOI, FIDEISME


s’il est ressuscité et monté au ciel : Non, répondra la science agnostique ; Oui, répondra la foi. Où il faudra bien se garder pourtant de trouver une contradiction : la négation est du pliilosoplie parlant à des pliilosojihes, et qui n’envisage Jésus-Christ que selon la réalité historique, l’allirniatiun est du croyant s’adressant à des croyants, et qui considère li » vie de Jésus-Christ comme ^écue à noiweau par la foi et dans la foi. » Ainsi l’Eglise n’admet pas le séparatisme moderniste entre la foi et la science ; mais c’est le séparatisme absolu qu’elle réprouve, non la distinction de point de vue et d’objet propre.

Le moderniste ne nie pas tout rapport entre la science et la foi ; mais l’Eglise lui reproche de renverser les rôles en subordonnant la foi à la science. Il le fait, dit-elle, « non pas à un titre, mais à trois. Il faut observer premièrement que, dans tout fait religieux, à la réserve de la réalité divine et de l’expérience qu’en a le croyant, tout le reste, notamment les funniiles reli^’ieuses, ne dépasse pas la sphère des phénomènes, n’est point soustrait par conséquent au domaine seientilique. Que le croyant s’exile donc du monde, s’il lui plaît ; mais, tant qu’il y reste, il doit subir les lois, le contrôle, le jugement de la science (scientiue atqiie li : sloriae). En second lieu, si l’on a dit que la foi seule a Dieu pour objet, il faut l’entendre de la réalité divine, non de Vidée : car l’idée est tributaire de la science, attendu que celle-ci, dans l’ordre logique, comme on dit, s’élève jusqu’à l’absolu et à l’idéal. A la science donc, à la philosophie, de connaître de l’idée de Dieu, de la guider dans son évolution, et, s’il venait à s’y mêler quelque élément étranger, de la corriger. D’où cette maxime des modernistes, que l’évolution religieuse doit se coordonner à l’évolution intellectuelle et morale, ou, pour mieux ilire et selon le mot d’un de leurs maîtres, s’y subordonner. Enlin l’homme ne soutire point en soi de dvuilisme : aussi le croyant est-il stimulé par un besoin intime de synthèse à tellement harmoniser entre elles la science et la foi, que celle-ci ne contredise jamais à la conception générale que celle-là se fait de l’univers. Ainsi donc, vis-à-vis de la foi, liberté totale de la science ; au contraire, et nonobstant qu’on les ait données pour étrangères l’une à l’autre, à la science asservissement de la foi. » L’Encyclique fait remarquer que ce sont là doctrines « en opposition formelle avec les enseignements de… Pie IX ». Elle eut pu dire aussi bien « avec ceux de l’Eglise », car les textes qu’elle cite à ce propos, celui de PiR IX, dans sa lettre du 15 juin 1867 àl’évêque de lîreslau, celui de Grégoire IX, dans sa lettre du 7 juillet 1223 aux maîtres de Paris, ne sont que des formules particulières de la pensée catholique : « 11 est de la philosophie, en tout ce qui regarde la religion, non de commander, mais d’obéir ; non de prescrire ce qui est à croire, mais de l’embrasser avec une soumission que la raison éclaire. » C’est Pie IX qui écrit, mais c’est l’Eglise qui pense. C’est sa pensée aussi qu’exprime Grégoire IX, quand, parlant de ceux « qui plient les Saintes Lettres aux doctrines de la philosophie rationnelle », il dit qu’ils

« mettent queue en tête, et à la servante assujettissent

la reine ».

De cette opposition dans les principes naît l’opposition dans la conduite. L’Eglise ne peut excuser les modernistes de jouer tour à tour deux personnages : i( Ecrivent-ils l’histoire : nulle mention de la divinité de Jésus-Christ ; montent-ilsdans la chaire sacrée, ils la proclament hautement. Historiens, ils dédaignent Pères et Conciles ; catéchistes, ils les citent avec honneur. Si vous y prenez garde, il y a pour eux deux exégèses fort distinctes : l’exégèse theologiijue et pastorale, rcxégèse scientifique et

Tome II.

historique. « Les modernistes crient contre l’Eglise qui les réprimande, et « se plaignent amèrement qu’on viole leur liberté ». Conséquents avec leur principe, « que la foi est subordonnée à la science, ils reprennent l’Eglise ouvertement et en toute rencontre, de ce qu’elle s’obstine à ne point assujettir et accommoder les dogmes aux opinions des philosophes ; quant à eux, après avoir fait table rase de l’antique théologie, ils s’efforcent d’en introduire une autre, complaisante celle-ci aux divagations de ces mêmes philosophes ».

Cette théologie conciliera « la science et la foi, mais par la subordination de la foi à la science ». C’est logique. Pour elle, les formules de foi ne sont que des symboles, des façons tout humaines de nous représenter l’inconnaissable divin. Elles sont un effort pour atteindre et pour exprimer l’absolu, mais elles ne l’atteignent ni ne l’expriment. Qu’on s’en serve donc dans la mesure où elles sont une aide à la foi ; mais qu’on ne prétende pas y voir une expression proprement dite de la vérité absolue, ni parlant y asservir sa foi. L’Eglise, comme on sait, donne à ses formules une valeur de vérité : elles expriment sa foi, et sa foi est une connaissance vraie.

Telle est, en face de la pensée des modernistes, la doctrine de l’Eglise sur l’origine et la nature de la foi, comme aussi sur ses rapports avec la science. Nous n’avons pas à suivre l’Encyclique dans son exposé de leur système sur ic les rejetons de la foi », dont les principaux sont, suivant eux, « l’Eglise, le dogme, le culte, les livres saints ». (Jhacun de ces points est examiné en dû lieu dans ce Dictionnaire même. Voir notamment l’article Dogme, où il est montré que le dogme est avant tout une expression intellectuelle de la foi, que l’Egliseestgardienne delà foi, non seulementcomnie transmetteuse de vie, mais comme maîtresse de vérité. Voir l’article Sacrements, où il sera montré que les sacrements ne sont pas seulement des stimulants pour le sentiment religieux ou pour la foi ; mais qu’ils supposent la foi et qu’ils l’expriment à leur façon. Voir l’article Agnosticisme, où se débat la question fondamentale dont les solutions opposées mettent une irréductible opposition entre l’idée catholique de la foi et l’idée moderniste. Voir l’articleCRiTicisME, où sont étudiées et discutées les idées kantiennes de la connaissance et de la foi, idées qui sont, comme on sait, à la base de la conception moderniste de la foi. Voir l’article Dieu, où il est montré que nous le connaissons et par quels procédés. Voir l’article Expérience religieuse, où sont étudiés avec pénétration et clarté les rapports entre la foi et l’expérience religieuse. Voir enfin l’article

RÉVÉLATION.

Bibliographie. — Le texte de l’Encyclique Pascendi (latin et français) est cité d’après l’édition des

« Questions actuelles » (lionne Presse) : Lettre Encyclique

de.Xotre très saint Père le Pape Pie X sur l’es Doctrines des Modernistes, précédée du Décret du Saint-Office « I.amenlahili sane exita ». Texte latin et traduction française. Il est marqué à la lin du livre que la traduction française estoflieielle. — Texte latin, mais avec suppressions, dans Denzixgkr-Bannw. vrt, 207 1-2 109. — M. J.-B. Lemius a donné, sous le titre Catéchisme sur le Modernisme d’après l’Encyclique » Pascendi Dominici gregis », Paris, igo’;, une édition française de l’Encyclique, avec divisions et titres, et surtout avec insertion de questions auxquelles le texte même de l’Encyclique sert de réponse. Tout le document est ainsi mis en catéchisme.

Pour se rendre compte du bien-fondé de la systématisation moderniste telle que nous le présente