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FOI, FIDÉISME

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dans la connaissance de foi humaine, quand je m’en rapporte à ce qu’on me dit) ; cet olijet est donc intellectualisé, si je puis dire, pour la foi. Le travail subséquent ne transforme pas cette donnée première. Il l’étudié, il l’élabore, il la dégage ; mais la formule scientilique ne représente pas autre chose que la formule primitive. Pour les modernistes, la donnée première n’est pas d’ordre intellectuel : c’est une impression dont la foi est le sentiment. Le premier acte intellectuel n’est pas la perception d’une vérité révélée : c’est un effort de l’esprit pour s’expliquer son sentiment, pour dégager Dieu de je ne sais quel contact senti avec le divin. La formule dogmatique n’est pas l’expression explicite d’une vérité révélée : elle est un symbole, et rien que cela, d’une vérité inaccessible, enveloppée à jamais dans la seule réalité que nous atteignions, une touche divine, où le Dieu qui nous a touchés se dérobe toujours. C’est cette inaccessibilité à toute connaissance intellectuelle icibas, cette pure relativité du symbole, sans transparence de l’absolu, cette méconnaissance duréel divin dans notre mode de connaître par images, que l’Eglise blànie et condamne dans les explications modernistes : bref, elle veut une donnée intellectuelle d’ordre divin, elle n’admet pas que le dogme soit une élaboration purement humaine, où se garde, en dehors de toute prise intellectuelle, une réalité ici-bas inconnaissable.

C’est bien cela, en effet, que l’Eglise voit dans les explications modernistes du dogme, de son origine et de sa nature : « Le dogme, d’après eux, tire son origine des formules primitives et simples, essentielles, sous un certain rapport, à lafoi ; caria révélation, pour être vraie, demande une claire apparition de Dieu dans la conscience (revelatio, ut reapse sit. manifestam Dei notltiam in conscieiitia reqiiiril). Le dogme lui-même, si on les comprend bien, est contenu proprement dans les formules secondaires. Maintenant, pour bien entendresa nature, il faut voir avant tout quelle sorte de rapport il y a entre les formules religieuses et le sentiment religieux. Ce qui ne sera pas malaisé à découvrir, si l’on se rapporte au but, qui est de fournir au croyant le moyen de se rendre compte de sa foi. Elles constituent donc entre le croyant et sa foi une sorte d’entre-dcux : par rapport à la foi, elles ne sont que des signes inadéquats de son objet, vulgairement des svmfco/es ; parrapportau croyant, elles ne sont que de purs instruments. D’où l’on peut déduire (la déduction est faite parles modernistes eux-mêmes) qu’elles ne contiennent point la vérité absolue : comme symboles, elle sont (les images de la vérité, qui ont à s’adapter au sentiment religieux dans ses rapports avec I homme ; comme instruments, des véhicules de vérité, quiont réciproqucnicnl à s’accommoder à l’homme dans ses rapports avec le sentiment religieux. Et comme l’absolu, qui est l’objet de ce sentiment, a des aspects infinis, sous lesquels il peut successivement apparaître ; comme le croyant, d’autre part, peut passer successivement sous des conditions fort dissemblables, il s’ensuit que les formules sont soumises à ces mêmes vicissitudes, partant sujettes à mutation. Ainsi, conclut l’Encyclique, est ouverte la voie à la variation substantielle des dogmes. » Et, d’un mol, elle juge et condamne : «.Vmoncellement infini de sophismcs, où toute religion trouve son arrêt de mort. » Pourquoi ? Parce que, si l’on ôte aux formules leur valeur de mérité, pour n’y voir qu’un moyen de conserver et Je stimuler le sentiment religieux, on sape par la base le premier fondement de la foi, qui doit être avant tout une connaissance vraie, une société de connaissance avec le Dieu révélateur.

Mais de ce que la foi doit être avant tout une con naissance, de ce que la formule dogmatique doit avoir, avant tout, une valeur intellectuelle, une valeur de vérité, il ne s’ensuit pas que ce soit là le tout de la foi et du dogme. L’Encyclique, sur ce point encore, défend l’Eglise contre les modernistes, qui « lui reprochent audacieusement de faire fausse route, de ne savoir pas discerner de la signification matérielle des formules leur sens religieux et moral, de s’attacher opiniâtrement et stérilement à des formules ^ aines et vides, cependant qu’elle laisse la religion aller à sa ruine ». Ce sont eux qui se condamnent eux-mêmes en pervertissant « l’éternelle notion de vérité », dont l’Eglise est la tenante dans le monde ; elle sait bien qu’elle sauvegarde du même coup « la véritable nature du sentiment religieux ».

En maintenant contre les modernistes la réalité de la connaissance religieuse, l’Eglise ne prétend pas qu’ils refusent au croyant toute connaissance de Dieu. Car si, comme philosophe, le moderniste est agnostique, comme croyant, il fait profession de croire en Dieu, et, ce faisant, de le connaître avec certitude. Non pas d’une connaissance spéculative, philosophique ou scientifique, mais par une certaine expérience individuelle. Les modernistes, nous dit l’Encyclique, u se séparent ainsi des rationalistes, mais pour verser dans la doctrine des protestants et des pseudo-mystiques ». Elle nous explique ainsi leur opinion : « Si l’on pénètre le sentiment religieux, on y découvrira facilement une certaine intuition du cœur, grâce à laquelle, et sans nul intermédiaire, l’homme atteint la réalité même de Dieu, d’où une certitude de son existence qui passe très fort toute certitude scientifique. Et cela est une ^éritable expérience, et supérieure à toutes les expériences rationnelles. Beaucoup, sans doute, la méconnaissent et la nient : tels les rationalistes ; mais c’est tout simplement qu’ils refusent de se placer dans les conditions morales qu’elle requiert. » L’Encyclique conclut :

« Voilà, dans cette expérience, ce qui, d’après les

modernistes, constitue vraiment et proprement le croyant : llæc porro experientia, cum quis illam fuerit assecutus, proprie vereque credentem ef/icit. » Qui n’aurait pas cette expérience, n’aurait pas lafoi. Ce n’est pas ainsi que l’entend l’Eglise : « Combien tout cela est contraire à la foi catholique, nous l’avons déjà vu dans un décret du Concile du Vatican. » Et l’Encyclique continue, en réfutant cette doctrine.

Elle rejette également l’idée que se font les modernistes des rapports entre la foi et la science. Pour le moderniste, rien de commun entre elles : « Leurs objets sont totalement étrangers entre eux. Celui de la foi est justement ce que la science déclare lui être inconnaissable. De là un champ tout divers : la science est toute aux phénomènes, la foi n’a rien à y voir ; la foi est toute au divin, cela est au-dessus de la science. D’où l’on conclut enfin qu’entre la science et la foi il n’y a pas de conflit possible ; qu’elles restent chacune chez elle et elles ne pourront jamais se rencontrer, ni parlant se contredire, i On leur objectera « qu’il est certaines choses de la nature visible qui relèvent aussi de la foi, par exemple la vie humaine de Jésus-Christ ». Ils le nieront, « Il est bien vrai, diront-ils (nous continuons de citer VEncyclique), que ces choses-là appartiennent par leur nature au monde des phénomènes ; mais en tant qu’elles sont pénétrées de la vie de la foi, et que, en la manière qui a été dite, elles sont transfigurées et défigurées par la foi, sous cet aspect précis, les voilà soustraites au monde sensible et transportées, en guise de matière, dans l’ordre divin (in dirini mtiteriam translata). Ainsi, à la demande si Jésus-Christ a fait de vrais miracles et de véritables prophéties,