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GUÉRISONS MIRACULEUSES

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se lijïiii’eiU qu’on pourrait les convaincre avec des cas plus étonnants ne s’aperçoivent pas qu’ils opposent en eux mêmes une digue au Ilot de la t, ’r ; ue. Leurs exijfences grandiraient avec la portée des l’ails contemplés, comme nous en avons montré plus haut queliiues moyens. L’obturation d’une plaie leur ferait désirer la poussée nouvelle d’un membre amputé. Obtiendraient-ils ce nouveau miracle (é idemment possible à Dieu, mais à notre avis incompatible avec la condition du spectateur humain, qui ne pourrait assister sans une insoutenable contradiction à une création de matière, c’est-à-dire dominer comme Dieu le secret de la substance et rester en même temps vaincu dans son corps par cette même matière dont son àme est voilée), obliendraient-ils, dis-je, ce nouveau miracle, qu’ils demanderaient pour plus d’étonnement la résurrection d’un mort, contemplation i)lus formidable que celle d’une suérison, mais non inlerilite, et quelquefois accordée à l’homme comme en témoignent des récits du Nouveau Testament (Miillh., xxvii, 52-53) et des traits moins certains (mais revelus encore d’une certaine autorité) de la vie des saints. Du reste la résurrection d’un mort ne convaincrait pas tout le monde, il faut se le dire. Nombreux furent les témoins des miracles évangéliques que l’intervention directe du’Verbe incarné, et sa résurrection même, cependant prévue par les Prophètes et prédite par Lui (Malt., xvil, 22, 23), ne convainquirent pas (Jean, iv, ’44).

Comment penser que des miracles d’aujourd’hui convaincraient davantage, s’ils ne renoncent pas à leur méthode, ceux qui écrivent : « A nous, médecins aliénistes, incrédules au nnracle, il nous faut l’explication naturelle d’un fait qu’on nous donne comme surnaturel… Qu’on ne parle ]) ! us de miracles dans le monde, tel est notre but. » (Rouby, La vérité sur Lourdes, p. 13 et p. dernière.) Que penser des confrères et des écrivains qui n’ont aucune idée de la foi et ne cherchent pas à savoir ce que nous entendons par là, qui présument que les médecins catholiques sont sinqdement « l’objet d’un chantage moralde Unir clientèle bigote » (Rouby, p. 65), ou que les malades erojants sont seulement le jouet d’illusions forgées par leurs évêques (Zola) ? A coup sûr, la notion de cause transcendante est tantôt redoutée (comme on peut le croire quand on voit Ciiahcot et Voisin refuser d’examiner Bernadette : cf. BoissARiE, Lourdes de iS.’jS à nos jours, pp. 68 sq. et 266), tantôt éludée et dédaignée (c’est ainsi que le D Aigner, sans quitler la Bavière, étudie les faits de Lourdes à la lumicrc de la science médicale allemande, im Liclite deutscher mediziuisclier Wissenschaft, et les explique par les effets d’un changement d’air, du soleil méridional ou du voisinage de Tarascon), tantôt insoupçonnée, comme le prouvent certaines énorniitcs du genre de celle-ci. « A quel moment précis l’eau devient-elle miraculeusement curative ! En deçà du robinet ou au delà ? » (Rouby, note p. bit.) Comme on le voit, de telles objections pensent nous atteindre sur le chapitre des causes secondes, où elles portent naïvement à faux (cf. Bkrtrin, Ce que répondent les adyers/iires de Lourdes, Paris, Gabalda, et CnB.No.N, Lourdes etc., Paris, Lethielleux).

D’autres contradicteurs se scandalisent que les guérisons miraculeuses laissent après elles des cicatrices : si ces cicatrices étaient ])athologiques, vicieuses et sources elles-mêmes d’autres unsères, on pourrait en elVet s’étonner que la main divine en fut l’auteur. Mais une cicatrice normale rentre dans les moyens naturels : or l’intervention de Dieu dans la nature n’est pas tenue île la bouleverser. Est miraculeux ce qui dépasse l’ordre de la nature, soit ; mais n’est pas moins miraculeux ce qui s’y

conforme, ce qui s’y superpose, ce qui s’y mêle dans des conditions inouïes de puissance et de rapidité. Dieu emploie à ses desseins les forces naturelles (Mgr. KAnGEs)et son intervention nese trahit quepar la façon dont il les emploie. Exiger des malades guéris miraculeusement une reslitutio in integruni sans cicatrice, est donc inutile au conoej) ! de guérison miraculeuse. Les cicatrices, du reste, témoignent de l’ancienne maladie et sont, de ce fait, utiles aux constatations ultérieures.

§ 2. Deuxième type d’objections (Les cas que vous nous présentez ne sont pas convaincants. Une analogie avec des cas notoirement naturels les explique).

A. I^’orme clinique de cette analogie (névrose, lijstérie, suggestion, failli cure, mind cure, force inconnue). — On sait que ces objections, quand elles sont faites au nom de la clinique se réduisent à ceci : <( II existe des maladies fonctionnelles, appelées névroses, consistant simplement en modifications de l’énergie nerveuse dansun corps matériellement intact. Comme le système nerveux régit tous les organes, un trouble dans son fonctionnement peut siéger en n’importe quel pointdu corps, et simuler toutes les maladies suivant que les fonctions motrices, sensorielles, trophiqiies, sécrétoires, etc., sont troublées. Mais comme, d’autre part, il n’y a aucune lésion matérielle, le trouble peut être supprimé radicalement, instantanément, dès que le courant nerveux repasse dans sa canalisation intacte, comme on voit s’ébranleruntramway en panne aussitôt qu’on rétablit le contact entre ses organes moteurs et sa source d’énergie. Or, toutes les maladies qu’on prétend miraculeusement guéries pourraient bien n’être que des névroses inaperçues, et le faux miracle s’écroulerait d’emblée au regard plus pénétrant d’un Charcot ou d’un Bernheim. » Cet argument faisait surtout fortune à l’époque où l’illustre Charcot obtenait, par l’hypnose, des désordres instantanés et graves (en apparence) sur des hystériques, et supprimait ces mêmes désordres comme par enchantement au gré d’une suggestion inverse.

Pour que l’on pût résoudre ce genre d’objections sur le terrain médical, il faudrait que les névroses, et l’hystérie en particulier, fussent définies. Or, si l’on s’accorde à penser que celle-ci est une esi)èce dont la névrose est le genre, tant s’en faut que les caractères génériques de l’une et les caractères spécifiques de l’autre soient péremptoirement différenciés (voir Hystkrie). On perdrait donc son temps à bâtir une argumentation sur des objets aussi mouvants ; en a<lmettant que l’on pirt convaincre ainsi des adversaires bénévoles, ie nouvelle conception des névroses ou de l’hystérie remettrait demain tout en question. Les symptômes des névroses, écrivait le professeur Raymond en 1907, « sont extrêmement nombreux et complexes : … ils s’étendent des fonctions les plus obscures du sympathique jusqu’aux fonctions cérébrales les plus hautes, jusqu’aux fonctions psychiques ». Et il faut que l’on ne sache pas très bien ce qu’est une névrose, puisqu’on ne s’entend pas sur ce qui est névrose : Raymond et Jankt n’englobaient dans cette division que l’hystérie et la psychasténie, Déjerine en bannit la psychasténie (voir Raymond, L’Encéphale. 1907, et Liullelin médical, 1907 : leçons recueillies, depuis, en un volume,

— et DÉJERINE, Manifest. fonctionnelles des psrclionéyroses, igi i, Masson). La notion de névrose est comme provisoire : on classe dans ce genre tout ce que l’on ne sait comment classer ailleurs, pourvu que le système nerveux paraisse, dans le trouble incriminé, coupable ou au moins victime : c’est ainsi que le nom de névrose a servi à spécifier les maux les plusdisparates, et que le nombre s’en est rétréci pro-