Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

415

GRECS (RELIGION DES)

416

Rome, peut-êli-e du dieu Sénat, certainement des magistrats et des généraux, qui personniliaient la puissance romaine. (Cf. Toitain, Les ailles païens dans l’empire romain, Paris, 1907, I, p. 2^.)

Désormais le sort de la religion grecque est lié à celui du paganisme dans le monde romain, à ses luttes avec le Clirislianisme, et à sa défaite linale. A cette dernière pliase répondent les essais les i)lus sérieux de rénovation païenne, qu’ait connus le monde antique : syncrétisme de Plutarque et de Maxime de Tyr, découvrant sous la multiplicité des noms divins, grecs et barbares, une seule et identique divinité, — tentatives des Stoïciens pour harmoniser leur philosophie et la religion populaire par l’exégèse allégorique d’Homère et des légendes traditionnelles, — synthèse néo-platonicienne de Porphyre, opposant le bloc païen, mythes et oracles, aux dogmes révélés et aux Saintes Ecritures. Ni ces cll’orts de la pensée, ni la persécution, sanglante sous Dioctétien ou légale avec Julien TApostat, ne purent arrêter le Christianisme dans son élan triomphal. En 3g2, l’cdit de Théodose fermait les derniers temples païens.

Si, en terminant, nous cherchons à apprécier la valeur de la religion grecque, il nous est facile de reconnaître ses mérites artistiques. La mythologie des Grecs est une des plus riches, des plus variées, et en même temps des plus claires et des plus lumineuses que nous connaissions. La vie du dehors, a dit M. Maurice Croiset, était venue à eux jileine d’images et de sensations, elle sortait d’eux et elle retournait aux chosespleine de dieux. » (llistuire de la liltéralure grecque, Paris, 1896, 1-, p. 5.)

C’est cet esprit d’imagination vif et précis, qui a porte leur drame et leurs beaux-arts à un si haut degré de perfection. Dans la vie de la cité, il suscita ces fêtes magniliques, qui entretinrent et développèrent le patriotisme, exaltèrent la légitime fierté de la race grecque, l’unirent plus étroitement dans l’adoration de dieux communs.

Mais cette souplesse même a compromis la valeur religieuse et morale proprement dite, d’autant plus qu’elle n’était point contrebalancée par ce sérieux, cette gravité que nous constatons à Rome. « O fourbe, menteur, subtil et insatiable en ruses, qui te surpasserait en adresse, si ce n’est peut-être un dieu ? » dit complaisamment la déesse Pallas à l’une des incarnations les plus réussies de l’esprit grec, l’Ulysse d’Homère. L’imagination toujours active, que ne bridait point un sens moral ailiné, s’est complu en une végétation luxuriante de mythes souvent immoraux. D’esprit alerte, les Grecs ont pu saisir la vérité, ils ne se sont point préoccupes de s’y attacher et surtout de la réaliser avec une persévérante intensité. Tout à la joie de vivre, les dons de la Vénus terrestre leur sullisent, et plus d’un vieillard n’a de regrets que pour les symposies, les roses et les femmes. Pour reprendre une formule célèbre, l’homme a été pour eux la « mesure de tout », et encore ont-ils souvent oublié de purifier et de spiritualiser cet idéal. Rien ou presque rien, qui révèle dans la plupart d’entre eux, au moins d’une manière profonde, quehpie chose de ces tristesses viriles que font naître la disproportion entre l’idéal et la réalité, la fugacité de nos bonheurs branlants ou la vue compatissante des douleurs et des faiblesses humaines. Et c’est un déficit, « puisque tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions ne valent pas le moindre mouvement de charité ». (Pascal.)

Enfin, quand on se reporte à l’histoire religieuse des autres peuples, même païens, on est surpris de

constater combien l’unité de Dieu est restée voilée aux yeux de cette nation intelligente, au point que, sous ce rapport, les Pygmées ou les Négritos d’Afrique eussent pu en remontrer aux Hellènes. La Grèce, pourtant, a connu de merveilleux penseurs, de forte et saine intellectualité, qui ont écrit d’admirables pages sur Dieu, sur la justice absolue, sur le perfectionnement de l’individu par l’imitation de la Divinité. Mais ni Platon ni Aristote ne sont parvenus à modifier profondément l’Athènes de leur époque, aucun d’eux n’a été un entraîneur de peuples, comme Mahomet ou le Bouddha. Il semble que, sur ce point, les Grecs aient payé la rançon de leurs facultés esthétiques. Préoccupes beaucoup plus d’un idéal de beauté plastique que de justice et de sainteté spirituelle, ils avaient tellement concrétisé et, pour ainsi dire, matérialisé leurs dieux dans le marbre ou le drame, qu’au jour où les philosophes se présentèrent, qui parlaient de Diinité immatérielle, ils ne purent secouer le joug de la tradition artistique et littéraire : si bien que la philosophie dut se séparer de la religion, lui enlevant ainsi sa force vivifiante et son principe de progrès. Peut-être faut-il aussi ajouter, avec M. Faguet (Po.vr (^H’o/i lise Platon, Paris, 1905, p. 281 sqq.), qu’à cetic pensée platonicienne, si Uère d’elle-même, il a manqué la bonté qui attire les foules. Il était réservé à une religion, qui serait tout à la fois pensée et amour, de recueillir ce qu’il y avait de vital dans la philosophie grecque, et de l’intégrer dans la synthèse chrétienne.

II

Primitivement, les Grecs se passaient de temples.

« En Crète, dit l’archéologue Karo, on adorait les

dieux dans des grottes à ciel libre, dans des enceintes sacrées ou de petites chapelles à l’intérieur des maisons. » On les priait encore dans les bois sacrés ou sur le sommet des montagnes. Pour les sacrifices, on élevait un autel de pierres ou de mottes de gazon : on y déposait les offrandes ou on les suspendait aux arbres d’alentour. Au Pergamos d’Hissarlik, à Mycènes et à Tyrinthe, on n’a relevé non plus aucune trace de temple. A Tyrinthe, dans la cour du palais, se dressait un autel, oii le roi offrait les sacrifices.

« Ces chapelles reléguées dans un coin du palais, ces

autels distribués dans les cours, donnaient aux demeures royales un caractère sacré d’autant plus marqué qu’on ne distinguait vraisemblablement pas entre fonctions civiles et fonctions religieuses des chefs. » (R. Di’ssviu, op. cit., p. 200.)

L’époque homérique connaît les temples, abritant la statue d’un dieu. L’Iliade mentionne le temple d’Apollon à Chrysé (i, 89), d’Athéna à Athènes (11, 54g), d’Apollon (v, /146, vii, 83) et d’Athéna (vi, 88, 297) à Ilios. Pourtant les dieux sont jilus souvent honorés dans des enceintes sacrées avec autel à ciel ouvert.

A l’époipie historique, les temples se multiplièrent, mais les Grecs gardèrent toujours beaucoup d’enceintes (t : >£v5 ;) et de bois sacrés (ôy ;  ;  ;  ;). Les temples étaient placés autant que possible en dehors du tumulte de la vie humaine. Les dieux olympiens, surtout Zeus, préféraient les hauteurs, les dieux chthoniens, les plaines. L’habitation du dieu (vyo ; ou ï/.zo ;) était environnée d’une cour fermée par un mur{Ép/oi ou r= ; 51)35/o ;) ; cet espace jouissait assez souvent du droit d’asile. Au fond du tenq)le, précédé ordinairement d’un portiqiie ou npmvoi se trouvait la statue du dieu (à/c./.uK), faisant face à l’entrée. Quelques sanctuaires renfermaient un réduit sacro-saint (kJutov ou jiiyy.p’yv), ouvert aux seuls prêtres à des