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GRECS (RELIGION DES)

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être la Torrc mère des dieux cl des lioniiues, renionteiil j>is([u’à 2600 avant Jésus-Clirist. Les statuettes de dieux mâles sont fort rares ; en revanche, on rencontre souvent, comme emblèmes religieux, la douille lir.clie ou bipenne, et le bouclier en huit. « La hache double et le bouclier en huit semblent représenl <’r le même dieu céleste ; la hache double concenlrant i>lus spécialement cette force divine qu’est la foudre, tandis que le bouclier était en relation avec le tonnerre. A l’époque des palais minoens et mycéniens, c’est bien le grand dieu céleste, le Zeus Krétagénès pour l’appeler du nom qu’il portera plus tard, qul manifeste sa puissance multiple par ces divers attributs. Doit-on envisager qu’en des temps plus reculés, les forces célestes étaient conçues comme des entités distinctes, indépendantes de la figure du grand dieu, c’est-à-dire qu’on adorait la hache (la hache double ne devait pas encore être en usage) en elle-même, ou l’esprit de la hache ?… C’est possible, mais nous ne pouvons le déduire de nos itocumcnts. Dès qu’ils apparaissent, la double hache, le bouclier en huit… sont les attributs des grandes ligures divines. i> (11. Duss.iun, op. cit., p. 20’ ;.)

Nul doute aussi qu’avant Homère, lesGrecs n’aient distingué les dieux de l’Olympe et les dieux chthoniens. Ces derniers semblent avoir été spécialement honorés par les groupes béotiens et doriens. Dans Homère, qui représente avant tout la civilisation ionienne, les dieux de l’Olympe allirment nettement leur hégénuinie et les dieux chthoniens passent à l’arricrc-plan. L’elTacementsera transitoire. Le cvilte des divinités de la terre et de la végétation, avec ses rites d’une saveur archaïque, seconservera dans la religion populaire, au sein des populations agricoles. Les M.vstères lui donneront une nouvelle vie : l’adoration des divinités chlhoniennes et productrices sera » le fond de tous les mystères grecs, et en particulier de ceux d’Eleusis ». (Lkîsormant, dans le Dictionnaire de.i antiquitcs grecques et latines, art. Eleusinia, p. 544-)

Dans cet exposé, pour plus de clarté, nous sommes allés du moins parfait au plus parfait. Il ne faudrait pas en conclure que dans la réalité historique les Grecs ont passé graduellement des forces inférieures du fétichisme à une conception plus haute. Ce que l’on constate, c’est la juxtaposition de ces l’ormes du sentiment religieux, non l’évolution. Aussi loin que l’ethnologie, l’archéologie ou la linguistique remontent, nous trouvons des dieux adorés conimedes êtres célestes et immortels. Et psychologiquement, on ne prouvera jamais que l’homme a dû commencer par s’imaginer les êtres su])érieurs dont il se croit dé|)endant, comme enfermés dans des pierres, des arbres ou des animaux, et ensuite, jiar un travail de réllexion successive, les ait conçus à l’analogie des êtres humains, avec des passions, des intentions et des formes humaines. C’est un procédé trop naturel à l’homme de tout concevoir à son image et ressemblance, pour que l’on ait le droit de supposer ici ré olulion, bien que d’ailleurs il ait pu mettre un certain temps à trouver les formes d’art concrètes, qui exprimassent ses idées religieuses. Et pour ce qui est des Grecs, la conception d’un dieu du ciel, dont la foudre est le principal attribut, est une de celles qui s’allirment comme les plus anciennes et primitives’.

Aux partisans d’un évolulionnisme radical, qu’il nous soit permis d’opposer en terminant les sages

1. Dans la o* édition altemaiijedii yîannct de Ch.vntf-Pir DELA Saussayf, Holwkrda reconnaît que cette idée A’nn dieu du ciel, régent suprême du inonde, peut remonter très loin dans les temps préhelléniques (p. 21)4).

réflexions, que suggère à M. U. Dissaud l’élvule des civilisations les plus anciennes de la Grèce : « Aussi haut que nous puissions remonter, c’est-à-dire dès l’époque néolithique, les Egcens ont conçu certains dieux sous forme humaine… La conceiition des divinités sous forme hunuiine est inqmrtante à constater aux plus hautes époques, des la prise de possession des lies grecques par l’homme. Les théories sur l’évolution religieuse en cer régions n’en tiennent généralement pas un conqite suffisant. La conce|)tion anthropomor[)lie n’exclut pas la conception des divinités sous forme animale ou sous la forme d’un arbre, d’une pierre ; ces conceptions ne sont pas antérieures l’une à l’autre ; elles coexistent. Il faut prendre garde, quand on parle des progrès de l’anthropomorphisme, que ces progrès ne doivent s’entendre que des représentations Ogurées. A certaines époques, le développement des arts i)lastiques s’est répercuté sur le matériel du culte ; mais il n’y a pas eu introduction d’une notion nouvelle. La preuve en est fournie par les idoles néolithiques, qui, bien q>ie plus anciennes, sontcependant plus voisines du type humain que les idoles des îles, dites en violon. » (R. Dussaud, op cit., p. 220, 223.)

II. Homère. — W. Cuhist place la composition de l’Iliade entre 850et 780 ; celle de l’Odyssée, entre 800 et 720. Maurice Croiset place l’Iliade au ix’siècle, l’Odyssée, fin du ix’et première moitié du vin’. Hieii que la thèse contraire ait ses partisans, il semble bien que les poèmes homériques nous ont gardé de nombreux vestiges de l’époque mycénienne, dont la civilisation cessa vers l’an 1100, après les invasions des tribus doriennes.

L’Iliade et l’Odyssée ne sont point un traité didactique de mythologie, l’œuvre d’une intelligence soucieuse de coordonner les légendes et de les exi)liquer méthodiquement. Et pourtant, l’épopée homérique, lue et relue par les générations, a exercé sur les idées religieuses des Grecs une influence capitale. La religion d’Homère, c’est l’efflorescence de l’anthropomorphisme. A peine si, de temps à autre, quelques épitliètes, quelques vers isolés nous font souvenir que cet anthropomorphisme dérie de conceptions naturalistes : la Terre est tantôt la déesse au large sein, tantê)t la déesse aux larges voies, Ilestia, la déesse du foyer, ne semble pas nettement dislingiu’e du feu, et au chant, xxi’de l’Iliade, nous voyons le dieu-tleuve Xanthos, au beau coiirant, s’enllammer de colère contre.chille, qui remplit son lit de cadavres. A part CCS lointains rappels d’une religion de la nature, les dieux se présentent modelés d’après un anthropomorphisme bien défini, qui s’imj)Osera désormais à l’esprit grec comme la forme nécessaire de ses inventions mythologiques. Après Homère, la fantaisie grecque ne sera point cristallisée. Toujours active, ellecréerade nouvelles légendes, mais toutes auront ce trait commun d’être frappées à l’empreinte anthropomorphique. Cette mythologie, née du désir de constituer aux dieux ïine histoire, et parfois aussi du besoin d’expliquer des rites anciens, devenus inintelligibles, se développera avec une fécondité incomparable. Par sa valeur esthétique, elle préparera l’alliance de la religion avec l’art, mais sa luxuriance même sera un danger pour le sentiment religieux proprement ilit. Des dieux si complaisants aux caprices de l’imagination humaine finiront par être traitéscomnu’les sinq)les jouets de cette imagination, et la vénération primitive ferajjlace au dilettantisme d’une pensée brillante et légère.

Les dieux d’Homère sont donc des hommes idéalisés. Des simples mortels, ils ont la forme, le visage, les membres, mais plus afTmés ; dans leurs veines,