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GRECQUE (ÉGLISE)

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Nous avons écarté systéiuatiquenienl de notre eiKiuclc les difTércnces liturgiques et diseiplinaires, parce qu’en Soi, elles ne sauraient être une cause de séparation entre les Eglises. Maison se tromperait si Ton croyait qu’elles sont sans importance dans le domaine de la pratique. Elles constituent un obstacle sérieux à l’union, car si le peuple se désintéresse des querelles spéculatives, il est très attaché à ses rites et à ses coutumes. En Russie surtout, on s’est tellement habitué à ne point distinguer entre le dogme et la liturgie, qu’il sullit d’un changement rituel insignitiant pour occasionnerun schisme. L’histoire du raskotcn est la preuve. Ondit communément que l’adoption du calendrier grégorien en Russie risquerait dedonner naissance à quelque nouvelle secte. Le clergé schismatique connaît bien cet état d’esprit de ses ouailles, qu’il a lui-même créé et entretenu au cours des siècles. Voilà pourquoi il ne manque pas d’insister, à l’occasion, siu- les divergences rituelles, au risque de paraître ridicule aux yeux des gens sensés.

Quelle doit être la conduite de l’apologiste catholique en présence de toutes ces divergences, quelles qu’elles soient’.' Comment défendra-t-il l’Eglise catholique contre les attaques dont elle est l’objet de la part des théologiens schismati<iues ? Quelle méthode convient-il d’employer pour ramener à la vérité intégrale du catholicisme les âmes de lionne foi qui croient que l’Eglise photienne est la véritable Eglise établie par Jésus-Christ ? C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre en peu de mots. La tâche est relativement facile, après ce que nous avons déjà dit.

V. L’Apologiste catholique et les divergences dogmatiques et autres. — « C’est une vérité fondamentale dans toutes les questions de religion, dit Josejili Diî Maistue, que toute Eglise qui n’est pas catholique esl prutestaiite. C’est en vain qu’on a voulu mettre une distinction entre les Eglises schismatiques et hérétiques… Qu’est-cequ’un prolestant ? C’est un homme qui proteste. Or qu’importe qu’il proteste contre un ou plusieurs dogmes ? contre celui-ci ou contre celui-là ? Ilpeut être plus ou moins protestant, mais toujours il proteste. « Du Pape, livre IV, chap. i. Rien n’est plus vrai que ces paroles du grand penseur catholique, et l’histoire de l’Eglise photienne en conlirme la justesse d’une manière éclatante. Depuis sa séparaticm d’avec l’Eglise catholique, cette Eglise n’a cessé de protester, elle a vécu et elle vit encore de ses protestations, et elle aura cessé de vivre, le jour (1Il elle ne protestera plus. Il est remarcpiable que ilepuis Michel Cérulaire l’elVort principal de ses théologiens est tourné vers la polémique antilatine. Ils enfantent surtout des diatribes sur la procession du Saint-Esprit, les azymes, la primauté du pajie et autres points controversés. A partir du xv’siècle, tout Grec qui se respecte écrit sur les An/zio/oHues latines un ou plusieurs ouvrages. Quand on parcourt quelques-unes de ces innombrables et fastidieuses productions (il n’est point nécessaire de les lire toutes, car elles ne dînèrent guère), on s’apervoit vite qu’elles présentent certains traits communs, qui permettent de juger de leur valeur. Ces traits communs, l’apologiste catholique doit bien les connaître pour régler en consé<pience sa méthode de défense et d’attaque et ne point consumer en disputes stériles le meilleur de ses forces.

CAnACTÈRKS GliNIiRAUX DE LA POLÉMIQUE DES THÉOLOGIENS SCHISMATIQL’ES

Un prêtre égyptien dit un jour à Platon : « Vous autres Grecs, vous n’êtes que des enfants ». Ces

paroles ont la valeur d’un oracle, si on les applique aux polémistes grecs qui ont attaqué les Latins. Leurs œuvres portent tous les caractères de l’enfance, d’une enfance sénile et maladive, à l’humeur acariâtre et parfois furieuse. On y remarque tout d’abord une grande petitesse d’esprit. Le polémiste byzantin s’attache de préférence aux divergences rituelles et leur accorde une importance égale, sinon supérieure, à celle des dillcrends vraiment dogmatiques. Là où il déploie toutes ses ressources, c’est en discutant sur les azymes ou sur l’addition du Filiuque au symbole. On sait que quatorze sessions du concile de Florence furent consacrées à cette dernière question. Marc d’Ephése et Bessarion soutinrent, au nom de leurs compatriotes, que, même dans l’hypothèse de la vérité dogmatique du Filioque, ni l’Eglise universelle, ni un concile ocuménique n’avaient le droit d’ajouter ce mot au symbole, à cause du décret du concile d’Ephése : « Xosse volumus Itet’erentinin testrani a iiobis faciiltatem haiic iicgari uiiiversae Ecclesiæ et synodo etiam oecumeniciie ; iiegaiiius aiitem non ipsi a nohis, sed arhilramur hoc Pairum decrelia iief^iiri » Mansi, Ainplissinia Coll. Concil., t. XXXI, col. 610. Cf. col., 51Q, 534, 583, 603, Oo ; , 626, G’jS, 679. Il serait dillicile de pousser jîIus loin l’enfantillage théologique.

Enfantillage, ce mot vient souvent aux lèvres, en lisant les polémistes grecs ; mais il est parfois inexact et il convient de lui substituer en maints endroits celui de bouffonnerie méchante et sacrilège. L’enfant n’est pas seulement petitd’esprit ; il manque de sérieux et s’amuse de tout. Cette absence de sérieux ne se remarque pas seulement dans les écrits des simples théologiens. On la constate aussi dans des documents émanés des autorités officielles, dans des pratiques sanctionnées par les chefs des Eglises autocéphales. L’histoire de la rebaptisation des Latins n’est-ellc pas l’histoire d’une comédie grotesque autant qu’impie ? Et quand, pour couvrir cette honte, des théologiens viennent nous exposer la théorie de Véconomle (voir plus haut, col. 3^0), pouvons-nous ne pas sourire, surtout lorsque d’autres théologiens avouent candidement et écrivent sans vergogne « qu’on rebaptise les Latins pour préserver les Orthodoxes des pièges de la propagande « ?En i)lein xix" siècle, une encyclique, signée des patriarches de Constantinople et de Jérusalem, de onze métropolites et agréée par les patriarches d’Antioche et d’Alexandrie, a accusé les catholiques’ ! de violer- les canons apostoliques, parce qu’ils maniicnl des viandes étouffées et du sang, èaOtouaL 7ïvt/Tà xv.i « <*] «  « , 7 : « ^aoKT « t tw à7 : 17Tî/(/^jy xkvc’vuv

« juviiâ/iTM ; /iJtiij.cioi. Synode de Constantinople du mois

de septembre 1838, Petit-Mansi, Ampliss. Collect. Concil, t. XL, col. 292. Voilà donc qu’on nous interdit les boudins, au nom des canons apostoliques. Est-ce sérieux ? Cela rappelle le fromage de la première semaine de carême et les barbes rasées de Photius, ainsi que le lard reproché aux moines occidentaux ])ar Michel Cérulaire : Etranges raisons pour brouiller l’Occident et l’Orient ! disait Voltaire, Essai sur les mœurs, t. I, chap. xxxi.

Le même manque de sérieux s’accuse dans un autre procédé, qui fut toujours cher aux polémistes photicns et qui n’est pas encore abandonné de nos jours. Il consiste à rejeter comme interpolés par les Latins tous les textes patristiques favorables à la procession du Saint-Esprit fl/^ utroque. ou à toutautre point controversé. Ou bien l’on propose des interprétations absurdes, dans le genre de celles que nous avons signalées plus haut, col. 368, à propos de la formule u ôtà T5Û 1 tîy »,

La polémique anlilatine ne porte pas seulement les marques de l’élroitesse d’esprit et de la puérilité ;