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GRECQUE (ÉGLISE)

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coupable d’adultère de contracter un nouveau mariage, ce qui n’était accordé jusqu’ici qu’à la partie innocente. On voit combien radicale est l’opposition entre les deux Eglises sur cette question de l’indissolubilité matrimoniale. Ajoutons que les théologiens ortliodoxes ne partagent pas l’opinion communément reçue en Occident sur la forme, la matière et le ministre du sacrement. Pour eux, le ministre est le prêtre ; la forme, la bénédiction qu’il prononce ; la matière, le consentement des époux.

DOCTRI.NE SUR LES FINS DERNIÈRES

Rien de plus confus que l’enseignement des théologiens orthodoxes sur les fins dernières, llsne s’entendent guère que sur un point : rejeter le purgatoire latin avec son feu purificateur, et cela : i" parce que le mol « purgatoire « est nouveau et ne se trouve pas dans l’Ecriture ; 2° parce que le purgatoire, en tant que lieu distinct du ciel et de l’enfer, est une invention scolastique, dont on ne trouve pas trace dans les sources de la révélation ; S" parce que le feu du purgatoire ne repose sur aucun fondement. Les âmes, après la mort, nesoulTrentque des douleurs morales ; le feu est réservé aux damnés après le Jugement dernier ; 4° parce qu’après la mort, toute purification par la soufl’rance est impossible. Par elles-mêmes, les soidfrances éprouvées par les ànies ne leur servent absolument de rien. S’il y en a de délivrées, cette délivrance est due uniquement aux prières de l’Eglise.

Si maintenant nous voulons définir la doctrine orthodoxe non plus par son côté négatif mais par son côté positif, nous rencontrons deux courants opposés, l’un qui serapproclie de la doctrine catholique au point de s’en distinguer à peine : il trouve son expression dans la confession de Dosithée ; l’autre ciui frise le protestantisme : il est représenté, en partie du moins, par la confession de Moghil.*.. D’après la confession de Dosithée, il y a trois catégories de défunts dont le sort est irrévocablement fixé aussitôt après la mort : i’Les élus, qui contemplent clairement et face à face la sainte Trinité {-Cy l-or-fM-j /.uOévz(/}v^ zy.^a^cij ; irroTrTsùovfft zr, v v : /iy : j’X ai.vxty-, cap. 8) ; leur béatiludeest incomplète, en tant que le corps n’a pas encore sa part de félicité (cap. 18). 2" Les damnés, qui sont dans la tristesse et les gémissements, en attendant le ehàliment complet après la résurrection, Ibid. 3° a Ceux qui sont tombés dans des péchés mortels, mais qui. au lieu de s’abandonner au désespoir, se sont repentis étant encore en vie, sans néanmoins avoir fait aucun fruit de pénitence. >> Ceux-là vont en enfer pour y suliir la peine due à leurs péchés. Mais ils ont l’espoir d’être délivrés un jour. Cette délivrance, due à la miséricorde de Dieu par l’intermédiaire du sacrifice de la messe, des prières et des bonnes œuvres des vivants, aura lieu avant le jugement dernier.

On le voit, il y a là tout l’essentiel du dogme catholique. Sans doute, l’idée de la satispassio est al)sente ; la délivrance des âmes du troisième groupe n’est attribuée qu’aux prières de l’Eglise ; mais en fait, il est certain que ces prières délivreront tous ceux qui peuvent l’être. Dosithée ne dit pas d’ailleurs positivement que les soulfrances des défunts ne contribuent en rien à leur délivrance.

La confession de Pierre Mogliila nie catégoriquement qu’il existe une catégorie de défunts intermédiaire entre les sauvés et les damnés (1" p., rép. 6’i) ; elle rejette tout châtiment temporel destine à purifier les âmes (y.y.v fxiv. T : p07y.v.tp^i /.à/y.^t^ y.y.ôv.p^ty.v : T’MV 6-j’//Siv, Ibid., rép. 06). Le sort des damnés n’est pas irrévocablement fixé avant le jugement dernier, et les prières de l’Eglise peuvent en délivrer quelques-uns

(rép. 6.j). Quant aux élus, ils sont entre les mains de Dieu, c’est-à-dire, aupr(r(u/(s, dans lesein d’Abraham, dans le royaume des ciea : r, toutes expressions qui ne déterminent pas clairement l’objet de la béatitude avant le jugement dernier.

Les théologiens contemporains devraient logiquement accepter la théorie de la délivrance des damnés, puisqu’ils nient l’existence de la peine temporelle ; mais la logique n’est pas toujours leur fait. Certains combinent ensemble laconfession deDosithée et celle de Moghila ; le résultat, on le devine, est un produit chaotique auquel un cerveau occidental ne comprend rien. D’autres, comme Androutsos, posent en principe que le jugement particulier, qui a lieu aussitôt après la mort, sé])are pour toujours les bons et les mauvais, et quand ils arrivent à la question de la prière pour les défunts, il avouent qu’il est dillicile de lui trouver un objet autre que la consolation des vivants ; Dogmatique, p. 434-435.

Quant à l’objet de la béatitude des saints avant le jugement dernier, si les théologiens russes en général se prononcent pour la vision intuitive de Dieu, la plupart des théologiens grecs enseignent encore que cette vision ne sera accordée aux élus qu’après le jugement dernier, et qu’en attendant, ils jouissent d’un bonheur naturel assez semblable à celui des patriarches dans les limbes, avant la visite du Sauveur. Un professeurdel’universitéd Athènes, M. DyovouMOTis. a récemment logé les saints dans un compartiment de l’enfer qu’il appelle le paradis d’en bas (5 z « rw-y-o « Ô£i-oç), par opposition au paradis d’en haut (î icv’jj-aoKÔriTî ;), qui deviendra leur séjour après la résurrection, v : ui^r, r.y-y.7Tv.7t : t<ûï /u/fû-’, Athènes, 1904, p. 70-71.

Au xvn" siècle, plusieurs théologiens grecs défendaient encore la théorie palamite. qui faisait consister le bonheur du ciel dans la contemplation delà lumière thaborique, émanation de la divinité. Nous ne connaissons pas de contemporains partisans de cette rêverie ; mais aucune barrière doctrinale n’interdit à un théologien schismatique de la reprendre pour son compte, si bon lui semble.

On voit par ce rapide aperçu sur la doctrine communément reçue dans les Eglisesphotiennes, combien nous avions raison de dire qu’il ne faut point se fier à certaines listes de divergences, publiées par les représentants de telle ou telle autocéphalie. Ces énumérations sont, la plupart du temps, dressées à la légère et ne reposent point sur unexamen approfondi des deux théologies. L’histoire montre qu’en général on produit, à Constantinople ou ailleurs, une liste de Kainotomies latines, lorsque la propagande catholique se fait plus active en Orient, ou quand un pape s’avise de convier à l’union les frères séparés. C’est un procédé de pure polémique, destiné à écarter pour le moment le loup pai)iste de la bergerie orthodoxe. Comme les divergences sont innoudwables et qu’il est facile d’en trouver toujoursde nouvelles, on choisit dans le tas. sans trop regarder à la quantité, ni surtout à la qualité.

De ce procédé les théologiens catholiques ne paraissent pas s’être toujours aperçus. Ils se sont généralement tenus sur la défensive, acceptant bénévolement le terrain de l’adversaire, au lieu de porter l’attaque dans son camp. On les a vus s’attacher à réfuter les douze divergences signalées dans l’encycliipie du patriarche œcuménique, Anthime VII, en 1890, et ne point pousser plus loin. Or cette encyclique, qui s’appesantit à plaisir sur certaines querelles purement liturgiques, passesous silence des questions dogmatiques d’une importance capitale, par exemple, celle qui a trait à l’indissolubilité du lii n matriuionial.