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GRECQUE (ÉGLISE)

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le chancelier Frédéric et Pierre d’Anialû. avec la mission d’excommunier le patriarche reljello, s’il ]>ersislait dans sa révolte. Malgré l’appui du faible Constantin IX, tout dévoué à l’union par raison politique, malgré la victoire remportée ])ar le cardinal Humbert dans une discussion publicpie sur le champion du pain fi-rnienté. Nicétas Stétathos.Cérulaire ^’arda jusqu’au bout son attitude hautaine et refusa d’avoir le nioinilrc colloque avec les envoyés du Saint-Siège, siir de l’appui moral des évêques d’Orient, dont aucun, de fait, n’éleva la voix en faveur de Rome. Les légats se décidérentalors à la rupture. Le 15 juillet io54, à la Iruisicme heure, ils se rendirent à Sainte-Sophie, au moment où tout le peuple était assemblé pour un ollice solennel, et déposèrent sur l’autel une bulle d’excommunication, qui atteignait le patriarche et tous SCS adliéi-enls..ucun des assistants ne se douta que l’heure du schisme délinitif venait de sonner. C’était bien cependant la triste réalité.

L’excommunication qui devait foudroj-er Michel Cérul.iire ne lit que hâter son triomphe. Après avoii’essayé d’attirer les légats dans un guet-apcns, qui leur aurait coiilc la vie, il sovileva une émeute contre l’empereur, qui avait pris leur parti. Pour conserver sa couronne, Constantin IX dut envoyer une lettre irexcuses au tout-puissant iiatriarche cl consentir à la réunion d’un synodede douze métropolitains etde deux archevêques qui anathcmatisèreut les Latins et retournèrent contre eux les griefs contenus dans la Inilled’excommunication. L’édit synodal empruntait texlucUemenl ses premières phrases à l’encyclique de Photius aux cvccpiesd’Orient, et reprochait auxOccident. inx de se raser la barbe, d’ajouler le Fitioque au symbole et d’enseigner que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, d’interdire le mariage des clercs, de se servir de pain azyme pour la célébration de l’Eucharistie.

Celte question des azymes fut vraiment le grand cheval de bataille de Cérnlaire. Il y revient avec insistance dans ses deux lettres à Pierre d’Anlioehe et signale de nouvelles abominations latines : « Leurs luoii es se servent de la graisse de porc et se nourrissent de lard ; le fromage est permis pendant la première semaine de carènu". Us mangent de la viande le mercredi, du fromage et des œufs le vendredi, et le samedi ils jeûnent toute la sainte journée… Chez eux, deux frères peuvent épouser deux sœurs. A la messe, au moment de la communion, l’un des minis-Ires mange les azymes et donne aux autres le baiser de paix. Leurs cvéques portent un anneau au doigt ; c’est, disent-ils, un signe d’alliance avec leur Eglise. Ils ^ont à la guerre et souillent leurs mainsde sang… Quand ils administrent le baptême, ils ne font qu’une seule immersion et remplissent de sel la bouche des baptisés… Il ne veulent pas vénérer les reliques des saints. Certains d’entre eux refusent de rendre un culte aux saintes images. Ils ne mettent pas au nombre des saints nos illustres docteurs et hiérarques, Orégoire le théologien, le grand Basile et le divin < ; iirysostome et rejettent complètement leur doctrine. El ils font encore certaines autres choses qu’il serait trop long d’éuumérer. » F.pistol. i ad Pet. Antioch., NViLL, np. cit., pp. 180-183.

Ces autres choses doni Cérnlaire ne parle[>as, nous les trouvons sigiudées dans le fameux traité Sur les Francs et les autres l.alins, qu’on a faussement attribué à Photius et qui a toute chance d’avoir été inspiré parCérulaire lui-même. Les griefs relevés sont au nombre de trente-trois el témoignent d’une aussi grande largeur d’esprit que les précédents. En voici qneh|ucs échantillons : « En entranldans l’église, les Latins se prosternent à terre en marmottant ; puis ils tracent par terre avec le doigt une croix qu’ils bai sent, se relèvent el commencent leur prière. — Ils n’appellentpas la mère dcNotre-Seigneur « Théotocos » mais seulement sainte Marie. — Ils mangent des hérissons, des tortues, des corneilles, des corbeaux, des mouettes, des chacals, des souris. — Les habits sacerdotaux de leurs évcques et de leurs prêtres sont multicolores, el en soie, au lieu d’être en laine. — Les évêques portent des ganls. — Ils font le signe de la croix avec les cinq doigts, le pouce seul touchant le visage, etc., etc. »

APnÈS MICHEL ClhlULAIRE

Sans doute, si l’on prend une à une chacune de ces divergences, elles paraissent ridicules cl indignes de lixer l’altention ; mais leur gravité résultait de leur accumulation, llessassées par le clergé et les moines, elles eurent jiour effel de persuader au peuple qu’il existait une dilVérence profonde entre la religion des Grecs et celle des Latins, lîicntot surgirent de nouvelles causes de dissension et de haine. Loin de contribuer à un rapprochement entre l’Orient et l’Occident sur le terrain religieux, les croisades ne tirent qu’élargir le fossé de la séparation. En accaparant tout le commerce du Levant, en contraignant les enqiereurs bjzantins, à leur octroyer des privilèges exorbitants, les républiques italiennes, dont la politique fut toujours machiavélique, exaspérèrent au dernier point la population de Constanlinople, et en 1 182 eut lieu le massacre des Latins. La quatrième croisade, avec toutes ses atrocités, fut la digne réponse de’S'^enise à cet acte de sauvagerie. Après cela il ne faut pas s’étonner de voir échouer l’une après l’autre les nombreuses tentatives d’union, une vingtaine au moins, qui s’échelonnent entre le xi" et le xv « siècle. Elles ont du reste i)Our trait commun d’être inspirées ])ar des visées politiques. Les deux principales, celles de Lyon, en I2’j4. et celle de Florence, en i/jSS-i^Sg, ne font point exception à la règle. Pour amener les Grecs à reconnaître leur primauté, les papes recourent tour à tour, mais toujours sans résultat, à la douceur et à la menace. Le basileus ne fait plus comme autrefois la loi en matière de croyance. Un Michel VIII Paléologue a beau vouloir sérieusement l’union : ses elforts se brisent contre la résistance du clergé et du peuple, qui se iirennent à désirer l’avènement des Turcs j)Our n’avoir pas à se soumettre au i>ape.

Les Turcs arrivèrent en 143 et les tentatives d’union cessèrent. Les vainqueurs ne furent guère disjjosés à les favoriser, surtout à partir du moment oii le roi de France réclama la protection de tous les catholiques du Levant. Le haut clergé grec, malgré toutes les avanies qu’il dut subir, s’accommoda facilement d’un régime qui lui accordait une véritable juridiction civile sur son troupeau spirituel et des bachis-bouzouks pour lever la dîme. C’est surtout sous la domination turque, et jusqu’au xix* siècle, que le patriarche de Constantinople fut véritablement le pape de l’Orient.

Malgré les relations cordiales qui existèrent parfois, an xvii’siècle surtout, entre les missionnaires latins et le clergé grec, la haine de Rome ne lit que s’accroître en Orient. Excitée par la propagande catholique, elle atteignit son paroxysme, au milieu du xviii’siècle. En 17.^5, le patriarche Cyuu.le V décida que le baptême latin était invalide. Les théologiens grecs n’eurent pas de peine à découvrir de nouvelles divergences entre les deux Eglises, tout en subissant dans une large mesure rinfliience de la théologie occidentale.

Plusieurs papes se sont occupés particulièrement de ramener les Orientaux à l’uiulé catholique. Au xvi’siècle, Grégoire XIII fonda à Rome le collège