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GRECQUE (ÉGEISE)

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lui créer des embarras. Leurs synipatliies vont .lUX métropoles qui manifestent des velléités de se soustraire à la juridiction romaine, comme Milan, A([uilée, et surtout Ra^ennc, qu’un décret de Constant II, en GG6, proclame autocépliale. Au concile œcunicnlquc de C80-O81, les prélats orientaux, inspirés parleur chef, réussissent à glisser dans la liste des liérétiqucs le nom du pape Ilonorius, coupable seulement de n’avoir pas percé la fourberie de SEUiiius. Quclques années plus tard, en 691, on va plus loin. Les Pères du concile Quinisexle s’arrogent le pouvoir de légiférer pour l’Eglise universelle et de l’aire la leçon à l’Eglise romaine elle-même :

Dans l’Eglise romaine, ceux qui veulent recevoir le diaconat ou la prêtrise promettent de n’avoirplus commerce avec leurs femmes. Ouant à nous, d’accord avec les canons apostoliques, nous permettrons la continuation de la vie conjugale. Qniconque veut dissovidre de pareilles unions sera déposé, et le clerc <|ui. sous prétexte de religion, abandonnera sa femme, sera excommunié ; s’il s’obstine dans sa résolution, il sera déposé (canon |3).

« On jcime, à Uome, tous les samedis de carême, 

contrairement à la coutume traditionnelle. Le saint concile décide que, même dans l’Eglise ronuiiiie, on doit observer inviolablement le canon qui dit : Si un clerc est surpris à jeûner le dimanche ou le samedi, qu’il soit déposé ; si c’est un laïque, qu’il soitexcommunié » (canon 55).

Cependant Rome a toujours sur Byzance une supériorité : elle est d’origine apostolique, et les papes, depuis saint Lkon le Grand, ne se l’ont pas faute de rappeler aux ambitieux prélats des bords du Bosphore que leur siège est tard venu dans l’Eglise. Mais qu'à cela ne tienne ! Si les titres historiques à l’aposlolicité manquent, on vu s’en fabriquer de faux. Dès le vi" siècle, commence à circuler la légende dite d’Ainlré-Stachys, empruntée à l’ouvrage du pseldoDoROTUKE DE Tvu : André, l’apôtre premier-appelé, le protoclite, comme disent les Grecs, a fondé l’Eglise de Byzance et lui a donné pour premier évoque son disciple Stachjs. Après cela, la nouvelle Home n’a plus rien à envier à l’ancienne, et à saint Pierre, on pourra désormais opposer le protoclite, son frère.

Contre cette ambition insatiable des évêques byzantins, les papes ne cessent de réclamer, mais ils sont impuissants à la contenir. Le souci de l’unité catholique leur fait souvent un devoir de fermer les yeux sur des questions de juridiction. Ils ne se résolvent à la rupture ouverte que lorsque la foi est en jeu. Ce dernier cas n’est malheureusement pas rare, car les hiérarques du Bosphore, créatures dociles du césaropapisme, sont presque toujours les coryphées ou les fauteurs de l’hérésie. C’est Eiskbe DB N1C0.MKDIK qui souille l’arianisme aux oreilles de Constantin et de Constance. C’est.cace qui rédige l’Hénotique, Skroius qui est le père de rEcthèse. Sur une soixantaine de titulaires qui se succèdent sur le siège de Constantinople entre les deux conciles de Nicée, ving-sept sont des hérétiques notoires, condamnés par les conciles œcuméniques, ou adversaires déclarés de leurs décisions. Il faudrait grossir ce nombre, si l’on comptait les patriarches qui, sans être formellement hérétiques, restèrent en dehors de la communion romaine, i)arce qu’ils refusèrent de rayer des diptyques les noms de leurs i)rcdécesseurs condamnés. Aussi, voyez le bilan des schismes préliminaires, depuis la mort de Constantin en 33^, jusqu'à la fêle de l’oithodoxie en 8/(3 :

1° Rupture occasionnée par l’arianisme, du concile de Sardique (3^3) à l’avcnejuent de saint Jean Chrysostome (3g8), soit 55 ans de schisme.

Tome II.

2° Schisme des Joanniles, à propos de la condamnation de Chrysostome (404-415), Il ans.

3° Schisme d’Acacc et de l’Hénotique (/(84-519), 35 ans.

4° Séparation à propos du monothélisme (640-681). 4 I ans.

5* Première querelle iconoclaste ('j26-'j87), 61 ans.

6° Affaire nKccliienne, à propos du mariage adultère de Constantin VI (795-811), 16 ans.

7" Seconde querelle iconoclaste (814-843), 29 ans.

Au total, cela fait ^48 années de rupture ouverte entre l’Eglise impériale et l’Eglise romaine, sur une période de 506 ans. Voilà certes des cliilfres éloquents, et voilà qui diminue singulièrement le rôle dePhotius et deCérulaire, ou plutôt voilà qui explique surabondamment le succès de leur entreprise.

LES AUTRES CAUSES DU SCHISME

Le césaropapisme des empereurs et l’ambition des patriarches de Constantinople, tels sont les deux facteurs principaux qui par leur action combinée préparent lentement le schismedétinitif. Les autres causes, que les historiens signalent ordinairement, ne viennent iju’au second plan et ne sont, pour la plupart, que des conséquences des conflits perpétuels, qui mettent aux prises Rome et Byzance. C’est ainsi que l’antagonisme de race entre les Orientaux et les Occidentaux, l’antipathie et le mépris réciproques entre Grecs et Romains, dont nous parlent les écrivains classiques, loin de disparaître ou de s’amortir sous l’influence du christianisme, ne firent que s accentuer, du jour où les enq>ereurs se laissèrent helléniser. Les Grecs cessèrent d’apprendre le latin, cette langue rude, pauvre, sans ampleur, les Latins d’apprendre le grec, ce véhicule de l’hérésie et de la sophistique. On arriva vite à ne plus se comprendre. A la Un du vi' siècle, saint Grkgoirb le Gr.vnd, apocrisiaireduSaint-Sicgc à Constantinople, ne connaissait pas le grec, et il se plaignait de la difficulté qu’il y avait de trouver dans la ville impériale des interprètes capables de traduire sans faute les documents latins. Un peu plus tard, saint Maxime demandait aux Romains de publier leurs lettres dans les deux langues, pour éviter tout danger de falsification de la part des traducteurs.

Cette ignorance des langues eut un contre-cou|) funeste dans le domaine de la théologie. Les Pères latins restèrent à peu prés inconnus aux Orientaux. Le plus grand de tous, saint Augustin leur échappa totalement. Les traductions d'œuvres latines en langue grecque furent d.es raretés. L’histoire ne signale guère que la traduction du J)e Cura pastorali de saint Grégoire le Grand, faite par An.vstase II o’ANTiocnE, et celle des Dialogues du même par le pape Zaciiarik, un Gi-ec d’origine. Les Occidentaux connurent un peu mieux les Pères grecs, grâce aux traductions de saint Jérôme, de Rufin et de Cassiooore ; mais ce fut une connaissance bien incomplète et bien superficielle, fendant cinq siècles, ils ignorèrent la Foi orthodoxe du Damasckne. On devine tous les malentendus doctrinaux qui pouvaient naiire de ce chef. Déjà, celui qui a trait à la procession du Saint-Esprit eommence à poindre à l’horizon. En pleine querelle monothélite, saint Maxime, dans sa lettre au prêtre Marin de Chypre, est obligé de légitimer devant les Orientaux la formule latine a Pâtre Filioque, P. G.. t. XCI, col. 136. et le pape Adrien I" doit défendre contre les Livres Carolins la formule grecque a Pâtre ner Filiiiiii, employée par saint Tar.iise, au septième concile, P. /-., t. XCVIII, eol. 1249. La discussion s’engage sur cette question au synode de Gentilly (76- ;) entre théologiens francs et envoyés de Constantin

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