Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

351

GRECQUE (EGLISE)

352

période icQnoclasle, n'échapperont à la fureur d’empereurs Lérétiques que grâce à l’impuissance de ceuxci. Mais en fin de compte, ce sont les papes qui sortent vainqueurs de la lutte. Non seulement ils font triompber la foi à Epliése, à Clialcédoine, à Constantinople, à Xicée, mais ces assemblées rendent un éclatant témoignage à leur primauté et à leur infaillibilité. Les empereurs sont les premiers à les reconnaître, à ces moments de trêve solennelle, et toutes les fois que les intérêts politiques leur font un devoir de l’union avec Rome. C’est Théodose qui clôt ies controverses ariennes par l'édit de 380, prescrivant à tous les sujets de l’empire « de suivre la religion qvie l’apùtre saint Pierre a enseignée aux Romains, qui s’est maintenue chez eux dans la suite des temps, que l’on voit suivre au pape Damase et à Pierre d’Alexandrie, Cud. Theod., lih. U. De fide cathulica. C’est Justi.mex qui, en 533, dans une constitution adressée à l'évêque de sa capitale, fait sienne la formule du pape Hormisdas, Cod. Justin., lih. I, cap. I, 7, et répète à plusieurs reprises, dans le code <ju les novelles, que l'évêque de Rome est le chef de toutes les Eglises. Cependant, ces victoires répétées de la papauté irritent secrètement les autocrates byzantins. Pour eux, le pape est un personnage gênant qu’ils voudraient bien pouvoir écarter. Ils trouvent du moins un habile moyen de contre-balancer son autorité, en lui opposant un rival redoutable, tout à leur discrétion, l'évêque de la nouvelle Rome.

l’ambition des PATRI.4.RCHKS DE CONSTANTINOPLE

Ce titre de iioin’elle Rome, donné à la capitale de Constantin, renferme à lui seul tout le programme <les ambitions byzantines, au point de vue religieux. Si, dans l’ordre civil, Constantinople est la nouvelle Rome, pourquoi ne le serait-elle pas aussi dans l’ordre ecclésiastique ? Tel est l’argument a pari que, dès le iv' siècle, commencent à mettre en avant les évêques byzantins, avec l’approbation des empereurs et à la grande satisfaction des prélats de cour. Mais cet argument sous-entend deux prémisses et engendre un important corollaire. Les deux prémisses sont 1° L’Eglise est subordonnée à l’Etat et, par suite, le rang ecclésiastique d’une ville varie avec son rang dans l’Etat. 2" La primauté reconnue, des les premiers siècles, à l'évêque de Rome, lui vient non d’une institution divine, mais delà qualité de capitale de la A ille où il a son siège. Le corollaire tout à fait légitime peut s’ex|)rimer ainsi : « Du moment qu’une ville a la primauté, dès qu’elle est capitale dans l’ordre civil, il doit y avoir dans l’Eglise autant de primautés qu’il y a au monde de capitales, d’Etats indépendants. » La première prémisse n’est qu’une forme de l’idée païenne de la confusion des deux pouvoirs. La seconde est la négation radicale de la primauté du pape comme institution divine. Le corollaire, qui a été tiré par l’histoire, explique l’existence des aulocéphalies actuelles. Tels sont les principes qui sont comme la clef de voûte de toute l’histoire du schisme, et qu’on retrouve aussi bien dans sa phase initiale que dans sa consommation et sa persistance à travers les siècles.

Occupons-nous, pour le moment, de la phase initiale. Le premier principe trouve son expression discrète dans le canon 3 du second concile œcuménique, premier de Constantinople (381) : a L'évêque de Constantinople doit avoir la prééminence d’honneur après l'évêque de Rome, parce que cette t’ille est la nouvelle Rome ». Le second principe, renforcé du premier, est inclus dans le canon 28 de Chalcédoine : C’est avec raison nue les Pères ont accordé la prééminence au sii-ge de l’ancienne Rome, parce

que cette ville était la ville impériale. S’inspirant de ce point de vue, les 150 évêques [du concile de Constantinople] ont accordé les mêmes privilèges (ri iW rcEîTÎïîx) au siège de la nouvelle Rome, agissant ainsi par ce juste motif que la ville qui est honorée de la présence de l’empereur et du sénat, et qui [au point de vue civil] jouit des mêmes privilèges que l’ancieune ville impériale, doit être également élevée an point de vue ecclésiastique, et venir la seconde après elle (z « i a Z'âç iex)r, 71y.7Ti-'.ùi, ii : £x£iïï ; v, tijr/y.'jMi’AjA. -cà-//iKj<, ii-j^iri-M ix-r' Iriivr.j jT.'J.pyr, , 7-ja).)i Tout le venin du schisme, on le voit, se cache sous ces mots. Les mêmes Pères qui ont déclaré que Pierre avait parlé par la bouche de Léon, oublient ici, pour le besoin d’une cause patronnée par l’empereur, que la primauté romaine dérive non de l’empereur et du sénat, non des Pères d’un concile introuvable, mais de Pierre lui-même et par lui de Jésus-Christ. Nous sommes en présence d’un mensonge ollicieux, qui se trahit du reste par un manque de logique ; car si la prééminence religieuse de Rome lui vient de son rang de capitale, cette prééminence n’a plus de raison d'être depuis que la nouvelle Rome est bâtie, et celle-ci doit occuper désormais non le second, mais le premier rang. Les Pères de Chalccdoine n’osèrent aller jusque-là, parce qu’ils croyaient à la primauté de droit divin, tout en s’exprimant comme s’ils n’y croyaient pas.

Les protestations des papes contre le 28* canon restèrent sans effet. Les empereurs le sanctionnèrent de leur autorité et le concile in Trullo le répéta en 691. Il ne se bornait pas d’ailleurs à accorder à l'évêque de Constantinople la primauté d’honneur sur les autres sièges orientau.'c ; il consacrait les usurpations de juridiction que, depuis 381, s'étaient permises les hiérarques byzantins, ces modestes sulTragants d’Héraclée, sur les diocèses de Thrace, de Pont et d'.sie. En même temps, les canons 9* et 17* de ce même concile de Chalccdoine établissaient le droit d’appel à l'évêque de la capitale, président-né du synode dit permanent (î-./ » î53 ; àJ/ ; uoOTa), pour tous les conllits ecclésiastiques qui surgiraient en Orient, dans les patriarcats aussi bien que dans les autres provinces ecclésiastiques. En fait, les trois patriarcats d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem ne tardèrent pas à être complètement subordonnés à celui de Constantinople, par suite des troubles monophjsites, puis de l’invasion persane et de la conquête musulmane, qui les réduisirent à n'être plus que l’ombre d’eux-mêmes. En peu de temps, l'évêque de la nouvelle Rome arriva à être le vrai pape de l’Orient, et il n’est pas étonnant que, sur la fln du vi'^ siècle, Jean IV le Jeûneur ait cru le moment venu de confisquer à son profit, en lui donnant une signification difficile à i)réciser, le titre prétentieux de patriarche œcuménique.

Non contents de s'élever au-dessus de leurs collègues orientaux, les évêques byzantins se posèrent bientôt en rivaux du i)riniat de l’Occident. Déjà, en 421, une loi de Théodose II avait rattaché à la juridiction de Constantinople les provinces de l’illyricum, soumises au Saint-Siège. Il fallut les protestations énergiques du pape RoNiFACK pour faire annuler cette usurpation Ce n'était d’ailleurs que partie remise, et l’illyricum devint byzantin, en ^32, par décret de LÉON l’Isaurien, qui se vengea ainsi de la condamnation lancée contre lui et son hérésie, au sjnode romain de y31. Les papes eurent beau réclamer contre cette spoliation. Les hiérarques byzantins, d’accord avec les empereurs, firent la sourde oreille. Obligés de reconnaître, en certaines circonstances solennelles, la primauté et l’infaillibilité du pontife romain, ils ne manquent pas une occasion de le rabaisser ou de