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GRECQUK (ÉGLISE)

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l’idée païenne se manifeste jiar une immixtion continue dans toutes les branches desatl’aires religieuses ; du côté de l'évéque Ijyzantin, par la substitution au principe liiérarchique posé par Jésus-Clirisl, du principe solennellement canonise à Clialcédoine en 451, et au concile /// Trtillu, er Oyi : « Lorsqu’une ville change de situation liiérarchique, par suite d’un ordre impérial, sa position ecclésiastique doit changer dans la même mesure. » (Canons 17 et 28deChalcédoine ; canons 36 et 38 du Quinisexle.)

LE CKSAROPAPISME

En se faisant chrétien, Constantin vit bien qu’il ne pouvait être le chef de la religion nouvelle, au même titre qu’il l'était de l’ancienne. N’ayant pas le pouvoir d’ordre que possédaient les évêques, les actes proprement sacerdotaux lui étaient interdits par h' fait même. Mais repoussé du sanctuaire par ce côté, il trouva un biais pour y pénétrer quand même. Lui-même, à ce que rapporte son historien cl panégyriste, EusÈBE, eut une expression heureuse pour caractériser sa position à l'égard du christianisme : il s’intitula « l'évéque du dehors », Vita Constant., IV, 2/1, P. G., t. XX, col. 11-J2. Comme évéque, il gardait quelque chose de sacerdotal et de sacré, et les cvéqucs du dedans, mus tantôt parla reconnaissance des services rendus à l’Eglise, tantôt par l’esprit de servilité, ne se tirent pas faute de mettre en relief ee caractère du basileus. On le nomma Visapostule (égal aux apôtres), l'élu, le vicaire, l’image de Dieu, prêtre et roi. Tout ce qui louchait à sa personne fut considéré comme sacré, et bientôt le cérémonial de I.i cour lui décerna des honneurs i)resque divins. Comme évêque du dehors, il se iilaçait, sans en avoir l’air, au-dessus de tous les évêques du dedans, qui devenaient ses sujets et à qui il se réservait de commander en maître.

Constantin et ses successeurs prirent tout à fait au sérieux leur fonction d'évéques du dehors, et ils montrèrent bientôt ce qu’ils entendaient parla. Leur ambition n’allait pas seulement à faire la police du culte ; ils prétendirent s’occuper personnellement de tout ce qui regardait la religion dont ils avaient pris la protection ollicielle. Aux évéqucs du dedans ils n’abandonnèrent complèlcminl que la sacristie et l’autel, sauf à s’approcher de celui-ci le plus près possible et à réclamer certaines privautés liturgiqvies. Pour tout le reste, dans les questions de dogmes comme dans celles de la discipline, ils s’arrogèrent un pouvoir décisif, qui en faisait de vrais papes. C’est ce qu’on a appelé le césaropapisme byzantin.

Voyez le césaropapisme à l'œuvre ; l’empereur se mêle de convoquer, de présider, de diriger, de coniirmcr les conciles. Les évêques appelés qui font la sourde oreille sont menacés des peines les plus sévères, et ces menaces ne sont pas de vains mots. Les hcrctiqiies, c’est-à-dire ceux que l’empereur juge tels, sont poursuivis sans merci. L’empereur légifère sur la vie des clercs et sur la vie des moines ; il surveille si étroitement les élections épiscopales, exerce sur les électeurs une telle pression, surtout lorsqu’il s’agit de nommer l'évéque de la capitale, que ces élections se réduisent à une pure formalité. Il n’est pas rare que des i)rélatsdéi)laisants soient destitués, persécutés et remplacés par des intrigants et des tlagorneurs.

Pas plus que les saints canons, le dogme n’est à l’abri des caprices et de la diplomatie de l’autocrate. C’est un fait que toutes les grandes hérésies qui ont désolé l’Eglise de 325 à "85 ont été patronnées, soutenues, quelquefois même inventées par les empe reurs. Six d’entre eux : Iîasilisque, Zenon, Jisti NIEN, HÉRACLICS, CONSTANT 11, LÉON l’IsAUUIEN, ont

promulgué chacun un ou plusieurs édits dogmatiques sur un ton de délinition ex cathedra, et le pire, c’est que presque tous ces édits ex[)riment une hérésie. Et pourquoi dogmatisent-ils ainsi ? C’est parfois pour goûter le plaisir délicat du théologien inventeur d’une théorie nouvelle, mais c’est la plupart du temps pour raison d’Etat. L’Encyclique (le Basilisque, l’Ilénotique de Zenon, les décrets (le Justinien sur la formule théopasehite, conti-e les Trois-Chapitres, pom' l’aphthartodocélisme, l’Ecthèse d’Héraclius, le Type de Constant ont pour but de rallier à l’Empire les populations monophysites, qui s’en sont détachées moins par conviction doctrinale que par manœuvre patriotique et par antipathie pour le christianisme olliciel trop grécisé qu’on professe à Byzanee. La politique n’est pas étrangère non plus à la proscription des images : il s’agit de plaire à une aruiée recrutée en grande partie parmi les populations asiatiques imbues d’idées manichéennes et pauliciennes. Et voilà la vérité révélée condamnée à faire les frais de la diplomatie impériale. Pouvait-on pousser plus loin la confusion sacrilège des deux pouvoirs ?

Qui va élever la voix pour défendre les droits de Dieu et de son Eglise ? Sera-ce l'épiscopat oriental ? Hélas 1 ce n’est pas le résultat le moins funeste des agissements du césaropapisme, ([ue de doter l’Eglise byzantine d’un corps de prélats courtisans. Les Orientaux n'étaient détjà que trop portés, par tempérament de race, à l’intrigue et à la servilité. Sous la main de fer de l’autocrate, les meilleurs font preuve d’une déplorable faiblesse de caractère, tandis que les intrigants et les valets vont au-devant des > olontés impériales. Sans parler des scandales des conciliabules ariens, qu’on se rappelle la défection de l'épiscopat devant Dioscore, ' au brigandage dEphèse, l’Encyclique de Basilisque signée par cinq cents évêques, l’Hénolitiue de Zenon promulgué dans tous les patriarcats orientaux, l’allaire des TroisChapitres, les conciles monothélites de 638 et GSg approuvant l’Eclhèse, celui de 712 pliant devant Philippique avec deux saints, André de Crète et Germain DE Cyzkjue ; enfin le grand synode iconoclaste (le 753, à Hiéria. A protester, à souffrir le martyre |)our la foi, il n’y a guère que des moines de la trempe de saint Maxime ou de saint Théodore StuDHE. Les théologiens byzantins préfèrent en général déclarer avec le patriarche Mennas, au synode de Constantinople en 536 : « que rien, dans la très sainte Eglise, ne doit se faire contre l’avis et les ordres de l’empereur », Mansi, Amplissima Collectio Cuncitiorum, t. "VllI, col. 970, ou avec le diacre Agapet : <( que l’empereur est prédestiné, dans les desseins de Dieu, pour gouverner le monde, comme l'œil est inné au corps pour le diriger ; que l’empereur a besoin de Dieu seul, qu’entre Dieu et lui, il n’y apas d’intermédiaire », Capit. admonit. ad Justin ianum, P. G., t. LXXXVI, col. II 78, I, 84.

Celui qui va, comme une digue infranchissable, s’opposer aux envahissements du césaropapisme et porter haut le dra])eau de l’idée catholique, c’est l'évéque de la ville abandonnée, l'évéque de Rome. C’est lui qui. pendant ces siècles d’hérésies et de schismes perpétuels, ne cesse de répéter au basileus qu’il n’a pas le domaine de la foi et des consciences, et (létrit, sans jamais faiblir, ses empiétements sacrilèges. Souvent, sans doute, il devra payer de son siège, de sa vie même, son obstination à faire son devoir. Libère, Silvère, A’igilk, Martin seront arrachés par la force brutale à l’amour de leurs lidèles ; d’autres, à la tin du vu' siècle et pendant la