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FOI, FIDEISME

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exprès, on voit qu’elle distingue en quelque sorte entre fui (ou fui divine) et [ut iiilliolitjiie, pour réserver le nom de foi catholique (laquelle d’ailleurs est expressément regardée ici comme une foi divine) à la foi, exigée de tous comme nécessaire, aux vérités que l’Eglise propose explicitement, en nous ordonnant d’y croire.

A ces points se rattachent plusieurs questions qui intéressent directement l’apologétique de la foi : celle du dogme, celle de la fol objective, celle de la foi implicite. Nous les rencontrerons sur notre route.

Non moins intéressante, du point de vue apologéti qup, est la question de la nécessité de la foi pour le salut. Voici comment s’exprime le Concile à cet égard : u Sans la foi (comme dit l’Ecriture) il est impossible de plaire à Dieu, impossible d’avoir part au lot de ses enfants. C’est pourquoi personne n’a jamais été justifié sans elle, et personne, s’il n’j- persévère jusqu’à la liii, n’arrivera à la vie éternelle. » La foi est donc nécessaire au salut, et cette nécessité seule nous la rendrait obligatoire, si elle ne l’était déjà au titre même de notre dépendance comme créatures. D’où le problème formidable de la i)Ossibilité de la foi. Le Concile n’y fait aucune allusion directe ; mais il montre, dans le grand fait de l’Eglise, un principe de solution : « Pour qu’il nous fût possible d’accomplir ce devoir d’embrasser la foi et d’y persévérer fermement. Dieu, par son Fils unique, a institué l’Eglise et l’a dotée de signes manifestes de son institution, pour qu’elle pvit être reconnue par tous comme la gardienne et la maîtresse de la parole révélée. »

De cette façon, l’Eglise entre dans la tliéorie catholique de la foi ; elle y entre, si je puis dire, par deux portes : par celle de l’apologétique, comme un motif de crédibilité à la portée de tous ; par celle de la théologie proprement dite, comme chargée de garder le dépôt de la révélation, de répamlre, d’expliquer, de proposer à tous, avec des garanties infaillibles, la vérité révélée, comme nous le disons dans la formule même de l’acte de foi. L’étude détaillée de ce double rôle de l’Eglise, motif de crédibilité et organe infaillible de l’enseignement divin, n’appartient pas directement à la théorie de la foi ; cependant quelques mots sont nécessaires ])our en indiquer la nature et la portée. Le Concile nous les dit avec une brièveté ample et précise, qui en une phrase nous ouvre un monde. « A l’Eglise catholique, en elfet, à elle seule, appartient tout ce que Dieu a si abondamment et si merveilleusement disposé pour rendre évidente la crédibilité de la foi catholique. ^d solam enini calholicam Ecclesiam ea pertinent oninia quæ ad evidentem fidei cliristianæ crediliilitatem tant mtilta et tam mira diviititiis siint dis/iosita. » Ainsi l’Eglise, suivant la pensée du Concile, présente à toutes les générations qui se succèdent le passé même de la religion chrétienne, avec tous ses motifs de crédibilité : ces richesses du passé sont à elle, et restent sa parure actuelle, grâce à l’identité manifeste entre l’Eglise des premiers siècles et celle d’aujourd’hui. C’est un premier aspect de la question : l’Eglise de nos jours nous fait remonter à l’Eglise des Apôtres et des Martyrs, à l’Eglise des temps héroïques, où le miracle était, pour ainsi dire, l’ordinaire. Il en est un second : sans faire d’histoire, nous regardons l’Eglise actuelle, et nous vojons qu’elle porte au front le signe divin. C’est ce que dit aussitôt le Concile : u L’Eglise, par elle-même, grâce à sa merveilleuse propagation, à son cniinente sainteté et à sa fécondité inépuisable en toutes sortes de biens, grâce à son unité c.itliolique et à son invincible stabilité, est un grand motif de crédibilité et

un témoignage irrécusable de sa divine mission. » " Elle est donc là, conclut le Concile, comme un étendard élevé pour les nations, invitant à soi ceux qui n’ont pas cru encore, et montrant à ses (ils que la foi qu’ils professent s’appuie sur le fondement le plus solide. »

Cette solution si simple du problème (la foi possible pour tous par l’Eglise) sullit-elle pour tous les cas, nous aurons à le discuter ; mais qui en niera la grandeur, la beauté, et si je puis dire, le caractère topique ? D’ailleurs, ici encore, le Concile, en insistant sur les motifs extérieurs de crédibilité, n’a garde d’oublier la grâce, qui agit au dedans : < Ce témoignage reçoit de la vertu d’en haut un renfort efficace (ctii… testitnonio e//icax siiLsidiiim accedit ex siiperna irtute). Car le Dieu de toute bonté donne aux égarés ses grâces d’excitation et d’aide, pour qu’ils puissent venir à la connaissance de la vérité, et à ceux qu’il a transférés dans son admirable lumière, ses grâces de soutien pour qu’ils restent dans cette lumière, n’abandonnant que si on l’abandonne : Etenim lienigittssimiis Domintis et errantes gratia sua excitât atqtte adjuvat ut « ad ugnitionem veritatis venire » possint, et eos quos de tenehris transtulit in adntirahile Itimen suum, in hoc eodem lumine ut persévèrent gratia sua confirmât, non deserens nisi deseratur.)> — < Il s’en faut donc, continue le Concile, que la condition soit la même pour ceux qui par le don céleste de la foi ont donné leur adhésion à la vérité catholique, et pour ceux qui, guidés par des opinions humaines, suivent une fausse religion. Car ceux ([ui ont reçu la foi sous le magistère de l’Eglise, ne peuvent jamais avoir une juste cause de changer cette foi ou de la révoquer en doute. » Un canon vient sanctionner cet enseignement contre les négations de ceux qui assimilent les croyants et les non croyants, ou contre Hermès et les partisans du doute provisoire pour tous : « SI quelqu’un soutient que le cas est le même des fidèles et de ceux qui ne sont pas encore arrivés à la seule vraie foi, de sorte que les catholiques puissent avoir une juste cause de suspendre leur assentiment à la foi qu’ils ont déjà reçue sous le magistère de l’Eglise et d’en douter jusqu’à ce qu’ils aient achevé la démonstration scienlilique de la crédibilité de leur foi : qu’il soit anathènie. »

Ce dernier point, on le devine, sera diflicilement compris, et l’apologétique catholique aura souvent à le défendre contre les attaques des incroyants, de tous ceux qui revendiquent pour eux-mêmes et pour les autres, avec la liberté de penser, la liberté de douter, qu’ils en regardent comme inséparable, suivant le proverbe espagnol que Victor Hugo donnait comme épigraphe à lune de ses premières professions de scepticisme : pensar dudar. Ces attaques porteront plus loin encore ; c’est l’incompatibilité entre la science et la foi, ou du moins entre l’esprit critique et l’esprit catholique, qu’on alléguera, au nom de la liberté même de penser et du progrès scientifique. Sans autre souci que celui de la vérité, le Concile poursuit son exposé, et ce sera une réponse indirecte, mais la meilleure des réponses, à ceux qui veulent opposer la raison et la foi.

« La raison et la foi », c’est le titre même du quatrième

chapitre de la Constitution Dei Filins, tout entier consacré à l’étude de leurs rapports. Le Concile commence par le principe capital de la distinction entre les deux ordres de connaissance : « C’est aussi, comme c’a toujours été, l’enseignement unanime de l’Eglise, qu’il y a deux ordres de connaissance, distincts, non seulement ])ar le principe, mais aussi par l’objet : par le principe, car dans l’un nous connaissons parla raison naturelle, dans l’autre par