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GRACE

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psychique et charnelle, le dernier Adam, riiomnie céleste, doit être le père de l’humanité pneumatique (I Cor., XV, 45 ss.). Le Christ est la tête de son Eglise, le sauveur de son corps mystique, de l’Israël véritable, du peuple de Dieu (I Cor., x, 82 ; xii, a’j, 28 ; Eph., i, 23 ; II, 15, 19-22 ; IV, 1-16 ; v, 22-28 ; Col., I, 18, 24). Il s’ensuit (jne toutes les actions salviliques du Christ auront une portée vicariale et substitutive, qu’elles vaudront pour l’Iiumanité nouvelle dont il est le Chef. Or le Christ, par sa mort, sacrilice d’expiation volontaire, châtiment du péché et acte libre d’obéissance à Dieu, a détruit le péché sous sa double formalité de reatiis poenæ et de reatiis cutpæ : il a ainsi réconcilie l’humanité avec Dieu, il a réalisé en principe et en droit la justification du monde pécheur (Il Cor., v, 18-20). Par sa résurrection, il est entré — et l’humanité doit l’y suivre — dansun état spirituel glorieux où ni péché, ni mort, ni chair, ni loi, ni aucune puissance supraterrestre ne peuvent avoir accès et exercer leur tyrannie (II Cor., V, 17 ; Rom., vi, 3-14 ; Eph., 11, 2, 5 ; Col., II, 12-13 ; III, I sq.). L’humanité parcourt avec le Christ le cycle sotériologique qui doit la faire passer de la mort à la vie. Mais l’humanité sauvée par le Christ n’existe encore qu’à l’état idéal, d’une façon analogue à celle dont l’humanité pécheresse existait dans Adam. Elle doit naître du Christ au cours des âges par le moyen d’une génération spirituelle. Cette naissance s’opère par la foi. et d’une manière plus précise par le baptême chrétien qui nous unit au Ctirist en nous communiquant son Esprit et en nous appropriant ainsi tous les effets de la rédemption. Nous sommes ainsi tout naturellement amené à décrire d’après S. Paul le rôle de l’Esprit dans la vie chrétienne.

Saint Paul le premier a mis en pleine lumière le rôle sanctificatenr de l’Esprit-Saint, et il a fait apparaître ainsi ce qu’il y a de plus intime dans son action. Ce ne sont plus ici uniquement les énergies extraordinaires par lesquelles l’Esprit se manifestait ilans les héros des temps antiques, ce ne sont plus seulement les visions ou les révélations dont il gratifiait les prophètes, ni même les charismes dé])artis aux premiers chrétiens ; l’Esprit opère encore toutes ces choses, mais il fait bien plus ; il est devenu le principe réel, permanent et fécond, d’une vie nouvelle, d’une vie tout entière orientée vers Dieu.

L’Esprit que le chrétien reçoit par la foi, c’est-à-dire par la profession de la vie chrétienne opposée à la vie sous la Loi (Gal., 111, 2 s. ; iii, i^ ; iv, 6 ; v, 5 ; II Cor., IV, 13 ; Epli., I, 13-14), ou plus spécialement par un acte spécial de cette profession de foi, par le baptême (Honi., vi, i^ ; vii, 6 ; viii, i-13 ; I Cor., vi, 1 1 ; XII, 13 ; Tif., III, 4-/), nous unit intimement au Christ, parce qu’il est en même temps l’Esprit du Christ {ftoni., viii, 9) ; il nous constitue membres duChrist, fait que nous sommes dans le Christ et que le Christ est en nous. Cette relation entre le Christ glorieux et l’Esprit est tellement étroite, que souvent r.pôtre ne dislingue pas les deux termes. Vivre dans le Christ et vivre dans l’Esprit, sont uneseuleet même réalité et l’inhabitation du Christ dans l’àme ne se distingue pas de l’in habitation de l’Esprit-Saint (/ ?om., viii, 9-11). Le même baptême nous est présenté tantôt comme un baptême dans le Christ (Ga/..iii, 27 ; /iom., VI, 3), tantôt comme un baptême dans l’Esprit (I Cor., XII, 13). On aurait tort sans doute d’en conclure à ridentité personnelle du Christ et de l’Esprit, mais on a le droit d’en déduire que l’action du Christ glorieux dans l’àme est inséparable de celle de l’Esprit, ou plutôt qu’elle ne s’exerce que par le moyen de l’Esprit. Le Christ ressuscité communique

à ses fidèles l’Esprit divin qu’il possède lui-même dans sa plénitude. Il est comme le dépositaire et le distributeur par excellence du pneuma divin, il dispose de sa force et de sa vie, il exerce en un mot la dictature de l’Esprit. En vertu de cette relation intime, nous sommes en droit d’utiliser, pour décrire le rôle de l’Esprit, ces nombreux textes où l’on nous parle de l’action du Christ habitant dans l’àme du chrétien.

Par le moyen de l’Esprit, nous sommes incorporés à l’Eglise rachetée par le sang du Christ, et rendus par le fait même participants de tous les biens qu’il lui a acquis par sa mort. L’élat de l’homme spirituel est exactement le contre-pied de celui de l’homme charnel et pécheur. Par la communion avec l’Esprit de vie qui résidera en lui et s’unira mystérieusement à son esprit, sans l’absorber, ni le détruire, l’homme se revêt de Jésus-Christ (6’n/., iii, 27 ; Ilûin., VI, 3), il trouve en lui la justice et la justification (Gal., II, 17 ; iii, 2 5, 14 ; I Cor., i, 30 ; vi, 1 1 ; II Cor., V, 21 ; Hom.. viii, 1 : Til., iii, 5- ;), la sanctilication (I Cor., i, 30 ; vi, 11 ; Hom., xv, 16), l’adoption filialc(Ga/., iii, 26 ; tv, 6 ; Rom., viii, 14) ; il est délivré du péché, de la chair, de la Loi et de la mort (Rom., VIII, 2, 10, II, 13) ; il est constitué l’héritier des biens messianiques et en possède non seulement le gage et la promesse, mais les arrhes, le germe de la gloire et du corps spirituel (Gal., v, 5 ; Epli., , 13, !  ; n, 18 ; II Cor., i, 22 ; v, 5, etc.). L’Esprit apparaît donc bien aux yeux de saint Paul comme l opposé complet de l’état de péché et de mort : c’est la justice et la vie, le ternie de la rédemption, l’aurore des temps messianiques.

L’Esprit n’est pas uniquement dans l’homme, une réalité statique, c’est aussi un principe dynamique, une force, une source d’action. Il n’est pas seulement grâce sanctifiante, il est aussi motion divine et grâce actuelle. Par le moyen de l’Esprit, l’homme est non seulement justifié, il peut encore maintenir et accroître en lui la justice reconquise. L’Esprit est agissant. Il fait de nous une création nouvelle (II Cor., V, 17 ; Gal., VI, 15) ; il nous métamorphose graduellement en l’image du Seigneur glorieux (Il Cor., iii, 18) et prépare nos corps à la résurrection (Hom., VIII, 2y). Il établit sa demeure en nous comme en son temple (I Cor., iii, 16 ; flo ; »., viii, 9-11) ; il nous fait prier (Rom., vin. 15), et prie lui-même en nous, vient en aide à notre faiblesse, gémit en nous d’une façon mystérieuse, intercède pour nous auprès de ye (Gal., IV, 6 ; Rom., viii, 26-27). L’Esprit rend à notre esprit le témoignage de notre filiation divine (Hom., VIII, 15) ; il enseigne les hommes et distribue SCS dons selon son bon plaisir (I Cor., 11, 13 ; xii, 11). Il fortifie notre volonté, nous permet de réduire la chair à l’impuissance (Rom., viii, O-ii), se fait lui-même la loi de notre vie nouvelle, loi intérieure et illiiminalrice qui non seulement notifie le devoir, à l’instar des préceptes de la législation ancienne, mais

« hmne aussi la force de l’accomplir (I Cor., 11, 10-16 ; 

Hom., VIII, 2-1 1).

Celte action de l’Esprit n’est ni fatale, ni nécessitante. Le chrétien n’atteint pas du coup les sommets de la vie pneumatique, il y arrive lentementen correspondant aux inspirationsde l’Esprit, ensuivant les poussées de l’Esprit, en ne l’attristant pas (l Cor., m, I ss. ; Gal., v, 18 ; / ?om., viii, li ; Eph., iv, 30). Il faut produire les fruits de l’Esprit, l’amour, la joie, la paix, la longanimité, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la chasteté (Gal., v, 22-a3). De là aussi les pressantes exhortations île l’Apôtre à s’armer pour le combat, à se constituer soldat de la justice ; de là toutes ces instructions morales, tous ces avertissements, tous ces catalogues de péchés à