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plié les merveilles pour délivrer son peuple de la servitude d’Eg ; ypte, après s’être révélé comme l’auteur du salul, a proposé le pacte accepté par Israël avec une foi joyeuse (Ex., xix.). Mais la communauté juive fuit remonter bien plus haut le souvenir de ses relaliiins avec Dieu. Une alliance a été conclue avec Abraham, l’ancèlre de la nation, alliance dont le signe subsiste dans la circoncision (Gen., xvii). La création elle-même n’a-t-elle pas été ordonnée de façon à préligurcr les rapports futurs d’intimité entre Dieu et le ]ieuple de prédilection ? L’institution du sabbat juif est rapportée aux origines du monde (£(., XXXI, 13, 16, 17).

L’alliance est conclue en vue du salut. La délivrance d’Israël, voilà l’objet et le terme des promesses à l’accomplissement desquelles Dieu s’engage solennellement par le pacte. Au cours des siècles, la notion du salut ira en se précisant et en se spiritualisant, sans jamais pourtant se dégager complètement de tout élément matériel et national. Restreintes d’abord à la possession paciiique et heureuse de la terre promise (Ge «., xvii), les perspectives du salut s’élargiront et s’épanouiront insensiblement, et la terre de Chanaan ne sera bientôt plus que le type et la figure des félicités de l’avenir. Les prophètes envisagent généralement le salut comme la lin des épreuves présentes ou prochaines, comme l’affranchissement de la nation du joug de ses puissants ennemis, comme une ère de revanche et de triomphe, de prospérité et de paix.

Cependant les biens spirituels occupent déjà la première place dans leur prédication du salut : c’est le temps de la justice et de la vérité, du culte transformé et de la pure religion delahvé.Si Isaie envisage la communauté messianique comme un état juif, il la considère aussi comme une assemblée de justes sur laquelle reposent la liienveillance et la bénédiction divine (11, 1-9 ; xi). D’après Jérémie, les temps messianiques seront inaugurés par une nouvelle alliance qui déterminera les futures relations entre Dieu et son peuple (xxxi, 3 1 -34 ; cf. xxx-xxxiii). Ezéchiel introduit le royaume messianique par la ruine des nations païennes, mais il décrit aussi les temps nouveaux avec descaractères d’ordre spirituel(xxxiv, xxxvii, xxxix). Dans Daniel, lerègnedes saintss’ouvre avec le jugement du monde par Dieu, c’est la vie éternelle ; et cependant ce règne est encore à la fois nationaliste et transcendant : il est devenu une théocratie idéale qui n’est plus de la terre. Nous trouvons ainsi chez tous les prophètes, sous des traits nationaux, les caractères transcendants du royaume de Dieu. Le livre de la Sagesse et certains psaumes s’approchent davantage encore de l’Evangile.

Le salut et le royaume messianique sont deux quantités sensiblement identiques. Les prophètes ont rarement distingué un double avènement messianique, l’un préparatoire, l’autre définitif. Dans leur perspective, les distances se confondent et les deux ères messianiques se rapi)rochent souvent et se recouvrent.

L’auteur principal du salut, c’est Dieu, agissant conformément à ses promesses ; mais il se sert d’intermédiaires pour le réaliser. Moyse et David sont considérés comme des médiateurs ; les prophètes aussi, ces envoyés extraordinaires suscités aux moments de grande crise religieuse pour conjurer les apostasies, et maintenir vivantes les espérances messianiques. Mais le médiateur par excellence, c’est le Messie, soit qu’on le considère comme un roi délivrant le peuple de ses ennemis, soit qu’on entrevoie son rôle rédempteur (Is., 1, 111).

Après avoirdécrit l’objet de l’Alliance, demandons-nous quel en est le sujet. A qui les promesses sont elles adressées ? Au peuple d’abord ; c’est d’Israël que Dieu est le père, c’est Israël qui est le lils de lahvé (Ex., 1V, 22 ; Deut., Tiiv, I ; XXXII, 5-6 ; /s., 1, 4 ; xxx.g ; xLiii, 6 ; xLV, i 1 ; lxiii, 16 ; Os., i, io ; xi, i ; yer., iii, 4, 14, 19, 22 ; xxxi, 9, 22 ;.Mal., 2, 10). Les promesses concernent donc le peuple, la postérité d’Abraham. De là, l’origine des espérances nationales d’Israël, la conscience d’une situation privilégiée, l’attente d’un avenir meilleur, l’inébranlable conliance en la délivrance finale, œuvre de la justice salvilique de Dieu. Cette confiance ne s’est jamais perdue, elle est encore très vivace à l’époque néo-testamentaire et s’exprime avec une force poignante dans les apocalypses. Le peuple est l’unité qui compte, l’individu n’est pris en considération qu’en tant que membre du peuple.

Petit à petit, cei)endant, l’inlidélilé de beaucoup d’Israélites amène à distinguer, au sein même du peuple de Dieu, les impies qui ne lui appartiennent plus et les justes qui peuvent encore l’appeler leur père. Le jugement divin ne s’exercera pas seulement contre les peuples voisins oppresseurs, mais aussi contre Israël lui-même : on fait le partage dans la communauté même des méchants et des pieux, des pécheurs et des saints. C’est siu-toul dans les écrits prophétiques et dans les psaumes que cette concef)tion plus individualiste se fait jour. Elle apparaît dans Isaie, pour qui un reste seul sera sauvé, dans Jérémie et Ezéchiel pour qui les pieux seuls parmi les exiles formeront le noyau de la communauté de l’avenir ; elle est surtout manifeste dans le livre de la Sagesse (11, 16-18 ; V, 5 ; cf. £’ccZi., xxiii, 1-4 ; Li, 10). Auprogrès de l’individualisme, correspond le développement de la doctrine de la rétribution. Ce problème a vivement préoccupé les moralistes de l’Ancien Testament et n’a pas reçu du premier coup sa solution définitive. L’occasion de le poser était fréquemment fournie par le spectacle du bonheur terrestre des impies et des souffrances du juste (Pi., xxxvi, xLviii, LXXii ; livre deJoh). Qu’adviendra-t-il des justes et des pécheurs morts avant l’avènement du royaume ? auront-ils en vain pratiqué la justice ou poursuivi l’iniquité ? La solution complète de l’énigme doit être cherchée outretombe. Dès le jour de sa mort, le juste jouira de la ])aix et du bonheur, d’une rémunération relative, en attendant la date de la délivrance complète où l’individu humain, reconstitué par la résurrection, pourra participer pleinement aux joies du royaume (Dan., xii, 2).

Nous avons déjà suffisamment laissé entendre que si lespromcsses desalulconstituent l’apportde lahvé dans l’alliance conclue avec le peuple, celui-ci, à son tour, contracte vis-à-vis de Dieu des obligations spéciales ; il doit être un peuple juste. La justice pour Israël consiste dans la fidélité à la Loi. A la i)romesse, fondement objectif du salut de la part de Dieu, doit correspondre chez le peuple, comme condilion subjective d’appropriation du salul, la foi dans les promesses divines et conséquemment aussi l’accomplissement delà volonté divine, manifestation extérieure de cette foi. L’élection divine demande la fidélité (705., XXIV, 14 ; / «., xLviii, 1), l’obéissance (Deut., ix, 28), l’amour (flpK ?., vi, 5), la vie parfaite devant Dieu (den., XVII, i). Dans cette fidélité est incluse la confiance aux promesses (6’eH., xv, 6 ; IS.r., iv, 31 ; I’um., XIV, 1 1 ; h., vii, 9). Tout l’Ancien Testament témoigne de ce fait, que le salut pour Israël est une grâce, un pur effet de la bienveillance divine, conséquence dç l’élection et des ])roinesses gratuites de Dieu. Cette grâce du salul, Israël doit la recevoir avec une foi confiante. La foi nous rend agréables à Dieu, elle est le fondement de la justice. L’observation de la Loi est évidemment impliquée dans l’acceptation par la foi de l’alliance avec ses exigences. La