Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

21

FOI, FIDEISME

22

verilatem naturali ratioiiis lumiiie perspectam), mais sur l’autorité de Dieu même qui nous le révèle, et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper (sed propler auctoritatem ipsius Dei re^eluntis, qui nfc falli nec fallere potest). » Ici encore ranalliéme contre la néjjation vient sanctionner la vérité île la (léliiiition donnée. « Si quelqu’un dit que la foi divine ne se dislinjiue pas d’avec la connaissance naturelle de Dieu et des choses morales, et partant qu’il n’est pas requis pour la foi divine que la %érité révélée soit crue sur l’autorité de Dieu qui fait la révélation, qu’il soit anatliéme. » La foi est donnée ici comme une connaissance, distincte, il est vrai, delà connaissance naturelle, mais ayant pour objet la vérité révélée par Dieu, de même que la connaissance naturelle a pour ol)jet la vérité perçue à la lumière de la raison ; connaissance telle que l’adhésion de foi a pour motif l’autorité infaillible de Dieu, tandis que le motif de l’adhésion déraison est la vue intellectuelle des choses. Croire, pour l’Eglise, c’est donc un mode de connaître, analojfue au mode de connaissance humaine par le témoignage.

Ni l’intervention de la grâce ni le surnaturel de l’acte ne dispensent des conditions ordinaires qui rendent raisonnable la foi. Qu’il soit raisonnable de s’en rapporter à la parole de Dieu. la chose est évidente, puisque Dieu évidemment ne peut ni se tromper ni nous trompcr.Maisilfaut savoir si Dieu a parlé. et c’est sur ce point que porte surtout l’effort de lapologétiquechrétienne, laquelle est, comme on sait, la science de la crédibilité de nos mystères, ou, ce qui revient au même, delà vérité de notre religion. Voici comment s’en explique le Concile : « Alin cependant que l’hommage de notre foi fût un hommage raisonnable. Dieu a voulu qu’à la grâce intérieure de l’Esprit-Saint vinssent se joindre des preuves extérieures de sa révélation, c’est-à-dire des faits divins, et notamment des miracles et des prophéties, qui, montrant à l’évidence la toute-puissance et la science intinie de Dieu, sont des signes très certains de la révélation, et proportionnés à toutes les intelligences : Ut nihilominus fidei nosiræ obsequium rationi consentaneum essel. volnit Deiis cum inlernis Spiritus sancii auriliis externa jungi rcielatioiiis stiæ arf ; tunenla, facta scilicet divina ntque impriinismiracula et proplietias, qiiæ cum Dei omnipotentiam et infinitain scienliam tuiiilenter commonslrent, diinæ revelationis signa siiiit certissima et ontniiim intelligeniiæ accnmtnodata. t’En conséquence, le Concile dit anathème « à qui prétendrait que la révélation divine ne peut être garantie par des signes extérieurs, et que, partant, c’est 1 par la seule expérience intime de chacun ou par une inspiration privée que les hommes doivent être poussés à la foi : Si qnis dijrerit retelationem diyiiiam exiernis signis credihilem [ieri non passe, ideoqiie sola interna ciijiisqiie experientia aiit inspiraiione prii-aia homines ad /idem nioveri dehere : anathema sit. i.Pour préciser, il signale les miracles et les prophéties de Moïse.des prophètes, et surtout ceux du Christ, si nombreux et si évidents, miilla et manifcstissima : de même ceux des.pôtres. D’où anathème encore à qui dirait I « qu’il ne peut se faire de miracles, et que donc tous les récits de miracles, même ceux de la sainte Ecriture, doivent être relégués parmi les fables ou les mythes ; ou du moins qu’il est impossible de s’en assurer jamais, et qu’il n’y a pas làune preuve légitime de l’origine divine de la religion chrétienne :.s’i qiiis dixerit miracula nulla /ieri posse… aitt miracula L certe cognosci numquam posse, nec ils divinam religionis christianæ originem rite probari : anathema sit. »

« L’assentiment de foi n’est donc pas un mouvement

aveugle de l’àme », pour employer encore les

ternies mêmes du CuncUe. Mais, comme il a maintenu le caractère raisonnable de la foi, il en revendique aussi le caractère surnaturel, et la nécessité de la grâce pour j’arriver, comme l’avait fait déjà le Concile d’Orange, en 029, dont les expressions mêmes lui servent pour exprimer à nouveau la pensée, toujours identique, de l’Eglise à cet égard : « Personne ne peut consentir à la prédication évangélique, comme il le faut pour obtenir le salut, sans l’illumination et l’inspiration <lu Saint-Esprit, qui donne à tous la douceur dans le consentement et dans la croyance à la vérité. Ainsi la foi. même quand elle n’agit pas par la charité, est déjà en elle-même un don de Dieu, et son acte est une œuvre salutaire (opns ad salitlem pcrtinens, ce qui ne veut pas dire méritoire, au sens strict du mot) : l’homme y rend librement obéissance à Dieu, en consentant et coopérant à la grâce, quand il pourrait y résister. » Canon correspondant :

« Si quelqu’un dit que l’assentiment de foi n’est

pas libre, mais qu’il est l’ellet nécessaire des preuves de raison humaine ; ou bien que la grâce n’est nécessaire que pour la foi vive, qui opère par la charité : qu’il soit anathème. » Tout à l’heure, l’Eglise proclamait le caractère intellectuel et raisonnable de la foi ; maintenant elle maintient son caractère moral et surnaturel d’acte libre et salutaire, où la grâce a sa place essentielle et, avec la grâce de Dieu, le consentement et la coopération de l’homme. Et comme des intellectualistes outrés, tel Hermès, soutenaient que les décisions de l’antique Eglise contre les Pélagiens ne sauraient être invoquées dans le cas présent, puisqu’elles n’auraient eu en vue que la foi formée, celle qui est mise en action par la charité, le Concile explique que cette doctrine doit s’entendre de la foi en elle-même, indépendamment de la charité.

Ainsi l’Eglise nous présente tour à tour les différents aspects de sa doctrine, complexe comme la vie ; et, soucieuse uniquement de maintenir et d’affirmer dans son intégrité la vérité vivante qu’elle porte dans sa conscience, elle évolue avec une merveilleuse aisance entre Charybde et Scylla, laissant à ses théologiens le soin de montrer que diversité d’aspect n’est pas contradiction.

Après avoir parlé de la foi, de son rôle dans la vie surnaturelle, de ses conditions et de ses propriétés, le Concile dit un mot de son objet. Ce qui précède suffit à montrer que son objet jiropre est la vérité révélée, la parole de Dieu contenue dans l’Ecriture ou dans la Tradition. Mais qu’est-ce qui s’impose proprement à notre foi, pour être et rester catholiques’.’  « De foi divine et catholique, répond le Concile, il faut croire tout ce que contient la parole de Dieu transmise par l’Ecriture ou par la Tradition et que l’Eglise, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à notre foi comme divinement révélé. » N’est-ce pas précisément ce que nous disons dans notre « acte de foi » ? Ce n’est pas le lieu d’expliquer ce qu’est cette i< parole de Dieu », conmient elle est transmise a par l’Ecriture ou la Tradition » et ce que sont cette Ecriture et cette Tradition qui nous la transmettent, ce qu’on entend par jugement solennel de l’Eglise ou par son magistère ordinaire et universel, et sur quoi portent précisément ces jugements solennels ou ce magistère ordinaire. Ce sont questions que les théologiens étudient dans des traités spéciaux (voir, par exemple J.-. Baixvkl, De Scriptiira sacra, Paris, 1910. et De magisterio vivo et traditione, Paris, igoS). Il suffit de noter ici deux points :

1. L’Eglise tient tellement pour acquis que la foi doit avoir un contenu, un objet déterminé, qu’elle le suppose partout, sans même songera le dire.

2. Quoiqu’elle ne s’en explique pas ici en termes