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GRACE

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« L’organisation catholique, écrivait-il, a radicalement

perfectionne la nature de ce principe politique (le principe électif), en le rendant plus rationnel, par cela seul qu’elle substituait essentielleiuenl désormais le choix réel des inférieurs par les supérieurs à la disposition inverse…, sans toutefois que cette constitution nouvelle méconnvit essentiellement la juste influence consultative que devaient, pour le bien commun, conserver, en de tels cas, les légitimes réclamations des subordonnés. » (Cours de philosophie positive, t. V, p. 245.)

N’y a-t-il pas eu pourtant qiielques excès possibles dans le mouvement de concentration de l’Eglise autour de son chef ? Il faut le reconnaître,.insi, à force de regarder le pasteur suprême, certains ont pu oublier quelque peu les pasteurs particuliers, perdre de vue les intermédiaires hiérarchiques et le corps dont ils étaient membres. La facilité actuelle des communications risque aussi de devenir une vraie tentation. Bien des personnes en abusent pour soumettre directement àl’autorité suprême des questions qui devraient être tranchées sur place par les pouvoirs locaux. Mais en somme, signalerait-on encore quelques autres abus, le tout se réduirait à peu de choses, et surtout le remède n’est pas loin. Le pilote veille. Depuis le concile du Vatican surtout, en face des Eglises séparées où l’autorité épiscopale semble devoir être de plus en plus menacée par la poussée démocratique, nous avons vu chez nous le Pape user de son pouvoir mieux assuré pour affermir les droits des évcques et pour les grandir. Lkon XIII a insisté souvent en ce sens ; et le mouvement qui se fait aujourd’hui, sous les auspices de Pie X, pour la réorganisation de l’Eglise de France, ne tend-il pas à mettre plus en lumière que jamais le rôle éminent des évêques, et atout grouper autour d’eux ? Conclusion. — Concluons donc que l’Eglise catholique, centralisée, si l’on veut, en ce sens qu’elle dépend tout entière d’un seul chef dont l’autorité ne rencontre pas d’entrave, ne l’est cependant pas du tout au sens des sociétés modernes ; que toujours chez elle subsiste le jeu libre et harmonieux de ses dilférentes parties. Ne se refusant à aucun progrès légitime, elle a su proUter, pour resserrer son unité et pour mettre fin à bien des abus, des ressources que lui ont apportées les inventions modernes, la vapeur et l’électricité. Mais jamais chez elle une autorité omnipotente et Iracassière n’a prétendu se substituer aux elTorts des individus ; jamais elle ne s’est montrée hostile aux groupements formés par ses enfants. En délinitive, plus on examine de près l’Eglise catholique, plus on se rend compte que ses principes autoritaires, dont on a voulu faire un épouvantail pour l’indépendance légitime des hommes, lui permettent au contraire de concilier, dans une harmonie incomparable, à la fois l’ordre et la liberté.’Voilà où l’on peut arriver, comme nous le disions en commençant, par des arguments de raison, nu>me sans tenir compte de l’origine divine de l’Eglise. Résultat fort appréciable pour repousser les attaques dont le gouvernement ecclésiastique est l’objet. Il va sans dire d’ailleurs que, pour le but final auquel doit aboutir l’apologétique, ce résultat reste essentiellement incomplet. Que le gouvernement de l’Eglise soit humainement admirable, c’est ce dont tous ne semblent pas convenir, et c’est pourquoi nous avons pu nous attarder à le montrer. Ce point acquis, le terrain n’est encore que déblayé ; il resterait à montrer l’élément surnaturel animant tout ce bel organisme. Cela sortirait des limites de cet article ; mais évidemment celui qui refuserait d’aller jusipie là n’aurait aucune intelligence véritable de l’Eglis<’et de sa constitution.

BiBLiOGB.iVHiE. — Ce n’est point le lieu d’énumérer ici tout ce qui a été écrit sur le gouvernement de l’Eglise. Voici seulement, à titre d’indication, quelques ouvrages ou fragments d’ouvrages, où l’on trouvera la question traitée par des arguments de raison ou de convenance, selon le point de vue auquel on s’est placé dans cet article.

Parmi les scolastiques : saint Thomas, Contra Génies, liv. IV, ch. Lxxvi ; Bellarmin, De Summo Pontifice, 1. I ; Suarez, Defensio fidei cathoUcae, 1. III, cap. X, § 22 et a3.

Parmi les modernes : Joseph de Maistre, Du Pape : Blanc de Saint-Bonnet, De l’Infaillibilité : Hergenrôther, L Eglise et l’Etat chrétien, iv* essai, Le Pape et les és’éques.

Gustave Xeyrox, S. J.


GRACE (FONDEMENTS SCRIPTURAIRES DE LA DOCTRINE DE LA).
I. Ancien Testament. — II. Evangiles synoptiques. — U. Epitres de saint Paul. — IV. Littérature johannine.

En abordant cette étude, il est nécessaire de préciser l’extension que nous croyons devoir donner au terme grâce. On accorde souvent à la grâce actuelle une importance qui s’explique, sans doute, par les grandes controverses historiques auxquelles ont donné lieu les différents problèmes s’y rattachant, principalement celui de sa conciliation avec la liberté humaine, mais qui paraît cependant disproportionnée à la place occupée par ce facteur dans l’économie générale du salut. L’élévation de l’homme à l’ordre surnaturel, voilà la grande, et en un sens, l’unique grâce ! La fin conditionne et détermine tous les autres cléments : si nous sommes destinés à la gloire, nous devons nous trouver dans la situation requise pour l’atteindre ; de là, la sanctification de notre nature, d’oi’i émanent à leur tour les forces surnaturelles d’action. En concevant ainsi cette doctrine, nous croyons être mieux placé pour mettre dans leur vrai jour la nature et le rôle de la grâce actuelle elle-même.

Notre exposé sera essentiellement positif. Nous avons en effet pour mission de montrer comment les grandes thèses de la théologie catholique relatives à la grâce s’appuient sur des fondements scripturaires solides ; nous n’avons pas à rechercher comment les conceptions bibliques elles-mêmes se sont élaborées, ni quelles influences ont pu s’exercer, ni quelle part revient strictement à la révélation divine : l’autorité doctrinale de la Bible est supposée. Toutefois, et ce résultat est appréciable au point de vue apologétique, le seul exposé méthodique des données scripturaires mettra en lumière la continuité de l’enseignement biblique à travers l’Ancien et le Nouveau Testament. Il y a progrès, sans doute, mais ce progrès apparaît comme un développement légitime, presque logique, sans heurt ni secousse. Les intuitions les plus profondes de S. Paul ou de S. Jean sur l’ordre surnaturel se rattachent intimement en réalité, et de l’aveu même de leurs auteurs, aux croyances religieuses d’Israël et à l’Evangile de Jésus. Nous sommes donc très loin de nous ranger aux côtés de ces critiques modernes qui proclament bien haiit la nécessité d’un retour au Jésus historique par delà les déformations pauliniennes et johannines. et prétendent expliquer ces déformations par les infiltrations helléniques et orientales dans le christianisme primitif.

Etant positif, notre exposé sera aussi par le fait même uniquement biblique, c’est-à-dire qu’il n’aura pas à se préoccuper des problèmes que pourraient susciter du point de vue philosophique ou psycholo-