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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE

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clercs ou la l’ont rendre en leur nom, sauf appel aux li’il>unaux romains ; ils uomnicnl à toutes les cliari ; es, le plus souvent sans que Kome y intervienne en rien. Four un fonctionnaire civil, nous verrions là une a< ; sez jolie mesure d’indi’pendance.

b) Les cliefs subordunnés su/il inamovibles (condiliaii essentielle d indépendance). — Les cvèques ne sont pas révocables à volonté comme les fonctionnaires de nos Etats modernes. Us reçoivent leur julidietion du Souverain Pontife, mais une fois installés, ils sont inamovibles, à moins que, par des raisons canoniques, ils ne puissent plus exercer leur pouvoii- ; mais dans ces cas mêmes, on doit leur faire un procès, et de tels procès s’appellent causes ma/eiires. Cette inamovibilité est d’une importance extrême comme principe de décentralisation. Taine l’a remarqué avec g^rande justesse : ce qui maintenait encore beaucoup de libertés particulières sous l’absolutisme de l’ancien régime, c’est que les nombreux fonctionnaires, étant pour la plupart prop- aires de leur charge, se trouvaient pratiquement inamovibles. Chacun d’eux « était bien plus indépendant » que de nos jours ; « il ne craignait point d’être révoqué ni transféré ailleurs, brusquement, à l’inq^roviste, sur un rapport de l’intendant, pour une raison politique, alin de faire place, comme aujourd’hui, au candidat d’un député ou à la créature d’un ministre ». {I.a Hévolution, III. Le Gouvernement révolutionnaire, 1. IV, ch. t, S !) Mais il ne lui a point échappé qu’au milieu de l’instabilité actuelle, le pouvoir ecclésiastique fait exception ; là du moins, on trouve encore lixitc et indépendance : n Dans la ville ou le département, le maire et les conseillers généraux, nommés ou élus pour un temps, n’ont qu’un crédit temporaire ; le préfet, le commandant militaire, le recteur, le trésorier général ne sont que des étrangers de passage. Depuis un siècle, la circonscriiition locale est un cadre extérieur où vivent ensemble des individus juxtaposés, mais non associés ; il n’y a plus entre eux de lien intime, durable et fort ; de l’ancienne province il ne reste qu’une population d’habitants, sous des fonctionnaires instables. Seul, l’évéque s’est maintenu intact et debout, dignitaire à vie, conducteur en titre et en fait, entrepreneur sédentaire et persévérant d’un grand service, général unique et commandant incontesté d’une milice spéciale qui, par conscience et profession, se serre autour de lui, et. chaque matin, attend de lui le mot d’ordre, b (Taine, Le Brgime moderne, 1., ch. ii, § 2.) Notons encore que, partout où l’Eglise est libre, elle assure à l’évéque une dotation territoriale, et fait ainsi de lui un grand propriétaire, avec toutes les habitudes d’indépendance attachées à cet état. Ainsi, recruté par une sélection sévère où les intrigues électorales et les passions d’en bas n’ont point de part, pouvant se réclamer des plus vénérables ori ; ^nes, lixé sur place et solidement enraciné au sol, l’épiscopat catholique présente tous les traits d’une véritable et très forte aristocratie, et donc d’un sérieux contrepoids à toute domination trop exclusive. La Papauté, qu’on accuse si volontiers d’absolu[ tisme, a toujours maintenu cette stabilité qui fait la force de l’institution épiscopale. Pour la voir compro-’aise, il faut regarder les Eglises séparées ; là encore, î’est l’Etat qui s’est montré centralisateur. Bossikt Je notait déjà à propos de l’Angleterre sous Sdouard VI : « La maxime qu’on avait établie dès le emps de Henri VIII, était que le roi tenait la place Ju pape en Angleterre. Mais on donnait à cette nouvelle papauté des prérogatives que le pape n’avait jamais prétendues. Les évéques prirent d’Edouard de louvelles commissions, révocables à la volonté du roi, comme Uenri l’avait déjà déclaré ; et on crut que

pour avancer la Kéformation, il fallait tenir les évoques sous le joug d’une puissance arbitraire. » (Bossuet, Histoire des Variations, 1. Vil, § yC.) A rencontre de ce despotisme niveleur, Pie IX et le concile du Vatican l’ont répété après S. Grégoire, le Pape n’a rien plus à cœur que de sauvegarder les droits et la puissance des premiers pastems : « Mon honneur, c’est l’honneur de l’Eglise universelle. Mon honneur, c’est la i)leine vigueur de l’autorité de mes frères. Je ne suis vraiment honoré que quand on rend à chacun d’eux l’honneur qui lui est dû. «  (Constitution Pastor aeternus, ch. m.) Pie X l’a bien montré récemment, en condamnant le laïcisme des associations cultuelles, et l’on a pu voir à cette occasion ce que peut pour défendre ses droits un épiscopat serré autour de son chef.

c) Les évéques se réunissent périodiquement en assemblée. — Autre force encore pour l’épiscopat : ses réunions fréquentes. L’Eglise y tient beaucoup ; ici encore, comme partout, elle tend à associer et à unir. Aussi les conciles provinciaux ont-ils toujours trouvé dans les Papes leurs plus énergiques promoteurs. Avec grande raison, après avoir cité une exhortation de Pie IX à ce sujet, le cardinal Pie ajoutai !  : » Réponse sans réplique à ces accusations téméraires d’accaparement de toutes les attributions et de tendance à une centralisation sans bornes, que quelques-uns n’ont pas craint d’élever en ces derniers temps contre l’Eglise romaine. Les conciles particuliers sont un élément et une garantie de liberté et de nationalité pour les diverses provinces du monde catholique ; plusieurs conciles œcuméniques leur ont attribué ce caractère. Or, loin que le chef de l’Eglise prenne ombrage de la tenue de ces Etats provinciaux, c’est lui-même qui en demande la reprise, qui en regrette l’abandon, qui en démontre les avantages. » {Œuvres, t. II, p. 412.) Et nous pouvons ajouter, en nous appuyant sur l’exemple du cardinal Pie lui-même, que les défenseurs les plus dévoués des prérogatives de l’Eglise mère, n’ont pas été les moins zélés pour la célébration des conciles provinciaux. Il reprenait d’ailleurs immédiatement pour mettre toutes choses au point : « Il est vrai, les décrets de ces conciles particuliers ne sont promulgués qu’après qu’ils ont été reconnus du Saint-Siège ; et l’esprit le moins exercé comprendra la sagesse de cette règle, qui. en maintenant dans une certaine limite la liberté et la variété au sein de l’Eglise, ne permet pas néanmoins que sa constitution monarchique dégénère en une simple agrégation de provinces fédérées. » ((bid.) Admirons ici encore la pondération parfaite du gouvernement de l’Eglise ; et pour compléter le spectacle par un contraste, rapprochons ce trait noté par ïaine dans l’œuvre de Napoléon :

« la suppression de tous les centres de ralliement

et d’entente ».

d) Pour la nomination des chefs, les droits du pouvoir central ont été en augmentant, mais en faisant toujours une place aux désignations locales. — Les évéques, autrefois nommés à l’élection, sont aujourd’hui, en dehors des pays de concordat, généralement désignés par le Pape ; encore un point important sur lequel le pouvoir central a élargi l’exercice de ses droits. Les abus des élections le justifiaient assez. On s’est bien gardé cependant d’établir une centralisation uniforme. La législation en cette matière est assez diverse suivant les régions, mais partout elle vise à éclairer les choix du Souverain Pontife par l’avis autorisé des représentants des églises locales. Ce système tempéré de nomination par en haut après consultations diverses, excitait à juste litre l’admiration d’A. Comte, grand décentralisateur pourtant :

Tome H.

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