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GNOSE

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Telles étaient les aiilorités. L’enseignement se répandait de |)i<)oIic en lu’oclie, et aboutissait à la formation de petits jjroupes d’initiés, ([ui, en général, s’efTorçaient d’abord de combiner leurs doctrines secrètes avec la vie religieuse ordinaire des communautés cliréticnnes. Mais ils étaient vite reconnus et formaient alors des associations autonomes, où ils avaient toute liberté pour développer leurs systèmes, graduer leurs initiations et célébrer leurs rites mystérieux. Le culte extérieur avait toujours pour eux beaucoup d’importance. Parler aux sens, exciter l’imagination, c’était un de leurs grands moyens. Us ne se refusaient pas l’emploi de termes exotiques, de mots hébreux répétés ou prononcés à rebours et de tout l’appareil des sortilèges. Avec cela ils agissaient sur les esprits faibles ou inquiets, avides de science occulte, d’initiations, de mystères, sur la clientèle de l’orpliisme et des cultes orientaux.

Les trois écoles de Valentin, de Basilide et de Carpocrate paraissent, les deux premières surtout, avoir eu un grand succès dans leur pays d’origine. Clément d’Alexandrie jiarle très souvent de Basilide et de Valentin ; il avaitbeaucoup étudié leur livres. En dehors de l’Egypte, la secte basilidienne n’eut [las autant de vogïie que celle de Valentin. Celui-ci se transporta de bonne heure à Rome, où il fit un long séjour (luBX. III, 4, 2), sous les évéqnes Hygin, Pie et Anicet. D’après ce qu’en dit Tertullien (Præscr., 30), il y vécut d’abord parmi les lidèles, jusqu’au moment où sa curiosité dangereuse et sa propagande le tirent exclure, d’abord provisoirement, puis définitivement de la communauté chrétienne. Cet événement n’empêcha pas la secte de Valentin de se répandre un peu partout. Au temps de Terlullien, le collège » des Valentiniens était la plus en vogue de toutes les associations hérétiques. La doctrine du maître s’y maintenait, mais avec quehjues bigarrures, qui donnèrent lieu à diverses écoles. Les maîtres les plus célèbres, Héraclcon, Ptoléniée, Marc, Théodote, nous sont connus par saint Irénée et Clément d’Alexandrie. Carpocrate, lui aussi, ou du moins son hérésie, aborda le théâtre romain. Sous le pape Anicet (vers 155)une femme de cette secte, appelée Marcellina, vint à Rome et recruta beaucoup d’adhérents.

IV. Marcion. — Pendant que les charlatans de Syrie propageaient la gnose orientale, avec sa magie, ses éons aux noms étranges et son clinquant sémitique ; pendant que de raffinés docteurs habillaient ces drôleries en style philosophique et les ajustaient au goût alexandrin ; pendant que les uns et les autres n aboutissaient qu’à fonder des loges d’initiés de haut ou de bas étage, il se trouva un homme qui entreprit de dégager de tout ce fatras quelques idées simples, en rapport avec les préoccupations du commun des âmes, de fonder là-dessus une religion, religion chrétienne mais nouvelle, antijuive et dualiste, et de lui donner comme expression, non plus une confrérie secrète, mais une église. Cet homme, c’est Marcion, de la ville de Sinope, port renommé sur le Pont-Euxin. Il vint à Rome, vers l’année i^o, et, dans les premiers temps, se mêla aux fidèles de l’Eglise.

Marcion arrivait au dualisme, tout comme les Gnostiques, mais en partant de principes très différents. Il ne s’embarrassait ni de métaphysique ni do cosmologie ; il ne cherchait pas à combler i)ar une végétation d’éons la distance entre l’infini et le fini, ni à découvrir par quelle catastrophe arrivée dans la sphère de l’idéal s’expliquait le désordre du monde sensible.

Le Rédempteur, à ses yeux, est une apparition du Dieu véritable et bon. Il sauve les hommes par la

révélation de Celui dont il procède et par l’œuvre de la Croix. Cependant, comme il ne peut rien devoir au Créateur, il n’a eu qu’une apparence d’humanité. En l’an 15 de Tibère, il se rendit visible dans la synagogue de Capharnaiim. Jésus n’a eu ni naissance, ni croissance, pas même en apparence ; l’apparence ne commence qu’à la prédication et se poursuit dans le reste de l’histoire évangélique, y compris la Passion.

Les hommes ne seront pas tous sauvés, mais seulement une i>artie d’entre eux. Leur devoir est de vivre dans la plus stricte ascèse, tant pour le boire et le manger que pour les rapports sexuels ; le mariage est proscrit. Le baptême ne peut être accordé aux gens mariés que s’ils se séparent.

Marcion finit par se convaincre que l’Eglise romaine ne le suivrait pas dans son paulinisme extravagant. La rupture eut lieu en 144- Une communauté marcionite s’organisa aussitôt à Rome et ne tarda pas à prospérer. Ce fut l’origine d’un vaste mouvement, qui, par une propagande active, se répandit en très peu de temps dans la chrétienté tout entière.

L’enseignement de Marcion ne se réclamait ni de traditions secrètes, ni d’inspirations ]irophétiques. Il ne cherchait nullement à s’arranger avec l’Ancien Testament. Son exégèse était littéraliste, sans allégorisme aucun. De là résultait la répudiation complète de l’ancienne Bible. De la nouvelle, ou plutôt de l’ensemble des écrits apostoliques, saint Paul seul était conservé, avec le troisième évangile. Encore le recueil des lettres de saint Paul ne comprenait-il pas les Pastorales, et, dans les dix lettres admises, comme dans le texte de saint Luc, y avait-il des coupures. Les apôtres galiléens étaient censés n’avoir que très imparfaitement compris l’Evangile : ils avaient eu le tort de considérer Jésus comme l’envoyé du Créateur. Aussi le Seigneur avait-il suscité saint Paul pour rectifier leur enseignement. Même dans les lettres de Paul il y avait des endroits favorables au Créateur ; ce ne pouvaient être que des interpolations.

A ce Xouveau Testament ainsi réduit s’ajouta bientôt le livre des Antithèses, œuvre du fondateur de la secte. Ce n’était qu’un recueil d’oppositions entre l’Ancien Testament et l’Evangile, entre le Dieu bon et le Créateur. Ces li>res sacrés étaient communs à toutes les églises marcioniles, comme la vénération pour Maroion et la pratique de sa morale rigoriste.

V. L’Eglise et la Gnose. — L’accueil fait à toutes ces doctrines par les communautés chrétiennes ne pouvait être favorable. La solidarité des deux Testaments, la réalité de l’histoire évangélique. l’autorité de la morale commune, étaient choses trop solidement ancrées dans la tradition et dans l’éducation religieuse pour qu’il fût aisé de les ébranler. On ne voit pas qu’aucune église, dans son ensemble, se soit laisse séduire. Ce n’est pas que les chefs de secte ne s’y essayassent. A Rome surtout, point particulièrement important, divers efforts furent tentés, dit-on, par Valentin, Cerdon et Marcion, pour s’emparer de la direction de l’Eglise. Vers la fin du 11’siècle, on rencontre encore un gnostique, Elorivus, parmi les prêtres romains en exercice (Irénée, dans Eusèbe, V, 15, 20. Ses opinions connues, Florinus, naturellement, fut destitué). L’attitude d’HERMAS est très intéressante. Il insiste énergiquement sur la divinité du Créateur (Mand., i). Tout aussi rigoureusement il proclame la solidarité de l’àræ dans les œuvres de la chair (Sim., v, 7, 2). Avec ces deux recommandations, Ilermas met sou monde en garde contre le danger théologique et contre le danger moral, le dualisme et le libertinismc. En d’autres endroits, il esquisse des portraits d’hérétiques, tant des prédica-