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GENÈSE

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Ions des souvenirs primitifs est, en totalité ou à peu près, le produit de l’imagination, et qu’il n’en est pas autrement de la tradition primitive liébraique. La conclusion n’est pas légitime : la présence d’une part plus ou moins grande do fable dans une tradition ne prouve pas que celle-ci ne renferme rien d’historique ; et surtout une tradition reconnue historique ne perd pas sa valeur parce qu’il existe à côte d’elle, sur les mêmes sujets, une tradition plus ou moins mêlée de fable. Un exemple, de vérilication facile, rendra l’erreur logique sensible. Cbarlemagne fut certes un personnage bien réel ; sa vie et ses vrais gestes sont largement connus par des documents liistoriques, mais, d’autre part, il est devenu, dans les chansons de geste du moyen âge, un héros d’épopée, en grande partie légendaire : son historicité en est-elle atteinte, et les récits d’Eginhard, par exemple, sont-ils annulés par les inventions poétiques de la Chanson de Roland ?

Les Il traditions des peuples » aident donc à comprendre comment les événements i)rincipaux de riiistoire primitive ont pu se conserver dans le souvenir. En même temps, l’immense supériorité, intellectuelle et morale, que possède la Genèse sur les autres dérives de la tradition commune, témoigne que celle-ci a dû trouver pour sa conservation, chez le peuple hébreu, des conditions exceptionnelles qui n’ont pu être d’un ordre i)urement naturel et humain. Peu importe qu’Israël soit, comme peuple, un des plus jeunes. Prédestiné dès l’origine du monde à cette mission exceptionnelle, de conserver les révélations de Dieii et les promesses du salut pour le genre humain, il a trouvé, pour ainsi dire, dans son berceau ce trésor depuis longtemps gardé pour lui par la Providence.

L’instrument de cette transmission privilégiée a été surtout la lignée des patriarches, allant d’Adam par Seth aux Abrahamides, et dont nous voyons la généalogie si soigneusement enregistrée dans la Genèse (v, xi). L’auteur sacré laisse clairement entendre que cette lignée n’a jamais perdu la connaissance du vrai Dieu et qu’en échange du culte qu’elle n’a cessé de lui rendre, elle a continué d’être favorisée de ses communications familières. Si la tradition primitive avait ])U s’altérer même parmi les descendants des patriarches, elle aurait été préservée et, au besoin, restaurée grâce à ces communications. Il n’est donc pas si malaisé de comprendre qu’elle ait pu parvenir jusqu’à Moïse sans altération essentielle, en dépit des milliers d’années qu’elle a dîi traverser.

En tout cas, ce que la tradition n’a pu apprendre à l’auteur de la Genèse, l’inspiration divine, qui l’a guidé dans la composition de son ivuvre, le lui a certainement appris : cette solution, où la critique ne peut rien montrer qui répugne à la raison, sui)plée, autant qu’il est besoin, au défaut de toute autre.

Objections particulières. Histoire de la création (Gen., i-ii, 4)- — Le récit de l’origine des choses, qui forme le premier chapitre de la Bible, a été le sujet d’innombrables dissertations, delà part et des adversaires et des défenseurs du saint Livre. On a fait surtout entrer en ligne, soit pour l’attaque, soit par l’apologie, les découvertes des sciences naturelles, spécialement de la géologie et de la paléontologie. Objections et réi)onses ont suivi le ? lUutuations de ces sciences, et les unes et les autres, par suite, sont, en grande i)artie, trop démodées pour mériter une mention. Les dlllicultcs principales, jusqu’à ce jour, portaient, d’abord, sur l’ordre de succession des créations partielles assignées aux six jours de la Genèse. On a critiqué l’apparition du soleil au 4’jour

seulement, après que les plantes ont été créées au 3", quoiqu’elles aient besoin du soleil pour vivre. De même i)our la production des oiseaux au 5’jour, et des reptiles, « de tout ce qui rampe sur la terre », au C alors que la paléontologie trouve, dans les couches à fossiles, les rei)tiles bien avantles oiseaux. Ensuite, on a prétendu que la formation du globe et la création de toutes les espèces vivantes, dans le court espace de six jours, était en contradiction flagrante avec la science, qui réclame des milliers de siècles pour expliquer les stratiûcations successives qu’elle a constatées dans l’écorce terrestre et les nombreuses llores et faunes, aujourd’hui éteintes, qu’elle y a découvertes. Enlin la science ne peut pas davantage admettre que, comme l’écrivain sacré paraît laffirmer, tous les végétaux aient été créés ensemble, le même jour, el seudjlablement les animaux des eaux, tous les oiseaux, puis les animaux terrestres ; car il est certain que, dans tous les règnes des êtres A ivants, les espèces ont apparu successivement, suivant une loi de jirogrès, les moins parfaites d’abord et ensuite les autres, de plus en plus parfaites.

De savants commentaires ont été publiés, pour montrer, à l’encontre de ces objections, que la cosmogonie biblique ne contredit pas les résultats certains de la science moderne. Quoique ces essais to7(co ; rfis<< ; 5 n’aient pas perdu toute valeur, il nous semble que l’exégèse et l’apologétique tendent à y renoncer, et non sans raison. Pour répondre aux dillicultés scientifiques, il sullit en elfet d’appliquer un principe d’exégèse, depuis longtemps bien autorisé dans la tradition catholique. C’est celui que Léon XIII, dans l’encyclique l’roi’idenlissimiis Béas, a rappelé en ces termes : « Les écrivains sacrés ou, pour mieux dire, l’Esprit de Dieu, qui parlait par leur organe, n’a pas voulu enseigner aux hommes ces choses (à savoir, la constitution intinu’dvi monde visible), qui ne sont d’aucune utilité pour le salut (S. Augustin). Par suite, peu préoccupés de pénétrer les secrets de la nature, ils décrivent et expriment quelquefois les choses, ou avec des métaphores, ou selon le langage usuel de leur temps, analogue à celui qui a cours aujourd’hui dans la vie ordinaire, pour beavicoup de choses, même entre les houimes les plus instruits. Or, dans le discours vulgaire, on énonce d’abord et directement ce qui tombe sous les sens : de même donc l’écrivain sacré (cette remar<|ue est du Docteur angélique) « a parlésuivantlesapparences sensibles ». C’est-à-dire que Dieu lui-même, voulant parler aux hommes et se mettre à leur portée, s’est exprimé d’après l’usage humain. »

Nous trouvons l’application du même principe dans la ^>-’réponse de la Commission biblique. Elle nous y avertit que, dans l’interprétation du premier chapitre tie la Genèse, « ou ne doit pas toujours rechercher exactement la propriété du langage scientifique », parce que « dans la rédaction de ce chapitre, l’auteur sacré ne s’est pas proposé d’enseigner scientidquemcnt la constitution intime des choses visibles et l’ordre complet de la création, mais plutôt de donner à ses nationaux une connaissance populaire, suivant f (pic le couq)ortait le langage vulgaire de l’époque, et adaptée aux idées et à la capacité intellectuelle i, des contemporains >'.

En conséquence, on doit le prévoir, l’historien inspiré de la création afiirmera clairement que toutes choses ont été produites i)ar Dieu, car c’est la doctrine nécessaire au salut qu’il veut inculquer ; mais il ne faut pas s’attendre à ce (jn’il expose d’une manière scientifique le comment de cette production. On peut être sûr. au contraire, qu’il ne se préoccupera que de rendre le fait sensible aux siuiples intelligences de ses contemporains.