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24’GALLICANISME

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sion propice pour attaquer lePlantagenet (printemps 1 188). Pape, légat’ ; , clercs, croises protestent en vain : la guerre Jure tant ([uc Philippe a des ressources. Il conclut le 8 novemlire la trêve de Bonnioulin. Le légat veut la faire proroger. Philippe refuse ; aux menaces d’interdit du royaume, il répond : n II n’appartient pas à l’Eglise romaine de porter aucune censure. .. quand leroi réprime ses vassaux rebelles… le légat a ilairé les sterlings anglais… je ne crains pas votre sentence, parce qu’elle est injuste. »

Philippe n’est pas plus souple dans l’affaire, pourtant morale et religieuse, de son mariage avec Ingehurge de Danemark (iigS). Les évêques avaient été déplorablen.enl faibles, les papes furent plus fermes. Mais le roi ne céda i|u’après vingt ans(i 213), quand il eut besoindes vaisseaux ilanoisetdel’uppui d’Innocent III pour réaliser son rêve de conquérir l’Angleterre.

Dans la question du schisme impérial, le roi de France garda toute son indépendance. A cette occasion, le roi et le pape firent des déclarations doctrinales qui marquent dans l’histoire du gallicanisme. I.VNOCF.NT III soutenait Othon de Hrunswick, neveu de Jean sans Terre. Pour mettre le roi d’Angleterre en état de l’aider, le pape essaie d’apaiser les différends anglo-français. En son nom, l’abbé de Casamario signifie aux belligérants d’avoir à cesser, sous peine d’anathéme, une guerre nuisible aux intérêts de la croisade projetée (1203). Philippe réplique qu’H en matière féodale, il n’a pas d’ordre à recevoir du S.-Siége. Le pape n’a pas à se mêler des affaires qui s’agitent entre les rois ».’(P. /,., CCXV, 177.) Innocent rectifie aussitôt : a Si le pape n’a pas le droit d’intervenir en matière féodale, au moins sa juridiction s’impose-t-elle ratione peccati. » Distinction célèbre sur laquelle s’appuie toute la théorie du pouvoir indirect. Philippe ne la discuta point, mais lit prendre à ses barons l’engagement de le soutenir : u Si le pape, disent-ils, voulait entraver les projets du roi, nous lui avons promis, comme à notre seigneur, sur les fiefs que nous tenons de lui, que nous lui prêterons secours selon notre pouvoir et ne ferons aucune paix avec le pape que p.ir son entremise et avec son consentement (Archnes nat., J 6a8). Les mêmes barons en voulaient du reste à toute jviridiction ecclésiastique : ils obtiennent du roi, à cette date, une ordonnance fixant les compétences sur divers points contestes : juridiction sur les veuves, compétence en matière de douaires, de serment ; et réglant la dégradation de clercs. Un peu plus tard cependant, Philippe- Auguste conserve aux cours spirituelles les actions dirigées contre les croisés, sauf en cas de crime grave. Le pape accepte cette restriction.

Ainsi ce roi, dévot à la manière de l’époque, qui, avant de partir en guerre « prie et pleure 1 sur le pavé de S.-Denis, suit avec « des soupirs et des larmes » les processions fciites pour arrêter les inondations de la Seine, enrichit et protège les églises, est le même qui repousse avec persévérance, et au nom d’un principe, l’ingérence de l’Eglise dans ses affaires temporelles : il est gallican.

La conception unitaire carolingienne est désormais brisée, l’unité qui n’est plus dans le tout se fait plus forte dans chacune des parties séparées.

i) LoLis VIII continue la politique de son père : de son vivant, n’avait-il pas bravé les anatlicmes d’Innocent 111. pour entreprendre la conquête de l’Angleterre, bien qu’elle fût récemment devenue terre vassale du S.-Siége’.' En 1225, ses barons se plaignent que l’Eglise ait attiré à son for certaines causes mobilières des laïcs : avec Pierre Mauclkbc, ils mettent en œuvre ces fameuses ligues de défense mutuelle contre les

censures, que les papes ne cessent de réprouver et que les peuples, toujours partisans de la justice indulgente de l’Eglise, ont en horreur.

La querelle continuera pendant tout le règne de S. Loiis : les statutarii, comme on les appelle, s’entendent pour refuser au clergé l’usage des moulins, des fours et des fontaines, Xs mettent en prison les notaires des ollicialités, répondent aux excommunications en saisissant le temporel des églises. Les clercs se défendent par des contre-ligues. Papes et conciles font dénoncer au peuple chaque dimanche, cierges allumés et au son des cloches, les excès des barons ; leurs lils sont déclarés inhabiles à tout bénéliee ecclésiastique. Les baillis du roi saint Louis prennent pres<iue partout le parti des seigneurs. Les souverains jiontifes s’en plaignent. S. Louis ne refuse pas au pape son appui contre les ligueurs.

Cependant, il lit preuve d’une ferme indépendance dans son gouvernement. « Il ne doit y avoir qu’un roi en France, avait-il dit à son frère Charles d’Anjou, et ne croyez pas, parce que vous êtes mon frère, que je vous épargnerai contre droite justice. » Il aurait dit volontiers la même parole aux évêques et au pape. Guy. évêque d’AuxEURE, lui demande — et c’était canonique — d’obliger les excommuniés à se faire absoudre : « Je voudrais d’abord être sur, répond le roi, qu’ils sont excommuniés à bon droit. » (JoiNviLLE, éd. Xatalis de Wailly, c. cxxxv, p. 451402.) Trois circonstances de son règne sont à signaler à cet égard : l’affaire de deux archevêques de Rouen, successivement frappés par lui, celle de Beauvais, où le roi dédaigne les interdits lancés par l’évêque de cette ville et l’archevêque de Reims, enfin l’aU’aire du chaptire de Paris.

On a vil plus haut (Gallitanisme ecclésiastique^ que le Clergé commençait dès lors à se jdaindre de la fiscalité pontificale. Louis IX appuie ses réclamations. A la Un de son règne, Clkment IV inaugure la pratiqvie qui va mettre aux prises toutes les puissances ayant intérêt à demeurer maîtresses des clercs en s’assurant la distribution des bénéfices : il décrète la réserve des liénélices et charges vacant in curia {Se.tt. Décret., lii, tit. IV, c. 2) S. Louis ne s’incline pas sans réserve devant cette décision. Quand sa nomination vient en concurrence de la nomination papale.il lutte pour faire prévaloir son candidat. Dans le conflit de la papauté avec l’Empire, il se tient sur la réserve : quand Innocknt IV, après avoir déposé Frédéric II, exciuuniunie quiconc|ue lui donnera encore les titres de roi et d’empereur, S. Louis ne cesse pas de les lui attribuer dans ses lettres (HriLLAun Bréholles, Hist. Diploni. Frederici II. t. VI, 501 sq.).

Le règne de son lils Philippe le Hardi est marqué par une réaction plus accentuée contre l’extension de la juridiction ecclésiastique : une ordonnance de 127 ! conserve au roi, là où la coutume est en sa laveur, le jugement des clercs homicides et maintient les droits de la justice séculière sur les causes immobilières. Une autre (1278) prescrit aux sénéchaux du Midi d’arrêter les clercs porteurs d’armes. En 1279, le Parlement de Paris inaugure une procédure que Philippe le Bel utilisera souvent : il ordonne aux baillis de saisir le temporel de l’Eglise lorsque lii cour ecclésiastique aura outrepassé sa compétence : c’est déjà la sanction du futur appel comme d’abus.

5).Sous Philippe le Bel, le gallicanisme politique franchit l’étape décisive : la lutte avec Boniiwc.e VIll fait saillir les principes depuis longtemps ébauchés ; les légistes constituent la doctrine et la vulgarisent. Jean de Paris, N’ogauet, Pierre Flote, Piehre Dubois et les auteurs anonymes de plusieurs factums célèbres travaillent à l’envi à dégager la royauté