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GALLICANISME

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ses eni[)iétpinenls continus : le droit parlementaire unira jiar l’eniporlcr sur le droit canoniciue.

Dans l’élceliou des évcques et des al)l)és, Louis VI a maintenu les traditions de ses prédécesseurs. Il est juste de noter que, si Philippe h fut convaincu de simonie, Louis le Gros ne paraît pas avoirdonné prise à cette accusation. Cependant, ila ses candidats préférés et il les soutient énergiquemcnt. En iioi, dans l’cleclion épiscopale de lîeauvais, il réussit à évincer le candidat du pape. Galon (llislurien de la Fr., XV, I2y). En 1112, il transfère, même sans élection, le sièye de Laon à Hu^ue, doyen de Sainle-Croix d’Orléans. Ces tendances étaient opposées aux idées de la papauté réformatrice. Aussi voyons-nous ce roi, sincèrement pieux, lutter vigoureusement contre les principaux chefs du mouvement réformiste en France, notamment contre Yves ue Chartres, Hildebkht db Lavardin, archevêque de Tours ; Etienne de Sknlis, évèqiie de Paris ; Henri S.

glier, archevêque de Sens.

Cela faisait dire à saint Bernaro, dans un moment d’indignation : « Peut-on douter qu’il veuille attaquer et détruire la religion, qu’il appelle ouvertement la destructrice de son royaume et l’ennemie de sa couronne ? » (flisloriens de ta Fr., XV, 51îg.)

Paroles plus éloquentes que véridiques. Sous Louis VI, la France a été étroitement alliée à la papauté. Tandis que celle-ci poursuit avec Aprcté la lutte contre l’empire allemand représenté par Henri V, les jiapes trouvent dans le territoire français un aliri.et dans le roi un protecteur contre la fureur des impériaux. Cette conduite était, du reste, la plus conforme aux intérêts de la France.

Toutefois, l’intimité entre les deux pouvoirs ne fut jias sans ombrage. Le souci de ses intérêts politiques les plus prochains amena plusieurs fois Louis le Gros à des menaces de rupture. En 11 13, à propos de la division de i’évêché de Tournai, qui avait i)our effet de soustraire le nouveau diocèse à son intluence, il travailla aelivenient à faire revenir le pape sur sa décision. Yves de Chartres, lui-même, au courant des dispositions du roi, se crut oblige d’intervenir auprès de Pascal II : « Le roi de France, écrit-il. est un homme simple, dévoué à l’Eglise et plein de bienveillance pourle siège apostolique. N’allezpoint troubler la paix qui règne entre ousetne laissezpoint diminuer la sincère affection qvii vous l’attache. Votre paternité n’ignore pas que lorsque la royauté et le sacerdoce sont d’accord, tout va bien — mais que, s’ilssontdésunis, rien ne prospère et tout s’écroule. » (/fislorieiisdela Fr., XV, 160-161.) Pascal II lesavait. Il se le tint pour dit.

Calixte II conlirma cette concession. Comme ses lirédécesseurs, il fait de laFrance son principal appui contre l’empire. Toutefois, la bienveillance pontificale n’endormait pas les susceptibilités de Louis le Gros. Elles éclatèrent avec vivacité à propos de la priiuatie dcLyon : Il J’aimerais mieuxvoir mon royaume incendié et moi-même vouéàla mort que de subir l’alTront de l’assujettissement de l’Eglise de Sens à l’Eglise de Ljon… Le roi de France est le propre fils de l’Eglise romaine ; mais si on lui intlige un affront pour une affaire de peu d’imiiortance, il aura raison de croire qu’on est décidé à ne lui rien accorder dans les circonstances graves, et il ne s’exposera pas à subir un nouvel échec. » (IIi.’<loriens de la Fr., XV, 33g-340.) Calixtell n’insista i)as.

Le pontificat d’IIoxoRics II ne fut marqué, dans >cs rapports avec la France, par aucun incident grave. Innocent II, qui traita certaines affaires ecclésiastiques de France avec indépendance, notamment le procès relatif à la prébende de Saint-Mellon de Pontoisc, mécontenta le roi de France. Louis le lui lit sentir : quand le pape réunit le concile de Pise, en

1135, le roi s’opposa au départ de ses nationaux. Il y eut des protestations, surtout de la part de saint Bernard. On ignore comment le conflit se termina.

Telles furent les vicissitudes curieuses de la politique religieuse de Louis VI. Elles nous font saisir, sur le vif, les elTorls de la monarcliie qui se réveille, pour asseoir sa domination sir l’Eglise, efforts incohérents parce que le roi n’obéit cju’aux intérêts de’son pouvoir et non à une doctrine arrêtée, et parce que sa foi sincère a de la peine à s’habituer aux inconséquences religieuses qui découlent de l’indépendance gallicane. Mais la doctrine viendra justifier les actes et coordonner leurs significations éparses,

— et la foi des princes saura mettre une cloison élanche entre ses exigences et celles de la politique. A ce point de vue, le règne de Louis le Gros marque une étape importante dans l’évolution du gallicanisme capétien : une étape de transition.

3) Philippe-Auguste. — Comme il arrive ordinairement dans les doctrines composites, qui se forment d’additions successives et qui échappent aux lois du développement organique, les hommes eurent plus d’infiuence que la logique sur l’évolution du gallicanisme politique. C’est pourquoi la politique religieuse de Louis VII semble plutôt continuer celle de Robert le Pieux que celle de son père. En revanche, Philippe-Auguste, en même temps qu’il fonde l’unité territoriale de la France, donne à la politique gallicane une iuqnilsion décisive.

Il est le premier des Capétiens qui déclare nettement au pontife, à plusieurs reprises, qu’il entend être le maître unique dans les affaires de son royaume. Il réalise la théorie chère aux légistes, qui offre une adaptation nouvelle de l’idée impériale, et d’après laquelle « le roi de France est enqiereur dans son royaume ».Les souverains allemands et le roi d’Angleterre l’avaient précédé dans cette voie. Jamais l’Eglise n’avait aussi profondément qu’alors pénétré toute la vie de l’Europe : à l’intérieur des royaumes, sa juridiction s’étendait à presque tous les actes de la vie sociale, sa procédure, en avance sur la procédure civile, faisait préférer ses tribunaux aux justices séculières : les marchands surtout y accouraient. A l’extérieur, le pape, suzerain véritable de plusieurs rois, avait ailleurs une autorité mal définie, mais réelle, partout chef de croisade, i)artout juge suprême.,. Mais alors aussi, se dessinait partout le conflit entre cette institution universelle et les jeunes nationalités égoïstes. En même temps Arnaud deBkescia — et aprèslui les Vaudois — représentaient un courant d’idées hostiles à toute suzeraineté et même à toute propriété ecclésiastique ; en Italie, le droit romain, partiellement retrouvé et enseigné à Bologne en concurrence avecledroit canonique, exaltait le pouvoir des princes. B.rberousse, d’accord avec ses barons et ses évêques, avait déjà proclamé l’absolue indépendance de sa propre couronne. A la diète de Roncaglia, l’arclievêque de Milan rappelle en faveur de l’empereur l’adage ancien : Quidquid principi placuil, legishahct yigorcm. En Angleterre, Henri II Plant.genet fonde un gouvernement centralisé et appuie cette nouveauté sur de prétendues

« anciennes coutumes du royaume >< (déjà !) : les

clercs criminels sont envoyés devant les tribunaux laïcs, l’interdit des terres et l’excommunication des assaux anglais sont soumis au placct royal, l’immunité ecclésiastique a son martyr : Thomas Becket. Le gallicanisme — plus modéré — de Philippe-Auguste était dans le courant général de l’Europe.

A[>rèslaprisede JérusalemparSaladin(30ct. 1 187), Clément III fait prêcher une croisade : tous les princes font accueil à cette idée : Philippe trouve l’occa-