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GALLICANISME

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Francs laisse inviolal)leir.enl à S. Pierre lepatrieiat effectif que Pépin lui a cnlièrement cnncédé et que lui-même Charleniagne a largement confirmé. » {Codex CaroL, 83, 85, 94.)

2) La mort d’Hadrien, l’avènement de Lkon III, la renommée yrandissanle de Charleniagne, le discrédit de la cour byzantine, la marche des événements et des idées, amenèrent le roi des Francs à ceindre la couronne impériale. Sa mission religieuse s’en trouva élargie. L’empire romain finissant avait légué aux imaginations du moyen âge un souvenir profond, de plus en plus dégagé de ses limitations passées, et idéalisé pav la légende : l’idée delà monarchie universelle (S.vr.MULLEB. Die idée i’Oh der Kirche ah iiiiperiuni romanum in kciiuitiischen Rechi dans Tlieologische Qiturtatschrift LXXX, p. 50)..u temps de Cliarlemagne, on crut sincèrement assister à une rénovation de l’empire romain. La confusion des idées p<di(iques et religieuses, le défaut de sens historique qui est resté une des caractéristiques du moyen âge, la fermentation des légendes impériales, firent attribuer au nouvel Auguste une puissance religieuse illimitée, assez voisine de celle des Césars païens. Cette conception était fortifiée par des traditions vénérables. Quand l’empire s’était cliristianisé, on avait cessé d’offrir de l’encens à 1 empereur, mais il était resté un jiersonnage sacré. Les papes le saluaient avec respect et ils estimaient son existence nécessaire (Grf.g. Magx., Epistol., Vil, XXVII, P. L., LXXVII, 883). Pour eux, le pouvoir impérial avait une origine divine : divins étaient les ordres des empereurs, sacrées leurs lettres (l.ihei- ponlificalis, Vitalianus ; Agalho, 2, 3 ; Benedictus, 11, 3 ; Cono, 3 ; éd. Duchesne). Ils regardaient comme un devoir d’affermir la suprématie impériale (OnEG.MAGN., Ep., IX, xliii, P. /,., LXXVII, y ; 5). Car la première obligation de l’empereur était de travailler à la conservation de la foi, maintenue sans tache dans la ville de Rome par les successeurs des apôtres. Et pour la faire régner dans tout l’empire, il devait la protéger contre les hérésies avec une incessante vigilance (Orbg. M.’IGN., Epist., VI, Lxv, ib., 849). Les contemporains du nouvel empereur étaient pénétrés de ces souvenirs qu’ils marquaient de leur naïve empreinte, et la faveur populaire s’était attachée au nom des empereurs qui avaient le pbis contribué à sauver l’orthodoxie, Constantin, Marcien, Valentinien, Thcodose, à côté desquels on plaçait Cliarlemagne.

Celui-ci étaitconvaincu d’avoir reçu l’héritage des Césars. Dans ses actes officiels, il s’intitule : « Enrôlas, sereiiissimtis Angiistiis, a Dco coronatus, mngniis, paci ficus imperator, romnnum giihcrnans imperiiim, et per misericordium Dei lex Framorum atque Lungot /urdonim. » (Boretius et Krause. fnpitulariii…, 1. 1, 126, 168, 169, 170, etc.) Dans les lettres qu’on lui adresse, il est comparé à Titus « le très-noble prince » (Alcuini Epistol., cil, P. /.., C, 398). L’empire a un caractère sacrée ! Charles se confond avec lui. Il est « le phare de l’Europe j>. Sa piété, brillante comme les rayons du soleil >', l’a désigné au choix de Jésus-Christ pour qu’ilcommandàt la troupe sacrée des chrétiens, ])our <|u’il devint « le remparl de la foi orthodoxe ». En faisant du baptême le lieu jjrincipal des nations si diverses qu’il a ait conquises, Cliarlemagne a contribué plus que personne à l’établissement de la chrétienté du moyen âge. Mais, avant ipie la papauté en devienne la tête, Cliarlemagne parait le véritable chef de cette unité mystique qui est l’œuvre de sa foi, de sa politique et de ses armes.

Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir extraor dinaire, il ne sut pas distinguer entre les affaires civiles, politiques et religieuses. Aux temiis mérovingiens, ces divers domaines étaient assez peu différenciés ; sous Gharlemagne, ils sont presque enticrenient confondus. Il veut « gouverner en tout les Eglises de Dieu et les proléger contre les méchants >. Il prétend « défendre par les armes partout à l’extérieur la sainte Eglise du Christ et la fortifier à l’intérieur dans la connaissance de la fui catholique » (Epistol. Carol., x). La profondeur de son sens religieux lui évita les erreurs irréparables et lui concilia la confiance universelle ; mais il a été trop porté par les idées courantes à identilier en sa personne l’idée do l’Eglise aussi bien que celle de l’empire. C’est par là qu’il a réalisé un des caractères païens de la souveraineté, que nous retrouverons identique dans le « droit divin » des rois, c’est-à-dire dans la prétention du prince à être, en son territoire, le chef de la société politique et religieuse et à ne relever, dans l’exercice de ses fonctions, que de Dieu seul. C’est par là aussi que, dans une société tourmentée par le besoin d’unité, il a acquis un prestige inouï, qui est allé grandissant, àmesure que s’est développée sa légende, et que les divisions et les troubles ultérieurs rendaient plus poétique l’image de l’unité perdue. Ce prestige a excité et favorisé plus tard les prétentions capétiennes.

3) Cliarlemagne n’eut pas de continuateurs capables de maintenir son œuvre. Pourtant le grand empereur s’en était préparé nn. En 81 3. à Aix-la-Chaïu-lle en pleine Francie, il couronnalui-mèiiicsonlils. Celuici, de la même manière, s’associa son fils Lothaire. L’empire tendait à devenir une dignité franque. Louis LK DÉBONXAinB, appuyé sur les survivants de la cour lettrée de son père, essaya de conserver la situation acquise. La force lui manqua. Elle manqua à son fils Lothaire. Alors le groupe des ailiiiiraleurs du grand empereur, dont Wala était l’àiiie, se tourna vers Rome. La consécration rimiaine pouvait seule rétablir le prestige de la dignité impériale et sauver, de l’institution compromise, ce qui pouvait être conservé. Cette phase d’histoire constitutionnelle révèle une transformation capitale : le centre de l’unité se déplace, il n’est plus en France, comme l’avait rêvé le premier em|icreiir, mais à Rome, et tandis que la maison carolingienne s’affaiblit et s’effrite, c’est l’Eglise, c’est surtout la papauté qui. à défaut de l’autorité laïque chancelante, veille au maintien de la concorde et, au nom de ses principes propres, maintient, vaille que vaille, l’unité politique de la Chrétienté occidentale.

Alors se dégage la subordination de l’Empire à l’Eglise, iiiipliquée parle sacre. Déjà en 829, 1e concile de Paris alTirme la supériorité de la hiérarchie ecclésiastique sur la hiérarchie laïque. Jonas d’Oulkans tance vivement les rois qui croient tenir leurs droits du privilège de leur naissance. Grégoire IV, vers la ménieéïKKiiie, a conçu peut-être le droit théocratique de la ]>apaulé sur l’Europe (peut-être… car s’il se considère comme chargé de veiller sur les institutions politiques, sur VOrdinatio imperii, il n’est pas sûr que ce ne soit pas seulement à cause du serinent religieux qui les a consacrées). Quoi qu’il en soit des motifs de son intervention, le pape invite les évoques à surveiller les rois, et les rois à respecter les principes de leur accord. IIincmar déterminera bientôt la distinction des deux pouvoirs, spirituel et temporel, avec une nuance de subordination du temporel au spirituel : les évêques sont les égaux et les conseillers des rois ; ceux-ci ne doivent pas empiéter sur les droits de l’Eglise. En matière religieuse, ils sont les exécuteurs de ses volontés. Parfois même