Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/125

Cette page n’a pas encore été corrigée

237

GALLICANISME

238

encore par une atljonction aux canons de 61/|, fixa les principes. Son texte est niallieureusenient fort obscur pour nous. En somme, I Kiilise à cette date paraît vouloir reserver à son tribiinal les litiges entre clercs ; pour les contestations entre clercs et lai([ues, si l’on désire les j)orler au tribunal séculier il l’aul l’assentiment de l’évêque ; en matière criminelle, sauf le cas de crime très grave et nianifeste, aucune poursuite ne peut être exercée contre un clerc par un juge laïc à l’insu du supérieur ecclésiastlipic. Clotaire II semble avoir restreint ces prescriptions aux prêtres et aux diacres. Tout cela sans préjudice de la compétence personnelle, sans limite assignable, du roi sur tous ses sujets, que la pratique de la « recommandation », très Créquente pour les Eglises et les ecclésiastiques, dévelopjiait encore.

5) De la propriété ecclésiaslique, le roi est souvent l’auteur, toujours le protecteur : il autorise et confirme les donations des particuliers par un précepte ou même par un arrêt rendu au plaid ; très fréquemment il confère à l’ctablisseiuent religieux un dii>li")me d’immunité i]ui le ferme à ses fonctionnaires ; il le jirend, lui et les personnes qui l’administrent, dans son miindiuin, sa maimfiouv. Toutes choses qui ne protègent qu’à moitié des pilleries consécutives aux partages et aux guerres entre princes. En cas de trahison vraie ou supposée le roi met la main sur le temporel de l’évêque. En droit, le bien d’Eglise doit l’inqiôt, mais le roi donne des privilèges d’exemption, qu’il ne respecte pas toujours : Clolairel" voulait prendre un tiers des revenus ecclésiastiques, Dagobert à la Un de son règne passe pour avoir pressuré les clercs. Enfin, et c’est plus grave, le patrimoine de l’Eglise lui est souvent ravi tout entier. Est-ce parce que le conee]) ! de propriété germanique, moins évolué que le concept romain et encore plus proche de la primitive communauté des terres, ne comportait pas une appropriation complète el définitive du sol par les particuliers, ou parce que toute donation royale était, sauf clause contraire, sujette à révocation ? On ne sait. Le fait est que des laïcs ne se firent pas scrupule de demander et de recevoir des rois des domaines déjà concédés à l’Eglise. D’abord il ne s’agissait pas, comme on l’a cru, de simples précaires laissant à l’Eglise le domaine théorique ; il j’avait vraie spoliation, le précepte royal anéantissait les titres antérieurs. Les conciles s’en plaignirent dès 535, l’abus persista comme les plaintes. Après 614 et au cours des vu’et vm* siècles, les rois se contentèrent de prier les prélats de concéder à tel fidèle tel ou tel de leurs domaines : c’était un ordre, qui consomma sous CuARr.Es Martel la ruine du patrimoine de l’Eglise mérovingienne (cf. E. Lbuse, Ifistoire de la propriété ccclésidstiijiie en France, tome 1, iQio)..u reste, à cette date, conciles et législation, tout sombra dans l’anarchie. I C’est, à bien des égards, une création nouvelle que j l’Eglise carolingienne restaurée par les délégués du I pape d’accord avec les fils de Charles Martel.

[M. D.]

B) l’époque carolingienne

i) La personne et l’œuvre de Charlemagne ont engagé tout l’avenir. Sa politique eut pour résultat d’agrandir et de consolider la mission religieuse, partiellement exercée par les rois mérovingiens. L’empereur franc se croit le continuateur des Constantin et des Théodose. Il ne s’aperçoit pas qu’il est, en même tenqjs, l’héritier de la conception païenne de la souveraineté. Il rapplicjue, d’ailleurs, avec un tact politique et religieux qui la fait accepter sans

révolte. Mais, à regarder les choses de près, celle alliance avec l’Eglise, qui tend à concentrer les deux pouvoirs dans les mains de l’empereur, qui lui fait regarder son autorité comme divine cl inviolable, n’est pas dill’érente, au fond, de la prétcnlion des Philippe le Bel et des Louis XIV au droit divin de leur couronne.

L’œuvre de Charlcmagne avait été récemnicut préparée par son oncle Carloman et par son père Piirix, qui, avec saint Boniface, en réorganisant l’Eglise franque, convoquaient des conciles, nommaient des évêqucs, instituaient des archevêques. Le couronnement de Pépin et de ses fils à Saint-Denis par le pape Etienne II, hardie réminiscence des traditions bibliques, acheva la consécration de cette race et sanctionna son rôle religieux. L’onction sainte, désormais facteur essentiel dans la transmission du jiouvoir — sacramentum, dira-t-on parfois — fait du. roi une personne sacrée, cl lui confère des droits indéterminés sur l’Eglise. Ce fait, encore mal étudié, a eu une iniluence profonde sur l’institution rojale. La papauté a voulu jiar là donner à l’Eglise romaine un défenseur atlitrê, dont l’action fùl plus efficace que la protection théorique et lointaine de l’empereur bj’zantin. Elle n’a peut-être pas assez redouté de se donner un maître. D’autre part, cette consécration religieuse, qui était dans la logique des événements, pouvait rendre la royauté, en quelque sorte, justiciable de l’Eglise. Ces conséquences extrêmes el contradictoires sont, du reste, successivement venues au jour.

Sous Charlcmagne, la première seule apparaît. Du temps qu’il est seulement roi des Francs, Charles se considère <l’abord comme l’auxiliaire armé de l’Eglise. En 778, à la requête d’ILvoRiE.N, etmalgré la résistance des grands, il va mettre un terme aux empiétements des Lomliards sur le domaine pontifical. Cependant il tend peu à peu à protéger l’Eglise, non comme un serviteur, mais connue un maître. Il surveille de près les actes de la cour romaine. Tandis qu’il n’admet pas que ses sujets franchissent les Alpes sans sa perndssion, il est heureux d’accueillir les coniidenees des prêtres italiens (Jaffé, Nonumenla ("arolina, 2^1 3, i ! l, 2478). Il montra même une sévérité inattendue vis-à-vis du légat pontifical Anastase, qui lui avait tenu des propos inconsidérés : il le retint captif. Il ne céda aux réclamations d’Hadrien que sur la promesse d’une enquête sévère et l’assurance d’une obéissance complète (Codex Cttrotinns, 51, 76, r)4- — Cf. H.-X. Auouilliére, Cliarlemagne et les origines du Gallicanisme, dans L’Université catholique, 15 octobre igog).

Le pape Hadrien a fait ellort pour échapper à la tutelle eniahissanle de Charlcmagne. Tout en donnant au roi des Francs le titre de palrice des Romains, auquel il avait droit, le pontife alfeclait de n’y attacher qu’une importance honorifique. Ce dissentiment assombrit parfois leurs relations ordinairement cordiales. Ils s’entendaient, à condition de ne pas trop s’expliquer sur les limites de leurs pouvoirs. En 786, quand le pape se rapproche de la cour bjzantine, le roi des Francs en prend omlirage. Son mécontentement, longtemps contenu, se donne libre cours au concile de Francfort (79^. et va jusqu’à repousser les décisions du second concile de Nicée, approuvées par- le pape (voir plus haut dans le Gallicanisme ecclésiastique), Hadrien, dans une lettre mesurée, rétablit point par point la doctrine de Nicée sur les images. Jusqu’à la mort (79-5), il ni ; i que le patriciat de Charlcmagne fut difTérent de celui de Pépin. Ce titre est un honneur : « Nul ne lui a rendu et ne lui rendra plus v<dontiersque le pajie les hommages qui s’y r ; ittachent ; mais que le roi des