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GALLICANISME

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cessera plus de commenter, d’éclaircir, et, malgré les rétraclationsimposées par force, de justilier ce manifeste. Pour lui, la juridiction ecclésiastique, bloc infrangible, comprenant à la fois pouvoir de sanctifier les lidéles, de les instruire et de les gouverner, est dans le corps entier de l’Eglise, comme la puissance de voir dans l’homme vivant ; mais aussi, comme la vue, elle ne peut s’exercer, pour le bénéfice du corps entier et sous sa dépendance, que par un organe approprié : la hiérarchie instituée par le Christ. Cette hiérarchie, VEcclesia sacerdotutis, est constituée par la communication à certains hommes du sacerdoce même du Sauveur : communication égale pour tous, de manière pourtant que les uns succèdent aux apôtres (les évêques), les autres seulement au soixante-douze disciples (les prêtres). Dans ces derniers une partie des pouvoirs inhérents à ce divin sacerdoce a été, par Jésus-Christ même, pour le bon ordre, et hors les cas de nécessité, liée ou paralysée ; cependant quiconque participe au sacerdoce du Seigneur est juge nécessaire de la foi (au moins par consentement tacite aux enseignements épiscopaux) et conseiller nécessaire pour le règlement de la discipline. Dans les successeurs de’s Apôtres, la puissance sacerdotale ne subit pas d’autre restriction que les limitations volontairement consenties parles évéqiies au bénéfice du pontife romain (chef secondaire, analogue, accidentel, ministériel, d’une Eglise dont Jésus-Chrisl est le seul chef essentiel), afin de mieux assurer l’unité ou la monarchie voulue par le divin Fondateur. hSL nionarckie, dans chaque diocèse comme dans l’Eglise entière, est la forme de lEtat, du principal (nous dirions aujourd’hui, du pouvoir exécutif) ; au contraire le gouvernement, reginien (pouvoir législa<i/)est aristocratique. il s’exerce par le synode dans l’Eglise locale, par le concile dans la chrétienté. L’Eglise, dit expressément Richer, est constituée comme le royaume de Pologne " avec un pape et des évêques que choisit et ordonne l’Eglise sacerdotale prise coUectivcmentet à qui elle transmet l’autorité » (De/’ensio lihelti etc., Cologne, i ; Oi, 1. II, c. i, n. i). Un adversaire de Richer résumait le système dans une autre comparaison : 1e pape n’est plus qu’un doge de Venise, simple exécuteur des ordres du Sénat ; il est moins encore, car il n’a point, dans les évêchés, ce que le doge possède dans les villes dépendantes de la Seigneurie : une autorité supérieure à celle des fonctionnaires locaux.

Pour propager ses idées, Richer, syndic de la Sorbonne, ne reculait devant aucune mesure : il interdisait impitoyablement toutes les thèses contraires aux doctrines gallicanes ; quand, aux disputes solennelles organisées par les Dominicains étrangers venus à Paris pour le chapitre général de 1611, on proposa des thèses ultraniontaines, il les tit attaquer, malgré les conventions et les ordres de la cour, comme formellement hérétiques. Ces violences le perdirent : le cardinal du Perron fit condamner le /.itietltis par le concile de Sens en 1612 ; Richer fut déposé de sa charge de syndic. Plus lard Richeliec, après l’avoir quelque temps ménagé, finit par le briser (cf. Ed. Plyol. Edmond Iticlier.. Paris, 1876, 2 vol.). Bon nombre de jansénistes devaient plus tard se faire les tenantsdes doctrines richcristes ; dès le milieu du xvii’siècle, le grand ami de Jansénius, Jean Divergikk de Hauraxne, abbé de S.-Cyra>% en adopta une partie dans son grand ouvrage pseudonyme, /’e/r/.^fHre/ii Opéra, que les deux assemblées du Clergé de 1641 et 164ô firent imprimer à leurs frais.

Il) Cependant les évêques de France n’approuvaient nullement le système de Richer : s’ils comblaient

d’éloges Petrus Aurelius, c’est que son ouvrage, composé à l’occasion des querelles entre les missionnaires réguliers et les vicaires apostoliques d’Angleterre, exaltait les droits de l’épiscopat au nom des anciennes doctrines et des anciens usages de l’Eglise. Notre épiscopat réformé du xvii’siècle avait très haute idée de ses devoirs (même quand par faiblesse il les négligeait) et de sa dignité ; il était attentif à régler sa jiensée et ses démarches sur le modèle idéal d’une antiquité que le réveil des études patristiques mettait à la mode, et enclin, par horreur pour les variations protestantes, à interpréter le canon lirinien quod ubique, quod semper, quod ab omnibus, danscesenslrop étroit qui détruit la plasticité vitale reconnue par l’Eglise catholique à sa discipline et dans une certaine mesure à son dogme ; par suite il était tout naturellement porté à considérer comme des aberrations et des abus les développements théoriques et pratiques de l’antique primauté romaine. De là, en bonne partie, le souci perpétuel qu’ont les prélats de limiter les privilèges des exempts, d’aflirmer (par exemple dans l’acceptation des constitutions pontificales contre le Jansénisme) leur qualité déjuges de la foi ; de là leurs tentatives pour réduire, ou définir à l’encontre des prétentions ultraniontaines, les causes majeures unecause majeure, disaitMABCA, est une cause pouvant entraîner la déposition d’un évêque, et que le pape juge en première instance, mais en France, par des commissaires délégués ; ce fut, malgré les protestations épiscojiales. la pratique suivie sous le gouvern’-ment de Richeueu et de Mazarix ; Jean David, qui supprimait cette obligation de donner des juges in partibus, fut contraint par l’assemblée du Clergé de 1680 d’expliquer son sjstème(el au fond de le rétracter) ; au contraire les prélats louaient fort l’ouvrage de son adversaire Gkrb.is (pourtant condamné par Innocent XI), qui réservait en première instance au tribunal métropolitain, complété jusqu’au nombre traditionnel de treize juges par les évêques circonvoisins, le jugement de toutes les causes épiscopales. Maintenir dans son ancienne étendue, étendre même l’exercice du magistère el de la juridiction épiscopale, c’est la grande pensée des évêques généralement assez éruditsel zélés de notre xvii’siècle. Dès 1651, Bossuet, alors âgé de vingt-quatre ans, avait esquissé dans sa mineure ordinaire (Quænam est civitas Dei ? publiée par le P. F. G.4^ZEAf, Etudes, juin 1869, p. 916) sa théorie de l’Eglise. Ses thèses, rédigées avec des formules empruntées à la plus vénérable antiquité, peuvent, comme ces formules elles-mêmes, recevoir une interprétation ultramontaine ; mais on y sent, avec le souci de ne point dépasser le stade oii se sont arrêtées la pensée et les institutions anciennes, la préoccupation dominante du rôle de l’épiscopat. Quand il veut déterminer les éléments constitutifs de la cité divine, Bossuet songe d’abord aux successeurs des Apôtres, ensuite seulement au successeur de Pierre. La relation des évêques avec l’Eglise romaine, à <iui Jésus-Christ acoii(créSi poteniiorprincipalilas.assire l’unité de l’épiscopat. La foi de Pierre est le fondement d’une Eglise que la foi devait construire, le successeur de Pierre paît le troupeau et les brebis ; « ainsi a-t-il, dès les premiers temps, comme un droit principal ausoin detouslesintérétschrétiens ", donc droit de recevoir el des relations sur les affaires les plus graves, et le recours de tous les évêques ; bref, jus appellationum longe laleque païens. D’après l’antique discipline, c’est aux évêques qu’on demande des instructions sur la foi orthodoxe ; le pajic, président de leur collège dispersé, a aussi la place d’honneur dans leurs assemblées ; ’i pour enlever toute ambiguïté en matière de foi, il est très utile que la chrétienté soit