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GALLICANISME

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l’Eglise. Par quelle raison doncla partie ne seruil-elhpas soumise au tout ? Celui qui peut pécher à cellf qui est impeccable, celui qui peut faillir à cette qui est infaillihle.’C’est aussi une ma.rime aouée d’Aristote et des anciens philosophes de la Grèce qui ont écrit sur le gous’ernement, que tout corps politique, lorsqu’il est bien ordonné, l’emporte sur le prince s’il est seul de son côté, et peut-être pourrait-on dire qu’on n’est obligé d’obéir aux ordonnances du prince qu’autant qu’elles sont fondées sur le droit divin ou sur l’autoritk de toute la commi : nautk(i>u Boulay, Hist. Universit. Paris., V. 35). Dans le même sens, Gerson dit dans son traité De auferibilitnte Papæ : Comme toute commniKiuté politique, l’Eglise peut corriger son prince et, s’il est incorrigible, le destituer ; c’est un droit essentiel à toute communauté, aucune loi ne peut l’en priver. » Tout le gallicanisme universitaire est là, l’iniluence d’Ockliam et même de Marsile y est sensilile. Ce n’est plus la tradition, quoiqu’on l’invoque, qui règle la pensée mais une théorie philosophique, et celle théorie est démocratique. L’Eglise seule a reçu directement l’autorité, dont elle délègue une partie au pape, son ministre.

Cependant, la grande aristocratie ecclésiastique, cause initiale du schisme, s’unissait alors, pour le réparer, àladéinoeratie universitaire. Les cardinaux romains, abandonnant Grkgoirk XII, en avaient appelé de leur pape à Jésvis-Christ et au concile général, a quo et in quo soient gcsia etiani sunimorum Ponli/uum quæcumque pertractari, decerni et judicari. C’était aller bien loin. Les trois universités de Bologne, Florence et Paris, consultées sur les pouvoirs du concile convoqué à Pise par les cardinaux de deux obédiences, répondaient avec plus de mesure que, dans les circonstances actuelles, un pape i)arjure et suspect d’hérésie était soumis au jugement de l’Eglise, et que les dillicultés insolubles depuis trente ans et l’opiniâtreté des deux rivaux autorisaient leur déposition. Conformément à ces princii)es et après avoir entendu, le 29 mai 1409, Piekre Plaoul déclarer au nom des qualre universités françaises, et l’évêque de Novare, au nom des universités de Florence et de Bologne, que Benoit XIII et Grégoire XII étaient formellement hérétiques, les vingt-trois cardinaux, les douze archevêques, les quatrevingts évêques, les quatre-vingt-sept abbés, les cent deux procureurs d’évêi|ucs absents, les deux cents procureurs d’abbés, les délégués de treize universités et les trois cents docteurs formant le concile de Pise, chargèrent, le 5 juin, Simon Cramaud de lire loir sentence : les deux papes convaincus d’être schismatiques, héréticiucs, parjures, scandaleux, opiniâtres et incorrigibles, sont (/aso/<(c^) retranchés de l’Eglise, et par c<)nscquent déchus : ad ciiulelam, le concile les en retranche lui-mcmc et déclare le Saint-Siège vacant ; il supplée aux défauts possibles des promotions des cardinaux des deux obédiences et les rend aptes à faire l’élection pontificale. Un conclave de Pise, le Franciscain candiote Pikrre Philahgi sortit pape avec le nom d’Alexandre V.

Par malheur ce concile, si nombreux qu’il fût, ne représentait pas l’Eglise entière : la moitié des archevêques, plus d’un tiers (les évê(]nes et des aljbés, un cin<iuième des procureurs étaient frani ; ais ; les Espagnols, les Ecossais, les Napolitains, une partie de l’Allemagne et de l’Italie s’étaient totalement abstenus. Le roi des Romains, RoriEUT, avait solennellement protesté contre la réunion. Benoit XIII à Perpignan et Grégoire XII à U<line-.qnilée, avaient tenu des anti-conciles et conservé leurs (idèles. Au lieu de deux papes douteux, il y en avait désormais trois. Le concile œcuménique paraissait, de plus en plus,

comme la dernière planche de salut et l’unique moyen de réunir la chrétienté divisée.

Le nouveau pape que la France reconnaissait ne fut pas longtemps l’homme des universitaires : ce moine favorisait trop les mendiants. Contre une de ses bulles, Gerson défendit, le 28 février 14’0, une thèse destinée à entrer dans la future synthèse gallicane : il y établissait une doctrine déjà professée par Guillaume de S.-Ajnour au xui’siècle, pseudo-Isidore au IX* et même par Gcsaire d’Arles, au vi"^, presque à l’origine des paroisses rurales (si l’admonition synodale que lui attribue Dom G. Nbu’in est de lui. Bev. Bénédictine, IX, 1892, p. gg). Cette thèse faisait des curés les successeurs des soixante-douze disciples, et de leurétat un état de droit divin, une prélature ordinaire, essentielle à l’Eglise, plus parfaite que l’état religieux. Sous Jean XXIII, qui succéda, le 23mai 14’0, à Alexandre V, les mauvaises pratiques, sujipliques, expectatives, avec leur cortège d’annales, vacants et dépouilles, l’imposition de subsides, etc., reprirent leur cours : son concile de Rome(1413) aggrava le mal en accordant aux princes des induits pour pourvoir eux-mêmes aux bènétiees que le pape se réservait. Cependant les hérésies de Wiclef et de Jean Hus, hérésies mystiques, mais destructrices de toute autorité dans l’Eglise connue dans l’Etat, bouleversaient l’Angleterre et l’Allemagne. Le nouveau roi des Romains, SigisnM)nd, força Jean XXIII à couaoquer à Constance un vrai concile de réforme et de défense de la foi. Ce devait être en plus un concile d’Union. Il déposa Jean XXIII et Benoit XIII, reçut la démission de Grégoire XII et élut Martin V, que la chrétienté entière reconnut. Ce fut enfin le concile qui lixa la doctrine gallicane.

Dès le début, Pierre d’AiLLV y avait fait donner voix décisive dans les congrégations des nations aux docteurs et ambassadeursdesprinces : ils préparaient avec les évêques les décrets acclamés ensuite en sessions conciliaires : ainsi se traduisaientdansles faits les conceptions ecclésiologiques de l’Ecole de Paris. La fuite de Jean XX1II(20 mars 1 415) faisant craindre la dissolution de l’assemblée, les Pères s’armèrent de ces doclrinesconlre la mauvaise volonté du pape. Voici le texte des fameux décrets des iv « et V sessions (30 mars, 6 avril) : « Le saint synode de Constance, dit le décret du 6 avril (reproduisant et complétant par la menace de peines, celui du 30 mars), formant un concile général légitimement réuni dans le Saint-Esprit pour l’extirpation du schisme, l’union et la reforme de l’Eglise de Dieu eu son chef et ses membres, pour la gloire du Dieu tout-puissant, alin de procurer plus facilement, plus sûrement etplus librement celle union et cette réforme de l’Eglise de Dieu, ordonne, délinit ctdcclarece i|ui suit : Il est lui-même légitimement assemblé dans le Saint-Esprit, concile général représentant l’Eglise catholique et tenant immédiatement du Christ un poinoir auquel tous, de quelque état ou dignité qu’ils soient, même papale, sont tenus d’obéir en ce qui concernela foi (alias la fin) et l’extirpation du dit schisme et la réforme de l’Eglise en son chef et ses membres. En outre, quiconque, de quelque condition, état, dignité qu’il soit, même papale, refusera avec obstination d’obéir aux mandats, statuts, ordres et préceptes de ce saint synode ou de tout autre concile général légitimement assemblé, fait ou à faire sur les matières susdites ou connexes, sera soumis, s’il ne se repent, à la pénitence qu’il mérite et puni comme il le faut, même en recourant au besoin aux autres moyens de droit. »

On a discuté ailleurs (art. Conciles) la valeur Oogmatique de ce décret de circonstance, au sens probn-