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GALLICANISME

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religieux exeiiii>U qui sont, dit-il, acéphales. L’cpiscopat doit intervenir dans le gouvernement de l’Eglise universelle, se réunir deux fois par an en conciles provinciaux qui nommeront des exécuteurs de leurs décrets, tous les dix ans en conciles généraux dont le pape fera oI)server les canons.

Guillaume Durand était en avance d’un siècle.

Au début du XIV* siècle, il ne parvint qu'à se faire mettre en prison. Au Concile de Vienne, premier concile de réforme (ad reparaiioiiem, ordinaiiunem et stabiUialein Ecclesiarnm et ecclesiasticarain pcisonaruin et lihertatem eariim, dit la Inille de convocation), l’aljbé de Chailli proclame au contraire que le i>ape est pasteur immédiat de tous les chrétiens, et qu’il a tout pouvoir spirituel et temporel pour les conduire au salut (Hist. Kgl. galL, t. XII, p. 46g). Si Guillaume lk Maire, évêque d’Angers, se plaint de s'être vu enlever en vingt ans d'épiscopat sur trente-cinq vacances des trente bcnéliues à sa collation, trente-trois fois le droit d’y pourvoir, c’est au [lape lui-même qu’il demande respectueusement de remédier à cet abus. Ses collègues et lui laissent la curie en possession de ses droits liscaux (il est vrai que phisieurs ayant proposé de les remplacer tous par un impôt du vingtième, on y renonça, de peur que Rome, acceptant cette nouvelle taxe, ne maintint par surcroît les anciennes). Jamais concile ne fut dominé par l’autorité pontilicale, comme ce concile, le dernier avant ceux du grand schisme ; c’est sur le pontife romain que tous comptaient pour la réforme de l’Eglise dans son chef et ses membres et ce pontife était Clément V (V. Arcliiy fiir Lilerat. and h’irclieng., t. 111).

La réforme ne se fit pas. Les tentatives de Benoit XII et d’UuB.iN V avortèrent : le nombre des collations pontificales s’accrut démesurément, Urbain V Unit par se réserver tous les gros bénéfices. La fiscalité pontificale, tout en se régularisant, se lit chaque jour plus pressurante. Dans les douze ou dix sept collcclories de France, collecteurs et sous-collecleurs centralisaient les droits de dépouilles, les décimes, les annales, les vacants devenus énormes de|iuis la réserve générale de Jean XXII, les procurations, les cens, les services caritatifs, etc. D’autre part la curie, à chaque promotion où à chaque voyage ad liinina. percevait du nouveau titulaire ou du visiteur, les services communs, les droits de bulle, de pallium, etc., etc. (cf. Ch. Samahan et g. Mollat, la /iscalite ponti/irale en France au xiv « siècle, Paris, iijo5). Les sommes considérables ainsi obtenues par la chambre apostolique, ont servi sans doute à de grandes œuvres, dont les moindres furent les merveilles artistiques du château de Sorgues, de la Chaise-Dieu, du palais des Doms ou la restauration des uumuments de l’aiiciennc Home ; elles ont été le nerf de la grande politiijuc poursuivie, de la Hongrie jusqu'à l’Espagne, par des pontifes qui n’ont rien laisse prescrire des prétentions de Boniface VIII ; elles ont alimenté la guerre nécessaire contre le roi allemand et les Italiens ou la Croisade, elles ont été em|)lojèes à doter des universités nouvelles, à souli’uir (c’est la gloire spéciale des pontificats avignonnais) les missions envoyées aux Etats barbarescpu-s, au Maroc, en Eg.vpte, en Nubie, en Abyssinie,.aux Indes et jusipTen Chine (cf. J. Doizii, /.es finances du Saint-.Sii’ge au temps d’Avignon, Etades, CGXI, 1907, p. 153). Mais le peu])lo savait aussi que ces trésors sacrés avaient satisfait l’avidité des parents de UnnTn.4.Ni) m ; Got et entretenu le luxe de Clkmknt VI, scandale que la simplicité ou l’austérité de ses successeurs (quelipiesuns sont béatiliés) n’a qu’en partie atténué. Déjà sous Bonifacc VIII, le franciscain spirituel Uiieutin DE Casal invectivait contre le faste du vicaire de

Jésus-Christ ; sous les papes d’Avignon, libertin est dépassé de loin, par les fratieelles ; les défenseurs mêmes de l’autorité pontificale, Alvar Pelayo, Pétrarque, les saintes Catherine de Sienne et Brigitte, etc., ne sont pas jilus indulgents pour les abus de la curie. La France fut longtem])s moins sévère : les papes d’Avigium étaient français, nos rois touchaient une large part des impôts levés sur les Eglises ; quant à nos clercs, ils avaient trop à attendre des uniques distributeurs de la fortune ecclésiastique, pour oser en parler librement. La première année du pontificat de Benoit XII sur 1679 faveurs, provisions ou expectatives, accordées par la cour d’Avignon, 12618 sont pour la F’rance, 315 seulement pour tout le reste de la chrétienté ! Au xiv siècle, au dire de Gerson, la doctrine de la France sur le pouvoir pontifical est l’ancienne doctrine traditionnelle, exagérée jusqu'à l’adulation (op. tiers.. II, 2^7). Il faudra le concours d’autres causes pour que du désir des réformes naisse le gallicanisme.

3) Deux hommes, un Italien et un Anglais, professeurs à l’Université de Paris, ont eu une grande, bien qu’inégale, infiuence sur le développement des doctrines gallicanes.

Le Defensor Pacis, que Marsile de Padoub (né en 1270) porta de Paris à Louis de Bavière en lutte avec Jean XXII (iSa^), est absolument révolutionnaire. Dans l’Eglise comme dans l’Etat, l’autorité réside dans le peuple qui, i)ar le vote de sa majorité, la délègue, la retire, la modifie à son gré. Au ccmeile, le peuple fidèle est juge de la foi et règle la discipline par ses représentants. Le chef élu n’a jamais qu’un pouvoir instrumental. Cependant le prêtre reçoit immédiatement du Christ le pouvoir de consacrer son corps et son sang et de déclarer les péchés remis. Ce sacerdoce est égal en tous : Pierre, qui n’est peut-être jamais venu à Rome, n’a eu aucune juridiction coactive sur les autres apôtres ; de même ses premiers successeurs sur leurs collègues. En somme, pour Marsile, l’Eglise n’est pas une société, mais une doctrine : on peut rapprocher cette théorie du gallicanisme extrême de nos parlementaires à la fin de l’Ancien régime. Ces idées, enqu’untées aux théories multitudinistes d’Aristote, dont saint Thomas avait fait une application judicieuse au pouvoir séculier et dont Marsile fait une application paradoxale à l’Eglise, finirent jjar [)énétrer, non sans résistance, dans la pensée de nos théologiens. En 1375, il court à Paris une traduction française du Defensor Pacis. Le pape s’en inquiète au point de faire jurer à tous les maîtres de la Faculté <|u’ils ne sont pas compromis dans ce scandale. L’auteur anonyme qui, sur l’ordre de Charles V, compila le Songe du Vergier, emprunta à Marsile l’idée que la prééminence de Rome sur les autres sièges est due à une concession des princes I, 58).

GiîillaumeOcku-vm (morten 1847), franciscain spirituel, est aussi un polémiste au service de Louis de Bavière. Il s’enfuit près île lui en 13j8, aii plus fort de la i|iierellc entre s<'s amis et les frères de la communauté, aiuès avoir introduit dans l’Ecole de Paris un nominalisme fort en vogue au xiv° siècle : il en est Vlncejilor venerabilis. Son principal ouvrage sur la constitution de l’Eglise est un Dialogus, genre qui autorise toutes les libertés, niais où la pensée personnelle de l’auteur ne se laisse i)as toujours discerner, surtout ipiand l’auteur est, comme Ockham, sinon un sceptique, du moins un douleur. Pour lui, seniblel-il, Pierre et ses successeurs ont une réelle ])riiiiauté de juridiction qu’ils tiennent du Christ. Celui-ci a donné au pape, pour le salut spirituel des fidèles, tout le pouvoir qu’on peut confier à un homme seul,