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GALLICANISME

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procédure de 991 et son élection, avec modestie. Il avança même un argument inattendu : le concile mis en cause n’avait agi que comme délégué du pape ; il était présidé par Seguin de Sens, légat-né du S.-Siége en France. En terminant, Gerbert en appela au Souverain Pontife.

L’honnête Grkgoihe V avait succédé au simoniaque Jean XV. Il traita Gerbert d’i/iiasor, suspendit a difiiiis les juges de S. -Basic (que les lettres de Gerbert n’arrivaient pas à rassurer), et rétablit provisoirement Arnoul de Reims jusqu’au jugement apostolique à intervenir (998).

Par un étrange retour des choses, ce jugement du S.-Siège, Gerbert lui-même, devenu le pape Sylvestre 11, le rendit l’année suivante. Il rétablit définitivement son conqiétilcur ; mais sans renier la sentence de 991 :

« Aposlolici ciilmiiiis est, dit-il, non solum peccantihiis

consntere, veriini etiam lapsos eiigere (/’. L., CXXXIX, 2 ;  ; 3). llconstata sans doute que l’abdication d’Arnoul « roinano iissensii caruit » ; mais sans dire que ce défaut l’annuIàl. En tout cas,.S. Pierre au pom’oir duquel celui d aucun nuirlel ne peut être comparé, réintégrait dans tous ses droits le prélat déposé ; et désormais nul ne pourrait lui objecter ni son crime, ni sa condamnation.

L’explosion gallicane de 991 n’eut pas d’autres suites immédiates (cf. F. Lot, Etudes sur le rèjine de Hugues Capet, Paris, 1903).

[M. D. et H.-X. A.]

Malgré l’indignité de plusieurs successeurs de Sylvestre 11, l’action romaine, au xi’siècle, fait des progrès dans notre pays : les voyages ad lii/iina desvvchcvêques deviennent une règle de plus en plus suivie.

Il y eut pourtant des résistances. On moleste le pape sur le dos des moines exempts, ses protégés et ses agents. En 1008, c’est à Josselin, abbé deS.-Benoit-sur-Liiire, dont les amis ont maltraité l’évêque Foulques (l’Orléans, que les jirélats s’en prennen t. Us veulent lirùler la bulle d’exemption de son monastère. A la même époque, Raoul le Glabre, moine lui-même quoique gyrovague, parle sans ménagement delà vénalité romaine et luit intervenir Dieu comme défenseur des canons contre lesingérenccspontilicales. En mai 1012, raconte-t-il. Dieu punit par un cyclone l’attentat commis au nom du pape contre les ilroits de l’archevêque de Tours [lar le canlinal Pierre, ((uanil il consacra, malgré ce prélat et sur son territoire, l’église du monastère de Beaulieu : /.icet namtjue, ajoute Raoul ilans une phras^e célébrée i)ar les Gallicans, Puntifex liomanæ Ecclesiae, ob dinnitatem apostolicae Sedis, céleris in orbe constitutis roerentior haheatur, non tamen ei licel trans^redi in aliquo canonici moderaminis Icnorein (llislor., II, c. ^, édit. Prou, p. 34" ;. Rome, malgré les avertissements célestes, maintint l’exemption de Beaulieu. En 1026, des doléances semblables se font jour au concile d’.Vnse. qui invoque les canonsde Chaleédoine contre l’exemption accordée à Cluny.

Mais ici encore, on voit cond)ien ces velléités gallicanes sont inqmissantes à arrêter le courant traditionnel. Au cours de ce xi’siècle, malgré l’hostilité des évêques simoniaques et du roi Henri, S.LiioN IX peut inaugurer en France, au concile de Reims(io49), l’œuvre gigantcsque de la réforme ecclésiastique. C’est le pape ipii agit et oblige les ])rélats tièdes à frapper sans ménagement les indignes et les indociles, même s’ils sont puissants. Les légats poursuivent la même fâche : ils suppriment peu à peu tovites les garanties que les anciens canons assuraient aux évêques accusés, et malgré cela, il n’y a point de révolte doctrinale. Ce ne sont pas en effet des op positions établies sur une théoriegallicane que celles des prélats de Paris, qui en io~4 faillirent massacrer l’abbé Gauthier de Pontoise, défenseur des décrets de Grkooirk Vil sur le célibat des clercs, décrets importabilia ideoque irrationalia, disent ces obstinés concubinaires (II i’iia, c. 2, n" 10. Acta Sanclorum, 8 avril), ni celles des évêques qui, sous Urbain II, se déclaraient prêts à absoudre des censures pontificales leur protecteur simoniaque, le roi Philippe I".

2) La France du xir siècle et celle du xiii’siècle n’était pas un milieu favorable à l’éclosion d’une ecclésiologie gallicane : la papauté entraînait aux Croisades le inonde occidental. Persécutés en Italie, les pontifes de Rome trouvaicnten France un asile et des défenseurs ; la protection apostolique, inaugm’ée chez nous, s’étendait de plus en plus aux lieux et aux personnes ; les clercs usaient et abusaient de l’appel au pape (si bien qu’en 1 198 Innocent III de%Ta prescrire de n’en pas tenir compte en certains cas et de punir les clercs usuriers, nonobstant tout appel). Le progrès même, à cette époque, d’un certain gallicanisme politique n’a pas entraîné un progrès parallèle du gallicanisme ecclésiastique. « Chaque évcque, écrivait alors S. Beiinard à Eugène III (De consid., c. 8, n° 15 et 16). a un troupeau qui lui est particulièrement assigné ; pour vous, tous les troupeaux ensemble n’en font qu’un seul, qui vous est confié. » Ailleurs (De erroribus Abætarbi præf., P. L., CLXXXII, io53), l’abbé de Clairvaux professe l’infaillibilité pontificale (Ibi potissimum resarciri damna fidei ubi non possit /ides sentiri defectum). Toute l’école lui fait écho. S. Thomas emploie des formules plus précises (cf. Il" II’*, q. i, art. 10, etc.) et aussi S. Bonaventure. Pour ce docteur, toute juridiction découle du pape : Cliristi yicarius… a quo tanquam a summo derii’olur ordinata potestus usquc ad infinia niembra (Brefiloquium, vi, 12) et Guillaume Durand, le Spéculateur, est en parfait accord avec les autres maîtres (Hationale divinnrum o/ficioruni, 11, c. i, n" >"})’Apostolica autem jides… caput et cardo est aliaruni : qnoniam sicut ostiuni curdine regitur, sic illius authoritate omnes Ecclesiæ reguntur… Illius autem prætalus papa, id est pater patrum, vocatur, et unii’Crsalis, quia unifprsæ Ecclesiæ principotur, et apostolicus, quia princii)is npostolorum vice fungitur, et Summus Pontifex, quia caput est omnium ponti/icum a quo illi tanquam a capite membra descendant et de cujus plenitudine omnes accipiunt, quos ipse vocat in partent sollicitudinis, non in plenitudinem potestatis. Toute l’Eglise de France enfin, assemblée au concile (ccuménique de Lyon (127^) ad(q)le la ])rofession de foi de l’empereur grec Michel Paléologue, Dciizinger Bannwarf, f('>ù (889) : la sainte Eglise romaine a sur l’Eglise universelle une primauté (principatum) suprême et pleine… Si au sujet de la foi quclquc problême est agité, il doit être défini par soti jugement. Tmit fidèle, et en tout état de cause, iieut recourir à son tribunal. Elle , 1 la plénitude du [louvoir, et appelle les autres Eglises au partage de sa sollicitude.

Les faits parlent encore plus clairement que les textes. Ils sont inconciliables avec les doctrines gallicanes postérieures. Ils semblent être l’expression pratique de ce jxuivoir immédiat et souverain, atteignant tout fidèle en particulier comme l’Eglise entière, que définira cx[>licitement le concile du Vatican : réservede certains péchésau pape, réserve de certains bénéfices à sa collafion ; dès le temps (I’Innocent II, on trouve des recommandations papales aux collaleurs, sous Lucius H îles mandata de confcrendo, sous Innocent III des grâces expectatives au temps de S. Louis (iaG5), Clément IV établira la première réserve générale des bénéfices vacants in curia. En