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GALLICANISME

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enfin, au début du xv siècle, remédier au scliismo pontilical par des mesures iégilimées seulement à bien des yeux par les théories gallicanes canonisées, disail-on, à Constance.

Pour qu’une pareille doctrine put évoluer — sans sortir du catholicisme, — elle devait avoir évidemment quelque suhslratiun traditionnel ; les exemples africains, le respect universel pour les conciles et les canons, le canon sur le pai>e hérétique dans le Décret de Gratien l’ont fourni ; mais tout cela est invoqué assez tardivement : le gallicanisme vient d’ailleurs. Ici l’action a primé la spéculation et l’a engendrée.

On peut prouver ces vues directement, en établissant l’accord théorique sur la constitution ecclésiastique qui existe entre l’Eglise ronuiine d’autrefois et d’avijourd’hui d’une part, et l’Eglise gallo-romaine, mérovingienne, carolingienne et capétienne d’autre part ; et en déterminant à chaque époque la portée et l’origine des résistances gallicanes. On peut ensuite les confirmer indirectement, comme on fait d’une hyi)otlièse dont on vérifie les conséquences. Si les tliéories gallicanes, au lieu d’être la cause de ces révoltes contre Home, ont été au contraire imaginées pour les justifier, il est vraisemblable que, d’accord à leur point de départ commun) (l’inviolabilité de la situation de fait qu’on voulait défendre), elles ne le seront plus à leur point d’arrivée, aux principes. Chaque auteur aura son système, variable avec la variété des cultures et des éducations théologiqæs et philosophiques. En fait, les prélats de 1682 ne s’entendaient guère que sur des négations, et dans leur partie positive les gallicanismes deMAnc.A, de Kio.uEn, d’jVi.M.vi.N, de Gerson, de Pierre d’Aii.LY, de GuillvtJME UiHAND cl de Gerbert sont dilTérents entre eux et ne ressemblent pas à celui de Bossiet. Dans cette longue histoire du gallicanisme, nous rencontrerons bien moins un système gallican qui se développe que des systèmes gallicans qui se succèdent. Le cbntrastc de cette succession avec la croissance vitale du système romain, tiré tout entier d’une donnée primitive simple et féconde, aurait pu fournir à Newman un argument apologétique en fæur de l’ultramonlauisme. Au simple point de vue historique, la variété des systèmes gallicans, inexplicable si l’oO admet la prétention de nos docteurs d’avoir seuls conservé lu doctrine originelle, n’a plus rien de mystérieux si ces théories ne sont que des constructions factices. Autre conséquence : si les diflfér&nts gallicanismes ne sont que des sj-stèmes de fortune, aux |)risesavecle développement normal il’une véiité de tous temps admise et qu’on ne veut ni ne peut renier, il est probable qu’au jour où éclatera l’opposition radicale des principes, l’opinion nouvelle, au lieu de pousser à l’extrême les conséquences logi(lui’s des prémisses imaginées par ses défenseurs, tâchera d’accorder vaille que vaille ses conclusions avec le ilogme ancien. Tous les historiens du gallicanisme — adversaires et même amis — l’ont remari|ué : c’est le sort de toutes les théories gallicanes ; une fois leurs systèmes constitués, jamais leurs auteurs n’ont osé leur laisser prendre leur plein déelopiii-ment logique : presque toujours ils auraient abouti au schisme, dont ils ne voulaient à aucun prix.

Tardives, hétérogènes, inconséquentes, ce sont des qualificatifs bien durs pour qu’on ose les appliquer aux constructions savantes ou subtiles de ces très grands esprits qui furent les auteurs de l’ecclésiologie gallicane : elles les méritent pourtant en quelque mesure, dans la mesurequi suffit à marquer leur origine purement humaine.

(Pour la doctrine catholique, ses preuves et les objections tiréesd’auteurs non français, ^ oir les articles Papb, Eglise, Concile, etc.)

(i) L’Eglise gallo-romaine

i) Sou vent les anti-gallicans(vg.Si-oNi)HATE, , SoARi)i, MizzAUELu, etc.) ont prouvé les thèses ultramontaines, notamment l’infaillibilité pontificale, avec des témoignages e.i’cli(sii’enient empruntés à l’Eglise gallicane : aucune, en elVet, sauf celle de Rome, n’en présente autant et qui soient à la fois aussi explicites et aussi précoces. L’histoire littéraire <le notre Eglise s’ouvre par le nom de S. Irknéb, évcque de Lyon vers i ;  ; ^, que les protestants désignent à tort, comme le premier témoin de la doctrine catlinlique sur l’Eglise (cf. dans P. Batiefoi., L’Eglise naissante et le catholicisme, Paris 1909, ch. iv, démonstration de son accord avec latra<liiion antérieure). Contre l’hérésie, Irénéc en ai)pelle « à la foi de l’Eglise très grande, très antique, connue de tous, qu’ont fondée à Rome les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul », « toute Eglise doit s’accorder avec cette Eglise » qui n’a pas seulement comme les autres fondations apostoliques K une principalitas » ; mais bien, à cause de l’éminence de ses fondfiteurs explicitement indiqués et non à cause de celle de l’i’rhs Huma passée sous silence, une « principalitas potentior » (.4dt Ilær., III, 11, i et 2 ; cf. Batiffol, op. laud., p. 2^9 sq., et O. Bah-DENiiEWER, Gescllichte der altlnrchlichen Litcratur, Fribourg en B., 1902, I, p. ^^6-^22). A côté de ces textes probants contre qui nie la primauté de juridiction de l’Eglise romaine, les gallicans aiment à placer la lettre où Pévêiiue de Lyon morigène le pape Victor, trop dur, à son ais, à l’égard des qtiartodécimans asiates (dans Eusébe, //. E., V, xxiv). En réalilé, ce texte même se retourne contre eux, car Irènce ne conteste pas l’extraordinaire étendue du pouvoir dont l’évêque de Rome paraît revêtu et si l’on ignore quel cll’et produisit sur Victor la lettre pacilicatrice d’Irénée, on constate qu’au siècle suivant la coutume pascale que condamnait ce pajjc avait disparu de l’Asie.

Ainsi chez nous apparaît, dès les premiers temps, une tradition très ferme sur le rôle exceptionnel du pape de Rome dans l’Eglise.

2) D’autre part, de très bonne heure l’Eglise des Ganles se prétend fondée par des encovés des papes. A part la courte période où elle subit aussi l’inlluence milanaise, elle demeure sans intermédiaire unie à Rome, aucune primatie locale ne s’y constitue ; le vicariat même d’Arles, extorqué, seinble-t-il, par Patrocle au pape Zosiine, retiré, puis concédé de nouveau, instrument d’influence romaine qui eût i)u devenir un obstacle, n’a guère été qu’une prééminence théorique. De là les recours spontanés de nos évêques directement à l’évêque de Rome (innombrables dira S. Léon, Epist. ad Gallos, x, P. /,., LIV, 628 sqq.), la soumission générale avec laquelle sont reçues la plupart de ses décisions, le malaise caractéristique de tous ceux qui résistent à ses interventions. Rien ne ressemlde moins à une Eglise autonome, autocé|)hale, gallicane en un inol, que l’ancienne Eglise gallo-romaine.

Ce suprême pouvoir de gouvernement, que notre Eglise reconnaissait au successeur de Pierre, peut-il s’enfermer dans une formule juridique précise ? Mgr L, Duchesne (IListoire ancienne de l’Eglise, édit. de igio, III, p. 667 sq.), après un exposé très nuancé de l’exercice de la prérogative romaine en Orient jusqu’à la lin du v siècle, terminé par ces mots : « Je ne parle pas ici, on le voit, d’une simple primauté de rang et d’honneur », ajoute pour nos régions : En somme, le groupement de l’épiscopat, le régime des conciles, les rapports avec le Saint-Siège, tout cela était en Occident fort peu défini. On vivait sur la