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GALLICANISME

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évêques dansia pensée des prélats de 1682, car il en était autrement pour les docteurs de 14’5), dans l’exercice de la juridiction et du magistère ecclésiastiques.

§ 2. — Toute la substance du gallicaDisme parlementaire a été condensée en 1694 dans un opuscule de Pierre Pnnov, dédié au roi Henri IV : Les libertés de l’Eglise gallicane, commenté et appuyé de preuves aux xvii* et xviii’siècles par Pierre Dupuv et DuHANu DB Maillane.

Pierre PiTHOune s’est pas contenté de ramasser en quatrevinut-trois courtes propositions tout ce qui était qualitié chez nous de liberté, il l’a rattaché à deux principes.

« Les particularitez de ces libertez pourroiU sembler

inlinies et néanmoins eslantbien considérées se trouveront dépendre de deux maximes fort connexes que la France a toujours tenues pour certaines. La première est que les papes ne peuvent rien commander, ny ordonner, soit en général ou en particulier de ce qui concerne les choses temporelles es pays et terres de l’obéissance et souveraineté du Roy très chrestien ; et s’ilsy commandent ou statuent quelques choses, les subjets du Roy.encore qu’ils fussent clercs, ne sont tenus de leur obéir pour ce regard. La seconde, qu’encore que le pape soit recogneu pour souverain es choses spirituelles, toutefois en France la puissance absolue et intinie n’a point de lieu, mais est retenue et bornée par les canons et règles des anciens concilesde l’Eglise receus en ceRoyaume. Et in hoc maxime consistit lihertus Ecclesiæ gallicaiiae… De ces deux maximes dépendent ou conjointement ou séparément plusieurs autres particulières qui ont esté pluslôt pratiquées et exécutées qu’escrites par nos ancêtres… »

Si l’on s’en tenait à ces deux négations fondamentales de l’autorité du pape et de l’Eglise, on aurait quelque peine à assigner une dilVérence entre le gallicanisme des ecclésiastiques et celui des politiques : les divergences apparaissent quand on parcourt les conséquences que Pithou prétend en tirer ; son souci dominant n’est pas le même que celui des prélats, ni sa méthode, ni ses conclusions.

Pierre Pithou veut fixer les droits du pouvoir civil en France (et non ailleurs) en matière mixte et ecclésiastique : c’est du gallicanisme politique, et ses négalions recouvrent une doctrine positive. Il n’a point la préoccupation de déterminer la place du pape dans la hiérarchie sacrée, mais seulement de marquer ce qu’il ne peut point faire en F’rance : aussi ne parle-t-il pas de son infaillil>ililé (il la croyait conciliable avec nos libertés) ; s’il mentionne que le pontife Il n’est estimé estre par dessus le concile universel, mais tenu aux décrets et arrests d’iceluy », c’est pour lier sa puissance par les canons reçus dans notre pays ; s’il trace soigneusement les limites étroites où doit se renfermer cliez nous son action (le roi seul peut convoquer les conciles nationaux, autoriser l’entrée des légats, les voyages à Rome de nos jjrélals, la levée des svibsides pour la curie, la ])ubIicalion des bulles, etc.), ce n’est pas poiu- étendre les bornes du pouvoir épisc<q)al, au contraire… Pithou s’occupe spécialement de la jiapauté parce que le pape réside hors de F>ance, et qu’il est à son épocpie la seule puissance ecclésiasli(iue capable de balancer la prépondérance du pouvoir ci^ il, le dernii’r représentant notable de cette juridiction ecclésiasliijue qu’ont rognée de toutes manières les libertés gallicanes.

La méthode de Pithou n’a rien de Ihéologique, ni même de ])hilosophi(iue : d’autres avant et ajirès lui s’essaient à étalilir la sj ntliésc rationnelle et dogmatique du gallicanisnu^ poIiti(iuc, et leurs elTorls n’ont

pas été sans influence sur nos institutions, mais cette influence ne fut pas, jusqu’à la Révolution — aussi profonde que la sienne. Son opuscule sera commenté jusqu’aux derniers jours de l’Ancien régime (Durand i)K Mau-lane est l’un des auteurs de la Constitution civile du Clergé), et sa méthode sera chère à nos magistrats : attentif à collationner les précédents, même abusifs, pour établir la coutume, à rassembler

« les choses plus tost pratiquées qu’escrites par

nos ancestres ».le gallicanisme parlementaire est un sjslème avant tovit juridique, et sans diminuer le rôle du droit romain dans la conception que nos pères se firent de la prérogative de l’Etat, on peut dire que, par sa méthode préférée, ce système fut, en bonne part, un système de droit eoutumier.

Enfin, et c’est ce qui obligeait les évêques à marquer très fortement les différences des deux gallicanismes, nos magistrats étendaient le droit du pouvoir séculier jusqu’à envahir presque tout le domaine spirituel. Pierre de Mahca, dans les justifications de sa Coiicoi-diu contre les censures romaines (édit. de i{J63, p. 66), a noté les prétentions de ceux qu’il nomme les /r « ^ » ia ?/c( (défenseurs de la Pragmatique sanction de Bourges), Ch. nu Moulin, Fauchkt, Pasquieh, PiTHoi, HoTMAN, Skhvin, etc. ; il ne les calomnie guère quand il leur attribue ces deux propositions, histori(|Ucmenl absurdes, mais caractéristiques : I. Ponti/icem rumiinuin riiillum aiictoritiitem in Galliis exercuisse ante se^lnm sæciitiim : II. Tolo illa siieculoiiim annoruin intenallo JRegem fJ) solum Ecclesiae Gallicanæ ut capiit prtiefuisse, non autem papam.

« Le moyen de ce l>on gouvernenu^nt (de l’Eglise), 

avaitécrit dès 1551 Jean DUÏiLLKT(.)/é ; » o/>es et avis… sur les libériez Je l’Eglise gallicane), était qu’en ce dit rojaume, les juridictions ecclésiastique et temporelle étaient par ensend)le concordablement administrées sous et par l’autorité desdits rois… » Dans un opuscule publié avec privilège de Henri IV (/e la liberté ancienne et canonique.de l’Eglise gallicane), Jacques Leschassier assignait pour tâche aux magistrats de ramener l’Eglise à la discipline primitive : au droit antérieur au Décret et aux Décrétales de Grégoire IX.

En pratique, les parlements se contentaient d’affirmer que toute la discipline extérieure de l’Eglise était en quelque manière de leur ressort ; ils restreignaient ou surveillaient l’administration des évêques et du pape, contrôlaient, au moins quant à l’exécution et pour prévenir les désordres, les actes de leur ministère et de leur magistère, et se substituaient le plus possible à leur autorité judiciaire. La pré ention ou le cas privilégié qui enlèvent ses justiciables à la cour d’Eglise, l’appel comme d’abus et l’arrêt conséculif qui casse, réforme, annule les procédures du pouvoir spirituel, frappe dans son temporel le juge ecclésiastique abusant, q>ii fait lacérer les bulles et mandements, ont réduit ]iresque à rien, à la fin de r.

cien régime, la juridiction du Clergé dans l’Eglise gallicane. De son vrai nom, le gallicanisme de nos parlementaires est souvent un anticléricalisme. Il n’est pas tout le gallicanisme politique.

§ 3. — Entre le gallicanisme épiscopal et le gallicanisme parlementaire, M. Hanotaux, dans la belleétude qui ouvre le Recueil des Instructions données à nos ambassadeurs à Home (I. Paris 1888, p. L sq.), place un gallicanisme royal. Dans sa pensée, c’est nuiins une théorie qu’une pratique : le roi se sert tour à tour des doctrines <le ses évêques, des enseignements des iiapes et des théologiens ultramontains ou des systèmes de ses légistes pour assurer son indé])en<lanceet sa domination exclusive. » Entre les mains du roi, écrit dans le méuu’sens M. Imuaht