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GALLICANISME

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GALLICANISME. — I. Définition. — II. Les différents {(iilUcanisiiies. — III. Développement historique des doctrines gallicanes. — IV. Condamnations.

I. — Dlh’INITION

Le j ; allicanisiue est un ensemble de tendances, de pi’atii|ues, et surtout de doctrines relatives à la constitution et à l’étendue du pouvoir spirituel, répandues principalement dans l’ancienne France, et opposées, eu des mesures diverses, à certaines prérogatives du pape à l’égard de l’Eglise, et de l’Eglise vis-à-vis de l’Etal : Oppressio jurisdiclionis ecclesiuslicue u luica et (U’pressiu uucloritatis romani l’ontificis a clero gallicano, était tenté de dire de lui un de ses i>lus pénétrants adversaires du xvii* siècle, le toulousain Antoine Ciiarlas (t. I, c. xvi, n » 6 de son Traclaliis de libertatibiis Ecclesiæ gallicane, 3’édition, Rome, 1720, 3 vol. in-/)°).

II, — Les difféhb.ms gallicanismes

Les doctrines sur la constitution du pouvoir spirituel (droit public interne de l’Eglise) portent le plus souvent le nom de gallicanisme ecclésiastique, les théories sur les rapports des deux pouvoirs (droit I)id)lic externe) celui de gallicanisme politique.

D’un autre point de vue, on distingue généralement après BossuBT (Lettre au cardinal d’Estrées, déc. 1681, Correspondance, édit. Urbain et Levéqiie, t. II, p. 277). le gallicanisme des évêques et celui des magistrats, auxquels M. Hanotaux (Introduction au h’ecueil des Instructions données au.r amiiassadeiirs… Rome, t. I, Paris, 1888) ajoute le gallicanisme du roi {gallicanisme épiscopal, parlementaire et royal). On dirait mieux gallicanisme des ecclésiastiques et gallicanisme des politiques, n’était la trop grande ressemblance de ces expressions avec celles qui sont consacrées pour désigner chacune des deux thèses centrales des divers systèmes gallicans.

^ I. — Le gallicanisme épiscopal ou des ecclésiastiques a cherché sa formule délinitive jusque vers la lin du xvii’siècle. En 1663, à la suite des tlièses ullramoutainesde Gabriel Drouet de Villeneuve et de Laurent des Plantes, la Faculté de théologie fut contrainte de présenter au roi et au parlement de Paris une déclaration en sixarlicles (imposée ensuite par arrêt et édit à toute la France) précisant ce qui était ou n’était pas en ces matières doctrine de laFaculté : elle n’enseigne pas que le pape ait quelque autorité sur le temporel du Roi très chrétien (art I, II, III et partie du IV’) ni qu’il soit supérieur au concile général ou infaillible V, VI et partie du IV*). Ce que la Faculté se contentait de ne pas professer en 1663. l’Assemblée du Clergé de 1 68a — à l’occasion de la querelle de la Régale entre les cours de France et de Rome — le repoussa formellement :

a Déclaration du Clergé de France sur la puissance ecclésiastique (ig mars 1682) … I. Que saint Pierre et ses successeurs vicaires de Jésus-Christ et que toute l’Eglise même n’ont reçu de puissance de Dieu que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, — et non point sur les choses temporelles et civiles, Jésus-Christ nous apprenant lui-même que son royaume n’est point de cemonrft ? eten un autre endroit

« lu’il faut rendre à César ce qui est à César, et

(i Dieu ce qui esta Dieu et qu’uinsi ce préceptedel’Apôtre S. Paul ne peut en rien être altéré ou ébranlé : que toute personne soit soumise aux puissances supérieures, car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu et c’est lui quiordonne celles qui sont sur la terre. Celui donc qui s’oppose aujc puissances résista à l’ordre de Dieu. Nous déclarons en conséquence que les Rois et Souverains ne sont soumis à aucune puis-Tome II.

sance ecclésiastique par l’ordre de Dieu dans les choses teuq>orelles ; qu’ils ne peuvent être déposés directement ni iudireetenient par l’autorité des clefs de l’Eglise ; que leurs sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l’obéissance qu’ils leur doivent, ou absous du serment de lidélilé ; et que cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité publique et non moins avantageuse à l’Eglise qu’à. l’Etat, doit être invariablement suivie, comme conforme à la parole de Dieu, à la tradition des SS. Pères et aux exemples des Saints.

" II. Que la plénitude de puissance que le S. Siège apostolique et les successeurs de S. Pierre, vicaires de Jésus-Christ, ont sur les choses spirituelles, est telle que néanmoins lesdécrets du saintConcile œcuménique de Constance, contenus dans les sessions , y « gf yi.^ approuvés par le S. Siège apostolique, confirmés par la pratique de toute l’Eglise et des pontifes romains et observés religieusement dans tous les temps par l’Eglise gallicane, demeurent dans leur force et leur vertu ; et que l’Eglise de France n’approuve pas l’opinion de ceux qui donnent atteinte à ces décrets ou qui les alïaiblissent en disant que leur autorité n’est pas bien établie, qu’ils ne sont point a[)prouvés ou qu’ils ne regardent que le temps de schisme. …^

u III. Qu’ainsi il faut régler l’usage de la puissance apostolique en suivant les canons faits par l’Esprit de Dieu et consacrés par le respect général de tout le monde ; que les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans le royaume et dans l’Eglise gallicane doivent avoir leur force et vertu, et que les usages de nos pères doivent demeurer inébranlables, qu’il est même de la grandeur du S. Siège apostoli([uc que les lois et les coutumes établies du consentement de ce Siège respectable et des Eglises subsistent invariablement.

« IV. Que, quoique le pape ait la part principale

dans les questions de foi et que ses décrets regardent toutes les Eglises et chaque Eglise en particulier, son jugement n’est pourtant pas irréformable, à uîoins que le consentement de l’Eglise n’intervienne… » En somme, à la double question :

1° Jusqu’où a’élendla. puissance spirituelle " ! 2° Quel est le sujet de la suprême puissance spirituelle : ’le gallicanisme épiscopal répond : 1° La puissance spirituelle ne s’étend pas sur le temporel des rois, surtout de manière à pouvoir les en dépouiller, même indirectement.

2" Le sujet de la suprême puissance spirituelle n’est pas le pape seul, car au point de vue disciplinaire il est lié par les décisions de l’Eglise entière, voire par les coutumes des Eglises locales, et au point de vue doctrinal son enseignement n’est infaillible que par son accord avec l’Eglise entière.

La première de ces négations vaut pour tous les rois ; mais c’est très loin d’être une profession de césaropapisme. c’est une simple négation de certaines thèses ultramontaines ; la seconde essaie de déterminer quelle place lepape n’occupe pas dans l’Eglise : question théologique, tranchée par des procédés théologiques, mais à laquelle on répond sans exposer de doctrine positive sur la constitution de l’Eglise. Les prélats auraient-ils pu s’entendre sur une allirmation à cet égard ? Ou peut en douter. En fait, plusieurs théories ecclésiologiqucs différentes, les unes hétérodoxes, les autres presque orthodoxes (comme celles qui furent proposées par les PP. de la Ciiaize et Faiîhi et M. Ejiery), s’accordent avec la lettre, sinon avec l’esprit de la Déclaration. Le seul point positif fortement marqué par le rappel des décisions de Constance, est la prépondérance des conciles (et donc des