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APOCRYPHES

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Ile Epitre de saint Clément, xii. M. Harnack pense nue cette dernière citation est bien prise, en effet, dans lEvangile selon les Egyptiens, et il en conclut que cet apocrjphe doit être antérieur à l’an 130. D’autres critiques, comme MM. Zalin. Resch. estiment que la citation de la 11"= Epitre de saint Clément est empruntée à une autre source, dont dépendrait, directement ou indirectement, notre apocryphe luimême, si bien que celui-ci pourrait dater simplement des années 140-150. — Fragments dans Harnack, op. cit., 1" part., t. I, p. I2 sq. ; Nestlé, op. cit., p. 72 sq. ; Preuschen, op. cit., p. 2, 3.

2° L’E^'aiigile selon les Hébreux est mentionné, au début du V siècle, par saint Jérôme, Contra Pelag., III, 2, comme un ouvrage rédigé en langue syro-chaldaïque ou araméenne, mais écrit en lettres hébraïques. Il se trouvait, nous dit-il, De vir. ilL, 3, aux mains des Nazaréens. Lui-mêu ;e le considérait comme l’Evangile hébreu de saint Matthieu. Il prit la peine, Jn Matth., xii, 13, d’en faire en grec et en latin des traductions cjui, malheureusement, ont péri comme le texte original. Seuls, quelques fragments en subsistent dans le reste de ses œuvres. Origène, dans la première partie du iii « siècle, connaissait l’Evangile selon les Hébreux et nous en a conservé deux passages. In Joan., 11, 6 ; In Matth., xv, i^. Un peu auparavant. Clément d’Alexandrie, Sfroni., 11, ! 15, le nomme à son tour et en cite une sentence. Enfin, dès la première moitié du ii^ siècle, Papias raconte l’histoire d’une femme accusée de noml)reux péchés devant le Seigneur, histoire qu’Eusèbe, Hist. eccL, III, XXXIX, nous dit se trouver également dans notre apocryphe, et saint Ignace, Ad Sinrm., iii, i, 2, cite une parole du Christ ressuscité que saint Jérôme, I)e yir.ill., XVI, déclare être empruntée à l'évangile hébreu, traduit par lui récemment. Dans ces conditions, l’Evangile selon les Hébreux serait vraisemblablement antériem- au ii^ siècle. M. Harnack a pu le dater de la période 65- 100. — Fragments dans Harnack, op. cit., I"part., t. I, p. 6-10 ; Nestlé, op. cit., p. 76-81 ; Preuschen, op. cit., p. 4-9 Appréciation. — A en croire M. Harnack, op. cit.. Ile part., t. I, p. 620 sq., l’Evangile selon les Egyptiens renfermerait une tradition indépendante des Evangiles canoniques et parallèle, bien qu’on ne puisse déterminer de combien la rédaction de cet écrit est antérieur à 130. L’Evangile selon les Hébreux contiendrait plus sûrement encore une forme de tradition originale, contemporaine des rédactions synoptiques, ibid., p. 625 sq. Le critique pense, d’autre part, ibid., p. 681-700, que ces deux apocryphes, et l’Evangile selon Pierre lui-même, auraient d’abord été reçus dans les Eglises à l'égal de nos quatre Evangiles traditionnels. Ceux-ci n’auraient acquis leur caiioiiicité exclusive, ne seraient devenus l’Evangile quatlriforme oUiciel, le tétramorphe sacré, que vers l’an 150 en Asie, et, dans le reste de l’Eglise, entre 150 et 200.

Cette théorie fût-elle solidement établie, il importe de le remarquer, il ne s’ensuivrait aucune dépréciation véritable de nos qiuitre Evangiles. Ni leur ancienneté, en elfet, ni leur liistoricité, ni leur canonicité actuelle, ne peuvent avoir à soullrir de ce que se seraient constitués, à la même épcxpie, des écrits parallèles, ayant contenu semblable et même valeur.

Mais l’hypothèse n’est rien moins (m’assurée.

I. — Au point de vue de Vhistoricité. — De Y Evangile selon les Egyptiens, nous l’avons vu, on ne trouve pas de trace avant la seconde moitié du 11^ siècle. Quelle que soit son origiiu', il est certain qu’au témoignage de saint Ei)iphane, d’Origène et de Clément d’Ab’xandrie, l’ouvrage était en ogue dans les milieux hérétiques de leur temps. Bien plus, le

livre lui-même devait être héréticpie dans son contenu. Les fragments qui nous en ont été conservés montrent qu’il renfermait les sentences les plus étranges sur la nature de l'àme et la légitimité du mariage. A supposer donc — chose impossible à vérilier — qu’il ait été rédigé avec un certain nombre d'éléments anciens et des traditions primitives, il faut reconnaître que ces éléments anciens y ont été fortement mélangés de nouveautés bizarres et suspectes. Dans ces conditions, l’ouvrage ne pourrait soutenir sérieusement la comparaison avec les Evangiles canoniques, pour la pureté et la primitivité du contenu.

Il faut en dire autant de VEvangile selon les Hébreux. L’origine de cet écrit est assez mystérieuse. On a les meilleures raisons pour douter qu’il se rattache à l’Evangile primitif hébreu, attribué à saint Matthieu. Un examen attentif des fragments existants tend à persuader que c'était beaucoup plutôt une traduction araméenne de notre premier Evangile grec canonique, faite fort librement, abrégée en certaines parties, glosée en d’autres d’une manière très tendancieuse, et mêlée de détails reposant peutêtre sur un certain fond traditionnel ou simplement créés par l’imagination. On ne peut plus grotescque est le passage qu’Origène a relevé : « Ma mère, l’Esprit Saint, me saisit par un de mes cheveux, et me transporta sur la grande montagne du Thabor. » De telles fantaisies recommandent fort peu le document cjui les contient. Rien ne permet de le comparer, pour la valeur historique, à nos écrits sacrés. Cf. P. Batiffol. Six leçons sur les Es-angiles, ! ^ édit., Paris, 1897, p. 37 ; V. Rose, Etudes sur les E’angiles, Paris, 1902, p. 22 sq.

2. — Au point de 'ue de Vusage dans les Eglises. — M. Harnack fait grand état de ce que les Evangiles selon les Hébreux et selon les Egyptiens sont cités encore, vers l’an 200, par Clément d’Alexandrie, de ce que à Rome, vers 166, la 11^ Epitre de saint Clément utilise le second de ces évangiles, enfin de ce que l’Evangile même selon Pierre, exploité jjar saint Justin à Rome, vers 150, était encore lu dans l’Eglise de Rhossus, avant la lettre de Sérapion, en 206.

Mais cette utilisation partielle des apocryphes n’inqilique aucunement qu’ils aient été mis par les écrivains qui les citent sur le même pied que les canoniques. La jn-euve en est que Clément d’Alexandrie, tout en citant à plusieurs i*eprises un passage de l’Evangile selon les Egyptiens et une fois l’Evangile selon les IIéi)reux, ne s’en tient pas moins très fermement aux quatre Evangiles traditionnels, qiu^ seuls il reconnaît comme approuvés par l’Eglise. Il a soin de noter que l’Evangile selon les Egyptiens est aux mains de gnosti<iues, comme Cassien etThéodote, et qu’il se trouve en dehors des k quatre Evangik’s qui nous ont été transmis. » De même, Sérapion n’avait permis aux fidèles de Rhossus de lire l’Evangile selon Pierre que pour donner satisfaction à ceux qui goûtaient cet écrit, et parce qu’il le croyait exenqit d’errcui-. Il avait si peu prétendu l'égaler aux autres, qu’il n’eut la pensée de le lire lui-même qu’en apprenant les al)us auxcpiels avait prêté sa doctrine.

On conquend donc bien que tel ou tel apocryphe ait pu être admis çà et là, et utilisé pendant un certain temps, sans cpie cela ait nui le moins du monde à la canonicité pratique des Evangiles traditionnels. C’est ainsi que les écrivains et prédicateurs du moyen âge ont exploité les conceptions fantaisistes des IV' et V' siècles, sans le moindre préjudice pour leur foi en l’autorité exceptionnelle de nos quatre Evangiles. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du N. T., Paris, 1891, p. 86-87.

La fortune du tétramorphe a tenu à ce que chacun