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FIN DU MONDE

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(Matthieu), S. Marc écrit « avant qu’ils n’aient vu le règne de Dieu venu en puissance », et S. Luc h avant de voir le règne de Dieu ». Nous avons donc l’équivalence, conjecturée déjà à propos de S. Matthieu, x, 26, des formules Fils de l homme el royaume ou règne de Dieu. Et s’il est possible que la leçon de S. Matthieu soit primitive et que Jésus ait réellement dit : Fils de l’homme, il n’en reste pas moins que S. Marc et S. Luc l’ont interprétée ici comme signitiant royaume ou règne, ce qui est, dans Daniel, vii, 13, son sens premier. Mais toute venue du royaume ou du règne, même « en puissance », c’est-à-dire par l’action de la puissance divine (cf. le sens de cette formule dans S. Paul), n’est pas la parousie. Il y a donc de solides raisons de penser que, ni dans la bouche de Jésus, ni dans S. Marc el S. Luc, ni même dans S. Matthieu, le logion en question ne vise la parousie et la tin du monde.

3" L’interrogatoire de Jésus devant le Sanhédrin a été rapporté avec quelques différences par les synoptiques. S. Matthieu, xxvi, 63 s. écrit : « Or Jésus se lut. Le grand-prétre lui dit : Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si lu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus lui dit : Tu l’as dit. D’ailleurs, je vous le dis, désormais vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance, et venant sur les nuées du ciel. » —.S. Marc, xvi, 61 s. : « Or il se tut et ne répondit rien. Le gi-and-prêtre l’interrogea de nouveau et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Béni ? Jésus dit : Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance, et venant avec les nuées du ciel. » —.">'. Luc, xxiii. Go s. : « Ils dirent : Si tu es le Christ, dis-le nous. Il leur dit : Si je vous le dis, vous ne croirez pas, et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu. Ils dirent tous : Tu es donc le Fils de Dieu ? Il leur dit : Vous dites que je le suis. »

La version de S. Luc est d’une grande clarté, et il n’est guère douteux qu’il ait mieux rendu la teneui" distincte et l’ordre des interrogations que les deux autres synoptiques. Une première question est d’abord posée par les sanhédrites, celle-là même que la situation requiert et que le lecteur attend : « Si tu es le Christ, dis-le nous. » La réponse de Jésus revient à ceci : a Je le suis en vérité, malgré qu’à considérer mon apparence extérieure et ma condition présente, vous puissiez éprouver quelque difficulté à me reconnaître pour tel. Mais bientôt je serai élevé au ciel et glorilié. Bientôt je serai assis à la droite de la puissance de Dieu, ainsi que, d’après Daniel, vii, 13, il appartient au Messie. » — « A la droite de la puissance de Dieu ! Mais c’est la place et le rang, non pas d’une simple créature comme le Messie, mais d’un Fils de Dieu ! Tu es donc le Fils même de Dieu ? » — « Vous l’avez dit. » Les réponses de Jésus s’adaptent parfaitement aux questions posées, une progression très satisfaisante se remarque dans les unes et dans les autres. On lui demande qui il est. Il répond, comme de juste, en déclarant ce qu’il est, le Messie tel que l’a vu Daniel et le Fils même de Dieu. La itarousie n’a rien à faij-e ici, et il n’est nullement question d’elle.

Le récit de S. Matthieu el de S. Marc est moins satisfaisant en ce qui regarde l’ordre des questions. Il semble, au contraire, reproduire plus lldèlement la teneur même de a réponse de Jésus. Or au lieu de la formule limpide de S. Luc, S. Marc, par exemple, a : « Vous verrez le Fils de l’homiue assis à la droite de la puissance, el venant ave< ; les nuées ilu ciel. » L’aspect est tout différent, et la première impression est que Jésus a en vue son glorieux avènement, la parousie. Examinons la chose de plus près. Il faut observer d’abord que si, pour composer son récit

dont l’ordonnance générale est bien supérieure à ce que nous trouvons ailleurs, S. Luc a vraisemblablement utilisé des informations particulières, il n’en est pas moins admis qu’il avait sous les yeux le texte de S. Marc. Et comme on n’aperçoit pas en lui la moindre intention de corriger les affirmations de son prédécesseur et de les contredire, il faut supposer qu’il ne faisait pas de différence pour le sens entre son proprerécitel celui du second évangile. De plus, si le texte de S. Marc et de S. Matthieu était à prendre littéralement et dans un sens eschatologique, s’il s’agissait vraiment d’une vision que Jésus serait censé promettre aux sanhédrites, cette vision n’aurait pas seulement pour objet lapaxousie proprement dite, mais quelque chose d’autre encore et d’antérieur, à savoir la séance à la droite du Père. Ce serait un privilège unique et c’est plus qu’invraisemblable. Et puis qui ne voit l’étrangeté d’une telle réponse, étant donné la question posée. On demande à Jésus ce qu’il est. Il répondi’ait en annonçant le parousie ! Ce qu’on attend, c’est une formule définissant sa mission et ses titres. Ne sei-ait-ce point là le vrai caractère et le sens réel de la réponse que lui attribuent S. Marc et S. Matthieu ? Cette réponse est constituée, à n’en pouvoir douter, par une citation de Daniel, vii, 13, dont la signification se trouve légèrement précisée. Mais dans la vision fameuse de Daniel, il n’est pas question de la parousie en tant qu’épisode spécial de l’histoire du royaume des saints et de son chef, mais indistinctement des prérogatives et des destinées de l’un et de l’autre. De même S. Marc et S. Matthieu voient dans la réponse qu’ils attribuent au Maître, non point l’annonce de son retour glorieux pour une date très prochaine, mais une afiii-malion et une description, en style apocaljptique, de sa qualité et de ses prérogatives de Messie. S. Luc a très exactement traduit la formule « vous verrez », imposée par le texte de Daniel, par le terme proprement narratif « sera ».

4° Quelques autres passages des synoptiques sont interprétés par certains critiques, et sans plus de fondement que les précédents, comme des annonces de la parousie prochaine. C’est le cas, en particulier, de ti. Matthieu, xxiii, 34-38, S. Luc, xi, 49"^ 5 XIII, 34 (A. LoisY, /.es évangiles synoptiques, II, 1908, p. 388 s.). Il s’agit de l’épilogue du discours contre les pharisiens. On y lit : « Voici qu’on vous laissera voire demeure ! Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais que vous ne disiez : Béni soil celui qui vient au nom du Seigneur » (Matth., xxiii, 38), et : « Je ^ous le dis, vous ne me verrez plus avant qu’arrive le moment où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » (Luc, xiii, 35.) S. Luc, qui a coupé en deux le discours que nous avons dans S. Matthieu, l’a de plus transporté avant l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Faut-il en conclure qu’à son avis la prédiction de Jésus a trouvé sa réalisation dans les acclamations dont retentirent en ce jour-là les pentes du mont des Oliviers et la Aille même de Jérusalem ? Il ne semble pas. Aussi bien ces acclamations ne lurent-elles nullement le fait des phai-isiens. En outre, le contexte donné par S. Matthieu à la parole que nous étudions est de beaucoup plus satisfaisant. Or dans le premier évangile, le discours contre les pharisiens est postérieur à l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem. Que vise donc celle déclaration ? Tout d’abord, lorsque Jésus dit : « Vous ne me verrez plus que vous, etc. », il n’a pas tant en vue le groupe de pharisiens qui l’écoutenl, que le peuple juif dans son ensemble, rebelle jusqu’ici à son action. Cela ressort particulièrement de N. Matthieu, xxiii, 35, où la pensée de Jésus embrasse toute la suite de l’histoire