Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/970

Cette page n’a pas encore été corrigée

1923

FIN DU MONDE

1924

et préoccupations de la première génération ciirétienne. Sans rien ajouter de son propre fonds, en groupant simplement des pai-oles prononcées par Jésus en diverses circonstances, en colorant peut-être un peu quelques-unes de ces paroles, S. Matthieu aurait abouti à créer un ensemble, un bloc eschatologique plus imposant et plus impressionnant que des logia ou des paraboles détachés et dispersés.

S. Luc se rapproche beaucoup de S. Marc. Chez lui aussi, la question posée est unique et vise simplement la ruine du temple. A ce thème répondent les sections XXI, 8-g, 10-19, 20-24, 28-33. En revanche, les sections 25-2’j, 34-36, se réfèrent à un autre cycle d’événements et qui s’inscrit visiblement dans une autre perspective, celui de la parousie et de la lin du monde. Entre ces deux séries de faits s’interpose « le temps des nations » (32). Le verset 31, qui pourrait faii-e difficulté : « De même vous aussi, quand vous verrez arriver ces choses (à savoir, dans notre hypothèse, les événements précurseurs de la ruine de Jérusalem et de la dispersion du peuple juif), sachez que le règne de Dieu est proche », que s votre délivrance approche)> (28), doit viser, comme d’autres textes semblables, non pas le dernier avènement, la pai’ousie, mais la triomphale expansion de l’Evangile, du roj’aume messianique, à partir de la ruine de Jérusalem.

« Luc, écrit le P. Lagrange, s’est abstenu de

dire que le Fils ne connaissait pas le jour du jugement, et il n’a pas insisté sur le retard possible de la parousie. Mais, plus clairement encore que Marc, il a opposé l’événement historique qui dcvait avoir des signes présages et qtii inaugui’ait une période nouvelle, et le jour de la fin soudaine. » (Loco laud., p. 407.)

La valeur de ces considérations exégétiques est indépendante des hypothèses littéraires qu’y joint le P. Lagrange et qui consistent à distinguer dans le discours eschatologique, assimilable de ce chef au Sermon sur la montagne, plusieurs discours prononcés par Jésus en différentes circonstances et combinés par Marc et par les autres synoptiques ou par leur source. Ces hypothèses, dont l’exposé nous entraînerait trop loin et pour lesquelles nous renvoyons à la Revue Biblique (article cité), ajoutent un surcroit de force aux conclusions que la seule exégèse autorise sutlisamment. Nous y avons fait appel cependant pour expliquer le discours de S. Matthieu.

En lin de compte, rien, dans le discours eschatologique, ne permet de dire que Jésus ait enseigné l’imminence ou même la proximité de la lin du monde.

B. Autres textes. — Les textes ont été étudiés par le P. Lagrange encore (Rei>ue Biblique, 1906, pp. 56j5’j4’l’avènement du Seigneur), et par M. A. Cel-LiNi (La Scuola Cattolica, 1907, II, pp. 17-30, 167-167, 296-305, 414-425, 027-543, 670-686 : La questiune parusiaca). Nous devons nous borner à quelques brefs éclaii’cissements, pour lesquels nous suivrons surtout le P. Lagrange.

1° On lit dans S. Matthieu, x, 23 : « Et quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre, car, je vous le dis en vérité, vous ne finirez pas les villes d’Israël avant que vienne le Fils de l’homme. » Cette parole forme, en S. Matthieu, la conclusion d’un discovu’s adressé par Jésus à ses disciples au moment de les envojer en mission à travers les cités et les bourgs de Palestine. La perspective chronologique, de même que l’horizon géographique, sont très limités et comprennent tout au plus, outre la mission dont les apôtres reviendront bientcM, cette évangélisation d’Israël qui doit précéder, d’après d’autres textes, l’apostolat auprès des Gentils. Il n’y a pas lieu d’étendre le sens de l’expression : villes d’Israël,

qui doit s’entendre des cités palestiniennes. Mais alors, que signitie la parole du Maître, que les disciples ne Uniront pas les villes d’Israël avant que vienne le Fils de l’homme ? Serait-ce la parousie dont la proximité se trouverait ainsi affirmée avec une clarté indéniable, quoique de façon assez imprécise ? Tout dépend du sens à attribuer à l’expression Fils de l’homme et venue du Fils de l’homme. Le sens est à déterminer d’après Daniel, vii, 13, où il est manifeste que Fils de l’homme, aA’ant de désigner le Roimessie, le chef du royaume, symbolise ce royaume lui-même, le règne des saints. Il est extrêmement vraisemblable que S. Matthieu prend ici l’expression dans ce dernier sens et que, par la venue du Fils de l’homme, il entend cette magnitique et soudaine extension du règne messianique que constituera la conversion des Gentils. C’est la seule interprétation qui soit vraiment compatible avec le contexte.

2"^ Cette exégèse va être continuée par l’examen d’un autre groupe de textes qu’il nous faut maintenant essayer d’éclaircir (JLatt., xvi, 27-28 ; Marc, ix, I ; Luc, IX, 27). On lit dans S. Matthieu, à l’endroit indiqué : « Carie Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. Je vous le dis en vérité, il y en a parmi ceux qui sont ici présents quelques-uns qui ne goûteront pas la mort avant de voir le Fils de l’homme venant dans son règne. » Le premier de ces logia est manifestement eschatologique. Il s’agit du jugement dernier, de la glorieuse parousie et de la tin du monde qui la suit. Mais aucune date n’est donnée ni même suggérée. Le second logion doit-il s’entendre dans le même sens et des mêmes faits ? De graves motifs s’opposent à ce que l’on prête à S. Matthieu la conviction que la parousie doive se produire a-ant que tous les disciples immédiats de Jésus aient disparu, et plus encore que l’on attribue une pareille déclaration à Jésus lui-même. Une partie considérable des récits et des discours que nous lisons dans le premier évangile deviendrait inintelligible et, conformément à l’opinion des eschatologistes conséquents, serait à regai’der comme inautheiitique. Il importe donc d’examiner la chose de près. Etant donnés les procédés de composition des synoptiques et tout pai-ticulièrement de S. Matthieu, il est permis de se demander si ces deux logia font vraiment corps et si leur rapprochement ne serait pas le fait del’évangéliste, qui n’aurait pas pris garde au danger de confusion pouvant résulter de cette juxtaposition. Dans S. Marc, leui" solidarité est moins fortement marquée. « Car si quelqu’un a honte de moi, écrit-il, et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme, lui aussi, aurahontede luiquand il viendra dans la gloire de son Père avec les anges saints. Et il leur dit : En vérité je vous le dis, il en est parmi ceux qui sont ici présents qui ne goviteronl pas la mort avant qu’ils n’aient vu le règne de Dieu venu en puissance. » Le second logion de S. Matthieu est pourvu dans S. Marc d’une clausule spéciale d’introduction qui tend à le distinguer plus fortement du premier. Aussi bien, dans les trois évangiles, semble-t-il ne pas avoir, quant au sens, de lien essentiel avec le contexte où il se trouve présentement. Il est fort possible ^ue, prononcé par Jésus en quelque autre ch’constance, il ait été inséré en cette place par S. Marc. S. Matthieu et S. Luc auraient transcrit le tout en effaçant les dernières traces de l’indépendance originelle des deux logia.

Mais le texte de S. Marc et celui de S. Luc offrent un autre intérêt, tout à fait indépendant de l’hypothèse qui vient d’être proposée. Au lieu de « avant de VOLT le Fils de l’homme venant dans son royaume »