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APOCRYPHES

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lie miracles la naissance du Sauveur ; mais ces miracles ne ressemblent en rien aux tours de sorcellerie, aux exhibitions g : rotesques, aux démonstrations ridicules, qui abondent dans les apocryphes, mêlés à de o-rossiers anachronismes et à des erreurs de représentation manifestes. Ils sont tels qu’on est en droit de les attendre si Jésus est vraiment, dès l’origine, le Christ Fils de Dieu.

L'éclat qu’ils projettent sur son berceau est d’ailleurs compensé par des ombres étonnantes. Des anges le révèlent à des bergers, mais lui-même est représenté petit enfant, enveloppé de langes, dans une crèche, méconnu et repoussé du monde, ses parents n’ajant ])u trouver de place au caravansérail de Bethléem. Une étoile merveilleuse lui amène des mages de l’Orient, mais aussitôt après il faut qu’il fuie au plus vite : la colère d’Hérode le menace, et il doit s’y soustraire par l’exil. Jamais nos apocryphes n’auraient introduit ces traits d’humilité surprenante ; la preuve en est cju’ils n’ajoutent pas un seul détail de ce genre et que tout ce qu’ils tirent de leur fond est pour rehausser la grandeur de Jésus. Lorsque furent rédigés les Synoptiques, l’Eglise se représentait depuis longtemps le Christ comme vrai Fils de Dieu, ayant préexisté à sa venue sur la terre et désormais immortel dans la gloire céleste : si donc nos évangélistes avaient écrit d’imagination ou reproduit le travail de la foi à leur époque, n’auraient-ils pas imprimé à leur œuvre le cachet que nous trouvons aux compositions apocryphes ? Le fait qu’ils représentent tout autrement la naissance de Jésus, son exil en Egypte, sa vie cachée à Nazareth, est une garantie très sérieuse d’historicité.

Les Evangiles canoniques témoignent également en faveur de l’enfantement virginal de Marie ; mais quelle différence encore dans leur manière de faire valoir ce glorieux mystère !

Il est impossible de ne pas être frappé par la sobriété de saint Luc dans le récit de l’Annonciation, la réserve de saint Matthieu à propos du doute de Joseph, l'étonnante discrétion que les deux évangélistes attribuent à la Vierge et à son chaste époux. Rien, dans le cours de la vie publicjue racontée par nos écrivains sacrés, ne vient mettre en lumière le fait de la naissance Airginale. Au contraire, on ne craint pas de dire et de répéter que Joseph passe pour être le père de Jésus et que, dans l’entourage du Sauveur, on parle de ses frères et de ses sœurs. Dans ce ministère public, Marie elle-même n’a qu’un rôle très effacé. Ni saint Matthieu ni saint Luc, qui savent sa dignité incomparable, ne cherchent à la tirer de l’ombre relative où il a plu à son divin Fils (le la laisser. Ils ne dissimulent rien de l’attitude extérieure du Christ à son égard ; ils ne suppriment aucune de ces paroles mystérieuses qui paraissent diminuer la grandeur de la Vierge, et ne songent iiiênie pas à en corriger l’effet. C’est, en face de la jiréoccupation doctrinale des apocryphes, la preuve de l’absolue loyauté de nos historiens sacrés.

D’une façon générale, les évangiles apocryphes, par l’impression qu’ils donnent du fantastique et de l’arliliciel, font plus vivement sentir ce <jue les canoniques, dans leur ensemble et dans leurs détails, contiennent de sincère et de réel. C’est la manifestation du vrai par la comparaison du faux, la mise en évidence de riiistoire par le contraste de la contre-façon.

« On remarquera, écrivait Renan dans V Introduction à sa Vie de Jésus, l’i' édit., 1867, p. lxxxviii, 

que je n’ai fait nul usage des Evangiles apocryphes. Ces compositions ne doivent être en aucune façon mises sur le même pied rpie les Evangiles canoni^lues. » « C’est, répète-t-il ailleurs, Vl-Jf^lise c/irétiennc, 2= édit., 187g, p. 505, faire injure à la littérature

chrétienne que de mettre sur le même pied ces plates compositions et les chefs-d’amvre de Marc, de Luc, de Matthieu. »

Deuxième GROUPE : jE’rf/Tz^/'/es apocryphes, fragmentaires ou perdus, du II' siècle.

Notice. — Notre deuxième groupe comprend 14 évangiles apocryphes que les critiques sont unanimes à regarder comme des compositions du ne siècle.

Dix sont totalement perdus. Nous savons seulement qu’ils circulaient parmi les sectes gnosticiues entre les années 150 et 200. Sur ces dix évangiles, cpiatre portent le nom de gnostiques fameux : ce sont les E’angiles de Cérinthe, de Basilide, à'Apelles et de Valent in. Six autres sont marqués au nom d’un apôtre : ce sont les Es-angiles d’André, de Barthélémy, de Thaddée, de Judas l’Iscariote, de Matthias et de Barnabe.

Restent donc quatre écrits, dont nous possédons des fragments, plus ou moins considérables, qui nous permettent de nous en faire une idée et de conjecturer ce que devaient être les évangiles, aujourd’hui perdus, qui avaient cours avec eux dans les mêmes milieux. Ce sont :

1° UEs’angile de Marcion, rédigé entre 11b et i^o. Au témoignage de saint Irénée, Contra IIær., , xxvii, et III, XII, Marcion n’aurait fait que mutiler et abréger l’Evangile de saint Luc selon ses tendances gnostiques. Ce que l’on connaît de son œuvre par les nombreuses citations des écrivains ecclésiastiques, en particulier de Tertullien, confirme décisivenient cette appréciation, aujourd’hui admise de la généralité des critiques. Cf. Zahn, Geschichte des Aeutest. Kanons, t. I, p. 6 ; 4 sq.

2° L’E^'angile des douze apôtres, connu d’Origène, date probablement de la fin du 11* siècle. Les fragments que nous en a conservés saint Epiphane, Ilær., XXX, 13-22, sont étroitement apparentés avec les Evangiles canoniques, particulièrement avec celui de saint Matthieu, sauf deux où sont exprimées les tendances antisacrificielles et les pratiques végétariennes de la secte ébionite, dite des Elkasaïtes. On peut donc souscrire pleinement au jugement de saint Epiphane, qui voyait dans cet écrit une falsification de l’Evangile de saint Matthieu, adapté par les Elkasaïtes à leurs préoccupations de secte. — Fragments dans Harnack, op. cit., 1" part., t. I, p. 200 sq. ; Nestlé, iVoi'/ Testamenti græci supplementuni, Leipsick, 1896, p. ^5, ;  ; 6 ; Preuschen, Aiitilegomena, Giessen, 1905, p. 10 sq. ; fragments coptes édités par Réilloiit, Patrologia orientalis, 11, 2.

3" JE’angile selon Philippe est de la même époque. Saint Epiphane le montre en usage dans des cercles gnostiques égyptiens. Il en reproduit une sentence qui accuse des idées fort étranges sur les épreuves qui attendent l'àme, après la mort, dans la traversée des divers cieux, et en même temps des tendances nettement hérétiques touchant la légitimité du mariage. — Fragment dans Ilarnack, op. cit., Il' part., t. I, p. 5g2 ; Nestlé, op. cit., p. 74 ; Preuschen, op. cit., p. 15.

4° L’Eiungile selon Pierre, mentionné expressément ])ar Séra])ion, évèfjue d’Antioche, vers 190, dans ilusèbe, I/ist. eccl., VI, xii, est rapporté par les criticjues soit à la période iSo-i^o, soit à la période iio-130, suivant qu’ils admettent ou non son utilisation i)ar saint Justin. Un fragment de cet évangile a été découvert, en 1886, à Aklimim (Haute-Egypte), par la mission archéologiqiu- française, et publié en 1892 jiar M. Rouriant. Ce « fragment d’Akhmim » contient le récit de la Passion, à i)artir du moment où Pilate, se lavant les mains, livre Jésus, et il se poursuit jusqu’après la résurrection, à l’apparition