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FIN DU MONDE

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maintenant aborder l’étude directe des évangiles synoptiques avec, comme dessein principal, celui de découvrir la propre doctrine du Sauveur sur la fin du monde, en la dégageant éventuellement des commentaires ou des accentuations que les évangélistes auraient pu y ajouter.

Les Sj’noptiquesnous ont conservé certaines paroles de Jésus en opposition formelle avec leur vif désir d’être renseignés touchant l’époque de la parousie et dont par suite la rigoureuse autlienticité ne saurait être mise en doute. Il importe de ne point les perdre de vue au moment de s’engager dans une étude détaillée des textes eschatologiques. A deux reprises au moins, Jésus a déclaré que la date de la parousie était le secret du Père et ne pouvait être révélée aux Loiumes. >'. Matthieu, xxiv, 36, et >'. Marc, xiii, 32, disent « le jour et l’heure »,.S. Marc, xiii, 33, « le temps », les Actes des Apôtres, i, 7, « les temps ou les moments ». Ces différentes formules semblent devoir s’entendre non pas du jour et de l’heure au sens strict, tel jour et à telle heure, mais de l’époque même à laquelle se produira la parousie, à savoir dans un siècle, dans dix siècles ou dans cent. Donc de l’aveu même des évangélistes, Jésus aurait déclaré que personne ne savait et qu’il n’avait pas à révéler l’époque de son retour et de la lin du monde. Dans ces conditions, il serait inconcevable qu’il ait pu dire que la parousie se produirait avant la disparition de la génération qui l’écoutait. C’eût été une détermination fort précise de l’époque censée inconnue de la fin du monde.

A. Discours eschatologique. — Ce discours est rapporté par S. Marc au ch. xiii, i-Z-), par S. Matthieu aux ch. XXIV, i-xxv, 46, par S. Luc au ch. xxi, 5-36. On connaît la pénétrante étude que lui a consacrée dernièrement le R. P. Laguange, sous ce titre : L avènement du Fils de Vhomme (Revue Biblique, 1906, pp. 382-4 1 1). Je ne puis mieux faire que d’en résumer ici, en y ajoutant quelques brèves remarques, les principales conclusions. (Voir aussi l’article de M. E. Mangenot : Fin du monde, dans le Dictionnaire de la Bible, tome II, 1899, col. 2267 et ss. ; A. Cellini. Saggio storico-critico di esegesi biblica sulla inlerpretazione del sermone escatologico, 1905.)

Dans S. Marc, le discours eschatologique est introduit par une question des apôtres Pierre, Jacques et Jean, ainsi formulée : « Dis-nous quand cela arrivera (la ruine du temple), et quel sera le signe quand tout cela devra être consommé. » (xiii, h^O Comme l’observe le P. Lagrangk, ce thème en lui-même ne comportait aucune allusion à l’avènement de Jésus. Voyons la réponse du Maître, telle qu’elle est rapportée par l’évangéliste. Les versets 5-8, 14-18, 28-31 et sans doute aussi 9-1 3 répondent directement à la question posée et traitent efi’ectivement le thème annoncé : ruine du temple et de Jérusalem. Par contre, les versets 19-20. 21-23, 24-27. 32-3^ développent un thème manifestement différent, qui ne ])eut être que la parousie et la fin du monde et qui, pour S. Marc lui-même, appartient à un autre plan, se situe dans une autre perspective. La distinction de ces deux tliènies et la diversité de leurs plans respectifs apparaît plus clairement encore si l’on observe que les développements les concernant se succèdent selon une sorte d’alternance rythmique, familière à tous ceux qui ont étudié les prophètes. Au premier thème : ruine du temple et de Jérusalem, se rattache la déclaration :

« Je vous le dis en vérité, cette génération

ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. » (30.)

« Tout cela » s’entend des prédictions annoncées aux

versets 5-8, g-iS, 14-18, 28-31, et, détail à remarquer, répond littéralement au « tout cela 1 de la question

posée par les apôtres et qui ne visait pas la parousie (4). Au second thème : parousie et fin du monde, se rapporte cette autre parole, d’ailleurs incompatible avec la précédente déclaration : « Or quant à ce jour ou à [cette] heure, personne ne sait, pas même les anges dans le ciel, ni le Fils, mais seulement le Père. » (32.) Il n’y a donc pas lieu de prétendre que S. Marc prête à Jésus ou ait lui-même cette conviction que la parousie et la ruine de Jérusalem sont des événements chronologiquement liés et qui doivent se produire l’un et l’autre avant que les auditeurs du Maître aient tous disparu. On ne peut même pas dire que la proximité de la parousie soit insinuée. Sans doute des conseils sont donnés aux apôtres sur la manière dont ils doivent se comporter en l’attendant, mais la perspective se trouve brusquement élargie lorsque Jésus conclut : « Ce que je vous dis, je le dis à tous (ceux qui viendront après vous) : Veillez. » (37.)

Dans S. Matthieu, la question qui ouvre le discours eschatologique énonce deux thèmes différents : « Dis-nous quand cela arrivera (la ruine du temple) et quel sera le signe de ton avènement et de la consommation du siècle ? » (xxiv, 3.) Le discours lui-même est beaucoup plus considérable que dans S. Marc et se prolonge par des conseils sur la conduite à tenir en attendant que se produise la parousie. La partie parallèle au discours de S. Marc est contenue dans le ch. XXIV. Les développements s’en laissent distribuer, comme dans le second évangile, en deux séries qui correspondent aux deux thèmes énoncés dans la question initiale : 1° xxn’, 4-8, 9-1 4, 15-20. 32-35 ; 2° XXIV, 21-22, 23-28, 29-81, 36-42. Les développements de la première série sont étroitement parallèles à ceux de S. Marc, si ce n’est que Matt., xxiv, 9-14 présente un caractère eschatologique plus accentué que Marc, xiii, 9-13. Cette accentuation est secondaire et attribuable à l’auteur du premier évangile. L’autre série de développements offre en revanche quelques éléments nouveaux ou des manières de voir étrangères à S. Marc. Mais cela ne modifie pas, sur le point qui nous intéresse, le sens général du morceau. Deux événements distincts y sont annoncés, qui n’appartiennent, ni pour Jésus, ni même pour l’évangéliste, au même plan chronologique, à savoir la ruine du temple et de Jérusalem et la parousie. Le tot£ qui, au V. 21, ouvre la série des prédictions relatives à la parousie, semble intervenir ici en qualité de terme technique désignant l’époque eschatologique considérée en elle-même, et n’offre avec ce qui précède aucun rapport chronologique saisissable. Quant à Vtxjd’Mç, du V. 29, il se réfère à des événements qui appartiennent déjà à la crise eschatologique (23-28). Le

« tout cela » du v. 34 se rapporte au « tout cela » 

du V. 33, qui désigne les signes ]>récurseurs de la catastrophe dont Jérusalem doit être la victime et qui sont décrits aux versets 4-14 Les sections qui suivent (xxiv, 43-xxv, 46) insistent longuement sur l’incertitude de la date de la parousie et sur la soudaineté do sa venue et, sous diverses formes, recommandent la fidélité et la vigilance. L’impression donnée par ces recommandations est, non pas que l’évangéliste regarde la fin du monde comme imminente, mais plutôt qu’il prévoit et redoute sa tardive venue. Il semble craindre que l’attente des chrétiens ne se lasse. Ce qui distingue principalement le discours de S. Matthieu de celui de S. Marc, c’est que la préoccupation et l’annonce de la parousie occupent matéricilemrnt beaucoup plus de place dans le premier que dans le second. Il se pourrait qu’avec S. Marc nous soyons plus proches de l’état d’esprit de Jésus lui-même et que dans S. Matthieu nous rencontrions quelque chose des sentiments

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