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1907

FETICIDE THERAPEUTIQUE

1908

loi morale et le droit de l’Eglise (Sixte V. Effrenatiim, 29 oct. 1588, collât, cum Grkgoire XIV, Sedes apostnlica, 1691 ; Pie IX, Apostolicæ Sedis, 1869, ser. III, n. 2) pour le condamner. Notons seulement avec une douloui’euse surprise que, depuis quelques années, on constate, dans une partie du monde médical, une tendance à restreindre étrangement la notion du féticide criminel. Une enquête de la Revue médicale de Paris, en février 1903, a révélé qu’aux yeux de certains spécialistes le féticide est légitimé quand on le tente dans le but unique d’éteindre les tares héréditaires ou même de limiter les charges de la nutrition. Ce que nous dirons plus bas du féticide strictement thérapeutique vaudra, a fortiori, contre ces théories malsaines.

Xous ne nous occupons pas non plus de l’accouchement prématuré et de l’extirpation du fruit quand le fétus est déjà viable. Ces opérations sont licites, si des nîotifs graves les justifient et si l’on prend les moyens opportuns pour pourvoir à la conservation de l’enfant.

Nous envisageons uniquement le cas où l’intervention médicale se produit avant que le fétus soit viable et quand cependant il est encore vivant (quoique, peut-être, déjà moribond). Réduite à ces termes, l’intervention est jugée permise par nombre de praticiens. Pour les uns ses indications sont fréquentes ; d’autres, plus réservés, la recommandent au moins dans le cas où l’interruption de la grossesse est le seul moyen de sauver la mère, si surtout le fruit, qu’il reste ou non dans les organes de la gestation, est fatalement condamné à périr.

L’Eglise au contraire donne une réponse plus rigoureuse. Cette réponse se trouvera justifiée, si l’on en comprend les principes et les termes exacts.

II. Principes de solution. — Trois principes dominent cette matière :

1° Dès qu’il est animé (c’est-à-dire, au sentiment aujourd’hui commun, dès le commencement de sa conception), l’embryon est une personne humaine.

Ce n’est pas, comme on l’a écrit, un simple « humus moléculaire », une « physicochimie vivante » {Chronique médicale de Paris, février 1909). c’est un être doué d’une âme raisonnable et immortelle. Sa vie est aussi inviolable que celle de sa mère : le cinquième commandement de Dieu défend d’y attenter au même titre qu’il défend l’homicide.

2° Nonobstant ce commandement, Vhomicide indirect est permis pour des causes graves et proportionnées ; pareillement sera licite la destruction indirecte du fétus. Elle se vérifie, quand les moyens emploj^és par l’opérateur ont pour but et pour effet direct et immédiat la guérison de la mère, bien qu’en même temps ils aient pour conséquence la mort de son fruit. On suppose donc que la destruction ou l’extirpation prématurée du germe n’est pas le moyen pris pour sauver la mère, que sa guérison se fait indépendamment de cet accident par l’elTicacité propre du remède : 1a mort du germe n’est que concomitante ; la guérison de la mère est le résultat non de la destruction ou de l’extirpation de l’enfant, mais du traitement cpxi a déterminé cet accident. Dans ces conditions, une règle générale de théologie morale trouve son application : quand d’une cause honnête ou indifférente en elle-même procèdent immédiatement deux effets : l’un Ijon, l’autre mauvais ; il est permis, pour des motifs suffisants, de poser la cause en vue d’atteindre le bon effet : on laisse alors se produire aussi le mauvais ; les motifs proportionnellement graves qu’on a eus d’assurer le bien compensent les inconvénients du mal. On ne fait pas le mal pour obtenir le bien (puisque le bien n’est pas, dans l’hypothèse.

un effet du mal) ; niais on cherche le bien, quoique le mal se produise en même temps. C’est ce principe, qui autorise un chef, en temps de guerre, à prendre contre l’ennemi des mesures dont les non-belligérants auront à souffrir.

3° Mais il n’est jamais peimiis de commettre directement l’homicide ; il n’est donc jamais permis de pratiquer directement la destruction du fétus. Cette destruction est directe, cliaque fois qu’elle est Aoulue eirecherchécoupourelle-jnrmeou comme moyen d’arriver à un but ultérieur. Ce but fùt-il honnête, l’opérateur et ses complices pécheraient gravement, parce que la lin ne justifie pas les moyens : un but louable n’autorise pas à tuer un innocent.

III. Le Saint-Office et l’application des principes. — Sur ces principes, tous les théologiens catholiques sont d’accord. Le dissentiment se produisit entre eux sur quelques-unes des applications : les uns y voyaient une atteinte directe à la Aie du fétus, et les autres une destruction simplement indirecte. Depuis une trentaine d’années des décisions du Saint-Office sont intervenues et ont fixé, pour les principales espèces, le sentiment commun des théologiens. Ces décisions se rapportent à Vemhryotomie, à Vavortement médical et à l’extraction des fruits ectopiques par la laparotomie ou d’autres incisions analogues.

i » Emhryotomie. — Le 31 mai 1884 le Saint-OfBce déclara qu’on ne pouvait « enseigner avec sécurité » la licéité de l’opération appelée craniotomie, même dans le cas où sa réalisation sauverait la mère tandis que son omission entraînerait à la fois la mort de celleci et la mort de son fruit. Cette opération consiste à perforer la tête du fétus : elle constitue donc un attentat direct à son existence et par conséquent un homicide. La destruction du fruit est le moyen de salut pour la mère. Il faudrait porter le même jugement au sujet delà décollation de l’embryon et des autres opérations qui par le fer, le poison, l’électricité ou tout autre procédé entraîneraient la mort. Aussi, interrogé par l’archevêque de Cambrai sur des opérations craniotomiæ ad finibus^ le Saint-Office répondit de nouveau le ig aoiit 1889 : n Tuto doceri nonposse licitam esse… quamcumque chirurgicani operationem directe occisi’vam foetus vel matris geslantis. »

En vainonol)jecterait que dans les grossesses anormales l’enfant est un agresseur inconscient et que, pour se défendre de son injuste agression, la mère a droit de le sacrifier. (Cf. Revue médicale, 1900, p. 200 et M. M.vxwELL, dans Semaine médicale, 1901.) li n’y a ni agression ni injuste agression : outre que le péril Aient le plus souvent du fait de la mère.deranomalie ou de l’insullisance de ses organes, la présence de l’enfant résulte du cours naturel des choses ; elle a été voulue et causée par la mère elle-même. L’enfant a plutôt droit, puisqu’il a été conçu, aux préparations connaturelles de sa viabilité.

2° Avortement médical. — Mais une opération qui, sans faire une blessure mortelle à l’embryon, procure son expulsion à une époque où il n’est pas encore A’iable, à quelle classe doit-elle être rapportée ? Constitue-t-elle une atteinte directe ou indirecte à son existence ?

Quelques théologiens aA’aient cru pouvoir soutenir la licéité de cette accélération des couches. De deux choses l’une ; disaient-ils en substance, ou le séjour dans les organes de la mère, nécessaire à la conser-A ation du fétus, est pour lui un bien extrinsèque, comme la planche pour le naufragé, ou il est un bien intrinsèque, comme les poumons pour IcA’iA’ant. Dans la première hypothèse l’embryon peut y renoncer, comme le naufragé qui s’abandonne aux flots