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APOCRYPHES

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rapportent aux derniers événements de l’histoire évangélique. Ce sont :

1° VE'(irigile de JVicodème, comprenant deux récits distincts : les Actes de Pilote, chap. i-xvi, compte rendu par Xicodème du procès de Jésus devant Pilate et de la conduite du sanhédrin après la mort du Sauveur ; la Descente du Christ aux enfers, chap. xviiXXVII, censée racontée par les deux lils du vieillard Siméon, Charinus et Leucius, ressuscites à la mort lie Jésus. Les deux récits ne remontent pas au-delà (lu IV' siècle. — Texte latin dans Fabricius, op. cit., j). 238 sq. ; grec et latin dans Thilo, op. cit, p. ^8^ sq. ; Tischendorf, op. cit., p. 203 sq.

2° Le Passage ou Trépas de Marie, récit de la mort de la sainte Vierge, composé à la fin du iv' siècle ou au début du v*. — Texte grec et latin, dans Tischendorf, Apocalypses a pocryp h a e, heipsick, 1 866.

Appréciation. — L’origine relativement récente des évangiles apocryphes de ce premier groupe les place éAidemmenl bien au-dessous de nos quatre EA-angiles canoniques, œuvres du le^" siècle.

Sans doute, en plusieurs d’entre eux, on peut trouver certains éléments de tradition ancienne, dignes de figurer à côté des informations authentiques, consignées dans nos Evangiles traditionnels. Tels les renseignements fournis par le Protévangile de Jacques sur les noms des parents de la Sainte Vierge, Joachim et Anne, sur la présentation de Marie au temple, sur la naissance de Jésus dans une grotte. Tels encore, ceux de l’Evangile du pseudoMatthieu sur le bœuf et l'àne qui entourent la crèche ; ceux de l’EAangile de Thomas sur les jougs et les charrues que fabriquait saint Joseph. Mais, ces quelques traits primitifs mis à part, nos évangiles apocryphes n’ont pas la moindre valeur documentaire.

En maints endroits, ils se contentent d’exploiter les données canoniques. Ainsi les premiers chapitres de saint Matthieu et de saint Luc sont manifestement utilisés par le Protévangile de Jacques, l’Histoire de Joseph le charpentier, l’Evangile de Thomas, l’Evangile aral>e de l’enfance. Le Passage de Marie procède par allusions aux textes traditionnels qui concernent la mère de Jésus. L’Evangile de Nicodème reproduit presque littéralement les récits canoniques de la Passion, en les illustrant de passages tirés des mêmes récits canoniques de la vie publique.

Cependant, nos apocryphes ont aussi la prétention de compléter les Evangiles ofiiciels. Ils s’attachent à combler leurs lacunes, à suppléer à leurs silences, spécialement en ce qui regarde les événements de l’enfance, laissés dans l’ombre par saint Matthieu et saint Luc, les antécédents de Marie et de Joseph avant leur apparition sur le théâtre évangélique, enfin leurs derniers moments non racontés par les historiens sacrés. Mais, précisément, dans la mesure oii ils s'écartent des données traditionnelles, nos apocryphes ne constituent qu’un assemblage de fictions, créées sous l’influence de préoccupations doctrinales, fictions telles qu’elles contrastent visiblement a^-ec les récils des Evangiles canoniques et contribuent à mettre en évidence leur absolue supériorité.

I. — Les apocryphes du premier groupe, fictions doctrinales. — Tout d’abord, les apocryphes de notre premier groupe représentent manifestement le travail d’imaginations pieuses, ciu’excitent la curiosité, que stimulent des préoccupations théologiques ou l’instinct d’une foi naïve et souvent mal réglée.

Idée de la dii-inité de Jésus. — L’idée principale qui paraît avoir influé sur la composition de ces ouvrages est celle de la divinité de Jésus. Jésus est Dieu dès son enfance : c’est pourquoi l’on entoura son berceau de merveilles. Au moment où il va naître, le ciel devient immobile, les oiseaux arrêtent leur

vol, toute la nature est en suspens ; une lumière éblouissante remplit la grotte où pénètre la Vierge. Protévangile de Jacques, chap. xviii, xix ; PseudoMatthieu, ch. xiii.

La même préoccupation multiplie autour de lui les prodiges pendant son exil en Egypte. Les lions et les léopards lui font escorte ; les dragons lui rendent hommage ; les idoles tombent et se brisent à son approche ; l’attouchement de son corps ou de ses langes provoque des miracles éclatants. PseudoMatthieu, chap. xviii, XIX, XXII, xxiii ; Evangile arabe de l’enfance, chap. x, xii, xx-xxii.

La vie cachée à Nazareth est illustrée d’une manière semblable, parfois grossière, souvent puérile, toujours fantaisiste. Le divin Enfant s’amuse à creuser de petits bassins dans le sable ; un de ses compagnons veut les détruire ; il le frappe de mort, puis le ressuscite à cause de ses parents. A six ans, il est envoyé par sa mère à la fontaine ; il casse sa cruche et rapporte l’eau dans son manteau. Son père est-il en peine pour une pièce de bois trop large ou trop étroite, Jésus l’amène à la dimension voulue en y étendant Ja main. A l'école, il embarrasse son maître parades questions profondes. Aux docteurs de la Loi il expose les secrets des sciences physiques, de la médecine et de l’astronomie. Evangile de Thomas, chap. ii, iii, IV, VI, IX, XI ; Pseudo-Matthieu, chap. xxvixxviii, xxxi-xxxii, xxxvn ; Evangile ara be, chap. xxiv XLVIII, L-LII.

Ce sont des prodiges analogues qu’invente VEvangile de Nicodème, dès qu’il s'écarte des données canoniques, en racontant les derniers jours du Sauveur. Tel le mii’acle des enseignes, qui, d’elles-mêmes, malgré tous les efforts des porte-étendards, s’incli nent sur le passage de l’Homme-Dieu, chap. i.

Idée de la grandeur de Marie et de Joseph. — A la divinité de Jésus se rattache la dignité incomparable de sa Mère et celle de son père nourricier. Cette idée encore a inspiré maintes pages des évangiles apocryphes.

L’on a voulu d’abord célébrer la virginité de Marie. Marie est vierge dans la conception de Jésus : il en faut une manifestation publique, et l’on invente l'épreuve des eaux amères. Elle est vierge dans l’enfantement du Sauveur : l’on tient à faire constater dûment le miracle. Elle a dû rester vierge toujours : les personnages appelés « frères de Jésus » sont attribués à un mariage antérieur de Joseph qui, devenu veuf, aiu>ait épousé Marie à l'âge de quatre-vingtdix ans. Protévangile de Jacques, chap. ix, xvx, xviii, XIX ; Pseudo-Matthieu, chap. viii, xii. xiii ; Histoire de Joseph le charpentier, chap. xiv.

L’idée de la grandeur de Marie fait également environner de prodiges son enfance et surtout son bienheiu-eux trépas. Les apôtres survivants sont transportés instantanément à son lit de mort ; ceux qui sont défunts ressuscitent ; les Juifs méditent de brûler sa maison, mais sont eux-mêmes consumés par un fevi vengeur. Passage de Marie.

Enfin, un décor non moins merveilleux illustre les derniers moments de saint Joseph. Lorsqu’on vient ensevelir le glorieux patriarche, impossible de détacher son linceul ; celui-ci a iJris la rigidité du fer et apparaît sans couture. Histoire de Joseph le charpentier, chap. xxvii.

2. — Contraste avec les Evangiles canoniques. — Il suffit de mettre ces fictions tendancieuses en regard de nos récits traditionnels pour voir combien différemment, et combien plus authentiquement, les Evangiles canoniques représentent la divinité de Jésus, la manifestation de son origine et celle de ses pouvoirs surnaturels.

Saint Matthieu et saint Luc entourent, eux aussi,