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FAMILLE

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pas pu toujours combler. Puis, au cours du xix' siècle, l'état social a changé, et des conditions économi([ues nouvelles ont ébranlé les fondements de la famille. Tel fut l’effet notamment de l’avènement de la grande industrie, dispersant dans diverses usines les membres de la famille qui jusqu’alors travaillaient collectivement sous la direction du père. L'égalité démocratique a été, elle aussi, funeste, qui, en politique, fait des fils majeurs les égaux du père et, si celui-ci est mort, des titulaires de droits dont est priA'ée leur mère, devcnue chef de famille. L’individualisnæ politique et social poussé à outrance aboutit à l’hypertrophie de la personnalité et détruit dans les esprit ? le sentiment de solidarité collective. La facilité des déplacements a généralisé le goût du changement, de l’instabilité quant aux conditions sociales, au domicile, à la fortune ; ainsi se sont multipliés les déclassés, les déracinés, qui n’ont plus ni foyer domestique ni traditions. Le développement du luxe a avivé la fièvre de s’enrichir, a rendu plus âpre la poursuite des richesses par tous moyens pourvu qu’ils fussent rapides, en même temps que, de plus en plus, le mariage est devenu affaire de vanité ou d’argent. Enfin une campagne antireligieuse a été violemment menée en France, depuis trente ans surtout, qui en vient à tuer le sentiment du respect et du devoir, l’esprit de dévouement et de sacrifice, indispensables cependant à l’existence delà famille. Nous assistons àunerenaissancedu paganisme, oùtriomphe l'égoïsme individuel mettant au-dessus de tout l’intérêt individuel, la liberté pour chacun de faire passer avant son devoir ses plaisirs et même ses plus basses jouissances. Chose grave ettristementlogique, les désordres de la vie privée, généralisés dans la pratique, ont trouvé dans la littérature et chez de prétendus philosophes, des défenseurs, des avocats préconisant « l'épanouissement de toutes nos puissances », glorifiant les énergies naturelles, y compris les pires passions. Le lien conjugal, l’hérédité, la propriété individuelle, sont journellement battus en brèche. C’est que le naturalisme révolutionnaire, aujourd’hui triomphant, est l’ennemi-né du surnaturel et, père du despotisme du nombre, ne peut supporter la famille : il voit avec raison en elle une ga4"antie d’indépendance morale pour les citoyens vis-à-vis du Pouvoir. Loin de combattre d’aussi détestables tendances, l’Etat s’est fait leur complice, par passion d’omnipotence tyrannique, surtout par haine de la religion et des traditions françaises : contre la famille, depuis trente ans siu-tout, tous les pouvoirs sociaux, législateur, administration, magistrature, se sont étroitement ligués.

C. La réglementation actuelle de la famille. — Le législateur français, disons-nous, s’est mis à la remorque des romanciers pour légaliser leurs théories délétères. De fait, qu’il s’agisse des enfants naturels ou du divorce, les premières autorités citées à l’appui des projets de loi sont MM. Alexandre Dumas ou Margueritte. D’une façon générale, la campagne antireligieuse menée activement par l’autorité publique tend à détruire tout dévouement familial. Plus spécialement, la famille est atteinte dans son fondement par la destruction progressive du mariage, dans son prestige par l’assimilation de plus en plus complète des diverses catégories d’enfants, dans son unité et ses moyens d’action par l'énervement des puissances maritale et paternelle.

1° En ce qui concerne le mariage, la première atteinte législative se rencontre dans la loi du 27 juillet 1884, rétablissant le divorce, bientôt simpliiic dans sa procédure par celle du 18 avril 1886. Si ce début a paru à certains constituer un progrès pour la liberté mieux comprise, il était défendu avec une

habile prudence. L'échec à l’indissolubilité du mariage demeurait exceptionnel et très circonscrit, les causes de divorce étant limitativement prévues à l’exclusion de tout consentemen t mutuel ; quand la rupture avait l’adultère pour motif, le mariage était toujours prohibé entre les complices ; et la couversion de la séparation de corps en divorce, possible après un certain délai, restait facultative pour le juge. Le but poursuivi, prétendait-on. était d’accroître la moralité publique et la dignité du mariage : on ne verrait plus d'époux meurtriers par vengeance ou jalousie, ni de mariages subsistant de nom entre gens ayant contracté publiquement d’autres liens illégaux. Il s’agissait d’assurer un remède efficace aux inconAénients moraux et physiques résultant trop souvent du maintien d’unions mal assorties. Aussi bien, après le temps nécessaire pour la liquidation des anciennes querelles conjugales, le nombre des divorces diminuerait fatalement et suivrait la marche ascensionnelle très lente, constatée depuis 1887 pour les séparations de corps.

Les faits ont démenti cette dernière assertion : il y avait 1.52'^ séparations en 1 850 ; l’année 1 906 a compté 10.019 divorces et l’année 1906 lo.ô^S. La rapidité de cette progression est telle qu’elle effraie des esprits, même dégagés de toute croyance religieuse, qui, vingt ans auparavant, avaient applaudi à 1' « affranchissement de la personne humaine ». En même temps s’est aflirmé hautement un argument, à peine indiqué au premier jour, en faveur du divorce. Le mariage sécularisé, n’ayant plus que le consentement des époux pour fondement, ne saurait être perpétuel, car, eussent-ils eu l’intention de s’engager à toujours, les époux n’ont pu la réaliser : on ne peut engager ses services que pour un temps déterminé ni aliéner irrévocablement sa liberté individuelle, les principes consacrés jiar le droit public révolutionnaire s’y opposent. Comme les mœurs de plus en plus relâchées réclament des facilités nouvelles, peu importe que la possibilité du divorce ne diminue pas le nombre des crimes passionnels, on le légitime au nom des droits sacrés de la personne humaine, du droit de chacun au bonheur. Le lien sexuel, dira M. Novicoav, est '( contracté uniquement pour le bonheur des époux ». Son indissolubilité est pour l’espèce une cause de dégénérescence, un germe de vice, de misère et de mort, une entrave au libre développement individuel. Le diA’orce se généralise dans la pratique comme un remède nécessaire, il faut en rendre l’application légalement très facile.

Ce ne sont pas les représentants des pouvoirs publies qui y contrediront. A Paris, malgré l’augmentation de capacité accordée aux femmes séparées depuis 1898, l’administration transforme systématiquement pour les indigents toute demande de séparation de corps en procédure de divorce ; un procureur général regrette publiquement les obstacles que rencontre encore l'époux qui Acut divorcer, et son prédécesseur reprochait aux bureaux d’assistance judiciaire de ne pas se montrer assez lai’ges pour assurer la gratuité de pareilles instances. Les juges prononcent 86 ^/n des divorces demandés, et se montrent aussi faA-orables aux comédies et simulations destinées à masquer le dÏAorce par consentement mutuel que bienvcillants pour les époux coupables d’adultère. Au reste, « y a-t-il des époux coupables ? s'écriait récemment un sénateur. La personne humaine doit être libre ». Le législateur a suIaI le mouA-ement.

Une contradiction singulière doit être signalée ici. Nous montrions dans notre première partie quel appui secondaire mais sérieux constituait pour l’institution familiale l’existence d’un foyer stalîle et