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1889
1890
FAMILLE


tout rapport nécessaire de dépendance dans la famille, l

« Les parents, dit VEncyciopédie, n’ont pas le droit

de donner des ordres à leurs enfants, bien moins encore d’employer les menaces et les châtiments. » Ce fut l'œuvre de la Révolution de faire passer ces théories dans la pratique. La tâche fut accomplie avec une ardeur et une témérité inouïes : sous prétexte de détruire des traditions qu’on déclarait féodales et tyranniques, on supprima, dans la famille, une force, une liberté collective, susceptible d’assurer l’indépendance des individus envers l’Etat qui devient omnipotent.

La Révolution commence par séculariser le mariage, considéré désormais comme un contrat pur et simple en dehors de tout caractère sacramentel ou religieux, elle déclare son indissolubilité contraire à la nature et à la raison. En attendant le décret du 1 1 brumaire an II, qui assimile quant aux droits l’enfant naturel à l’enfant légitime, celui du 20 septembre 1792 proclame pour tout Français la faculté du divorce, conséquence forcée de la liberté individuelle. Et l’on use largement de cette faculté : dans lesvingt-sept moisqui suivent la promulgation du texte, les tribunaux de Paris prononcèrent 6.994 divoi-ces et le nombre en va croissant jusqu'à excéder, au cours de l’an VI, celui des mariages. La communauté de vie à perpétuité n'étant plus assurée, la communauté d’intérêts n’a plus de raison d'être et la puissance maritale est supprimée comme un anachronisme. Quant â la puissance paternelle, elle est, à la demande de Mirabeau, déclarée suspecte par la Constituante, et Danton est applaudi quand il soutient que les enfants appartiennent à la République avant d'être à leurs parents. Les lois ont suivi, faisant table rase du passé, aggravant les effets de la majorité émancipatrice, et supprimant toute hiérarchie dans la famille comme instrument de tyrannie. Donc la majorité est fixée, même quant avi consentement à mariage, â l'âge de 21 ans. De plus, à côté du père exerçant son autorité à l'égard des enfants mineurs, un tribunal est institué qui contrôlera cet exercice et y participera : toute mesure de correction devra lui être préalablement soumise. Puis, après l'échec rapide de cette institution, c’est l’Etat qui se charge de contrôler, dans l'œuvre éducatrice, le père désormais considéré comme son agent subalterne : la Nation se chai-ge de la formation de la jeunesse par l’intermédiaire de délégués qu’elle choisit à son gré. Aucune distinction n’est plus faite entre les diverses catégories d’enfants qui tous, légitimes, naturels, ou adultérins, doivent avoir les mêmes droits, même au point de Aue héréditaire. L’autorité paternelle enfin est singulièrement réduite quant à ses prérogatives, en même temps qu’est supprimée toute faculté d’exhérédation et la quotité disponible très diminuée aux mains du chef de famille. Les résultats d’une telle législation ne se sont pas fait attendre. Si la patrie avait déclaré par avance adopter les enfants sans famille, devenus chaque jour plus nombreux, elle fut pour eux une véritable marâtre, et, dans cette branche d’assistance comme dans 1 toutes les autres, la Révolution a dilapidé le patrimoine des pauvres que l’ancienne France lui avait légué. Mais en même temps, par haine des traditions françaises, on avait brisé tous les ressorts de l’institution familiale. La corruption des mœurs s’ajoutant aux erreurs du législateur, la famille était menacée d’une ruine complète, tandisquc l’Etat avait fait preuve d’une impuissance complète à jouer le rôle de père de famille universel. Après d’aussi lamentables expériences, les rédacteurs du Code civil, s’inspirant d’un intérêt social évident, jugèrent iiidispensable de reconstituer le groupe familial : il fallait, pour cela, fortilier le lien du mariage et restituer à l’autorité

du père « le légitime empire qu’elle n’aurait jamais dû perdre ». Nul ne peut mettre en doute leurs intentions sur ce point, sauf à discuter au besoin les moyens qu’ils ont employés.

B. Code civil. — Le mariage est envisagé par le Code sous ses seuls rapports civils et politiques. L’union conjugale demeui-e laïcisée, sécularisée, et c’est le magistrat municipal qui l’opère. Il y a là une erreur initiale, un oubli aouIu de toute idée religieuse, d’où, avec le temps, découleront naturellement des conséquences néfastes. Le divorce reste en outre permis, jusqu’en 18 16 du moins, au détriment de la dignité et de la perpétuité de la famille. Mais en principe le mariage est indissoluble : restreint dans ses applications, le divorce est une solution exceptionnelle, longue et difficile à obtenir ; des garanties importantes sont d’ailleurs accordées alors à la famille : notamment, en cas d’adultère, l'époux coupable ne peut épouser son complice, et, s’il y a divorce par consentement mutuel, la moitié des biens des parents est acquise aux enfants nés du mariage (C. civ., art. 298, 305). — Puis, en faveur de la famille, dont l’importance au point de vue social était reconnue, le contraste est aussi accusé que possible entre les enfants légitimes et les autres. Ces derniers ont une part fort restreinte dans la succession de leurs auteurs, sans jamais être qualifiés héritiers ; encore cette vocation héréditaire réduite est-elle réservée aux seuls enfants reconnus, et il n’y a pas de reconnaissance possible à l'égard de ceux nés d’un commerce adultérin ou incestueux : leur présence ferait échec à la conception normale de la famille. Même pour les enfants naturels simples, la part héréditaire fixée par la loi est un maximum qui s’impose aux parents, et leur légitimation par un auteur aujourd’hui marié ne peut nuire à la famille légitime.

La puissance maritale et la puissance paternelle sont rétablies, celle-ci moins, semble-il, dans l’intérêt des individus que de l’unité sociale famille : par exemple, si les enfants nés hors mariage ne sont pas laissés sans protection ni guide, la loi affecte de préciser aussi peu que possible leurs rapports avec leurs auteurs, et l’art. 203 va, pai" sa place et par son texte, jupqij'à faire découler pour les parents le devoir d'éducation du fait du mariage et non de la procréation. En ce qui concerne l’autorité maritale, le Code consacre, en en exagérant encore les défauts, le système hybride de l’Ancien droit à son déclin, et considère la femme mariée comme une incapable à protéger. Du moins, si l'épouse ne peut disposer de son patrimoine sans autorisation du mari ou de justice et est exclue de l’administration des biens communs, le régime de droit commun entre époux est la communauté associant les fortunes et les intérêts, faisant de la femme la collaboratrice subordonnée du mari, sauf à la garantir contre les folies ou les prodigalités de celui-ci. L’autorité paternelle, limitée, quant à ses droits les plus stricts, à la diu-ée de la minorité des enfants, perd un attribut énergique dans la faculté d’exhérédation désormais supprimée, tandis que le père se voit parcimonieusement mesurer la quotité disponible dont il pourrait dépouiller un fils coupable ou assurer la transmission aux descendants d’un fils prodigue. Dans l’exercice du pouvoir domesticjue, l'épouse est exagérément dépouillée de tovis droits, sauf aux mœurs à corriger cette rigueur, tant que le mari est présent et capable ; toutefois, celui-ci est-il absent, interdit, privé de la jouissance ou de l’exercice de ses prérogatives, elle sera légaleiacnt substituée à lui, sauf quelques restrictions d’ailleurs injustifiées.

L'œuvre, certes, n'était pas parfaite, et des lacunes, des défauts s’y sont révélés, que la jurisprudence n’a