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EXEGESE

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l’allégorie proprement dite. A l’entendre, Abisag la Sunamite, introduite auprès de David devenu vieux. ne serait autre que la Sagesse. Epist, , lii, 3 ; P. Z., XXII. 528. Le fait que le S. Docteur a, ailleurs, C. Jovinian., I. XXIV ; P. L., XXIII, 2^3, interprété littéralement le même passage nous avertit assez de ne pas attacher trop d’importance à cette suggestion dune apologétique aux abois. C’est par sa traduction de l’A. T., beaucoup plus que par ses commentaires, que S. Jérôme a mérité le titre de « prince des exégètes latins ». En commentant, il écrit à la hâte, prend sans scrupule à ses devanciers, et souvent sans en avertir. Les représentations de ses adversaires et de ses amis l’ont amené à s’expliquer, dans plusieurs de ses lettres, sur ce procédé de compilation. Il n’a composé aucun traité d’herméneutique, car sa lettre lui' Ad Paulin., et même la lvii' De optiino génère interpretand’u doivent s’entendre plutôt de la manière de citer et de traduire que de la méthode à suivre dans un commentaire.

2° S. Augustin a été plus grand comme théologien et controversiste que comme exégète. Il avait abordé les Ecritures sans une préparation suffisante. Il ne savait rien de l’hébreu et assez peu du grec. De ce chef, il était forcément tenu à l'écai-t des textes et des commentaires grecs. Quant aux commentaires latins qu’il avait à sa disposition, même ceux de S. Ambroise, ils étaient notoirement insuffisants. Il est vrai cpie par la pénétration de son esprit, l'élévation de sa pensée et son sens très sûr de la tradition, il a suppléé en partie à ce déficit. Son esj)rit subtil, ingénieux et systématique, lui a fait trouver dans les textes beaucoup plus qu’il n’y avait. Spéculatif par inclination naturelle, il se laissa aller tout d’abord au plaisir d’allégoriser. Avec l'âge, il devint littéraliste ; mais sur le sens littéral il échafauda, toujours davantage, des applications mystiques. L'étude des divers commentaires qu’il a donnés de la Genèse permet de suivre l'évolution de sa manière. Le plus grand défaut de son exégèse est d’avoir été dominée par des préoccupations dogmatiques, surtout au cours de la polémique pélagienne. Il a égaré pendant longtemps l’exégèse courante des Latins sur plusieurs passages doctrinaux de l’cpitre aux Romains, 11, 14, vil, integr., viii, 19, 28-30, ix, 20-2^, xiv, 23.

On lui a fait un reproche plus graA’e encore, celui d’avoir jeté, pendant dix siècles, l’herméneutique des Occidentaux dans la confusion et l’arbitraire, par sa théorie malencontreuse de la multiplicité du sens littéral pour un seul et même passage. Cf. Confes., XII, xxxx ; De doctr. christ., III, xxvii, 38 ; I, xxxvi, 37, 41 ; ^e Gen. ad lit., I, xxi, 41 ; Serino, vii, 3. On peut dire, à la décharge de S. Augustin, qu’il a proposé le sens littéi"al multiple comme une opinion pieuse et personnelle, « religiosius me arbitrer dicere ». Dans sa pensée, il n'était question que des interprétations seulement probables, là où le sens de l’auteur inspiré n’a pas encore été précisé avec certitude. Il ne s’agissait pas tant du sens objectif du texte que des explications qu’on en a données. Le S. Docteur pensait que ces explications avaient été non seulement

« prévues » de Dieu, mais « procurées » par une disposition providentielle, et qu'à ce titre elles méritaient

toutes d'être regardées comme « sens d’Ecriture ». Enfin, il ne donnait pas sa théorie pour servir de règle à l’exégèse dogmatique, celle qui est ordonnée à l'établissement des dogmes, mais comme un expédient, une aide offerte à la piété et surtout à la charité ; elle devait permettre d’accorder plus facilement les versions et les commentaires avec le texte, comme aussi les commentateurs entre eux. S. Thomas ne s’est avancé dans cette même direction que pour ne pas fausser compagnie à S. Augustin, Sum. theoL,

I, q. I, a. 10 ; De Potent., q. 4. a- i ; mais surtout Quodl., VII, a. l ! ^, ad. 5. Malgré tout, la multiplicité du sens littéral n’a jamais été enseignée communément par les scolastiques, pas même au xvi* siècle. Aujourd’hui, elle est délaissée. Cf. Corxely, Introd. in r. T. libros, 1885, p. 523.

Encore que S. Augustin n’ait pas pratiqué l’exégèse avec autant de bonheur que ses devanciers grecs, la théorie qu’il en fait dans son traité De Doctrina christiana a de grands mérites. Les éloges ne lui ont jamais manqué. Hier encore, l’anglican Farrar écrivait à ce sujet : « Ses règles théoriques étaient excellentes. Pourquoi ne s’y est-il pas tenu fidèlement ! I. Le but de l’Ecriture est d’exciter en nous l’amour de Dieu. 2. Les exemplaires fautifs sont à corriger sur de meilleurs. 3. Il faut décider tout d’abord si le sens est littéral ou mystique. l. Avant tout, donner son attention au contexte. 5. Les passages obscurs sont à comprendre d’après ceux qui sont clairs. 6. L’exégète doit mettre à profit l’histoire, la géographie, la grammaire, la rhétorique, l’archéologie, l’histoire naturelle, etc. » History of Interprétation, 1886, p. 239.

Les essais d’herméneutique sacrée antérieurs à S. Augustin sont : Mélitox de Sardes, H y/it : -. OriGÈ.NE, Usfil àpyûv lihri IV ; Diodore de Tarsk, Ti ; èiv.fOf.c/. 6îMpir/.t y.rjÀ i/Jl-rjorvu. :. : TicHoxius, De septem reguUs. Après S. Augustin : Adrien, E(aa/w/< £{' ; rxiôna. : /pa^Ki ; S. EucHER, Liber formulariim spiritalis intelligentiae ; S. Isidore de Péluse, Epist. de interpret. diy. Legis ; Junilius afr., Inst. reg. divinæ Legis ; Cassiodore. De instit. divin, litter.

Cf. Clausen. Aurel. Augustinus Script, sacræ inierpres, 1828, Trench, Augustine as interpréter of Scripture, dans l’ouvrage intitulé « Exposition of the Sermon on the Mount », 1869, p. i-152.Mgr Douais, S. Augustin et la Bible, dans la Revue biblique,

1893, p. 62, 35 1 ; 1894, p. III, 126, 4 10. PORTALIÉ,

iS. Augustin, dans le Dict. de théol. cath. (Vacant), I, col. 3343. L. Hugo, Der geistige Sinn der heil. Schrift beim hl. Augustinus, dans Zeitsch. f. Kat. TheoL, 1908. p. 65-. L. Sanders, Etudes sur S. Jérôme, 1908, p. 150. J. Van den Gheyn, ^ Jérôme, dans le Dict. de la Bible (Vigouroux), III, col. 1306. A. Delattre, Autour de la question biblique, 1904, p. 143, et l’important ouvrage de G. Griïtzmacher, Ilieronrmus, eine biographische Studie zur alten Kirchengeschichte, 1901-1908. Récemment, L. Schxde, Die Inspirationslehre des heil. Hieronymus, 1910.

4. Conclusion. — a) Il n’entre pas dans le plan de cette étude de pousser plus loin les recherches historiques sur l’exégèse traditionnelle. L’apologétique n’a pas besoin de ce surcroit d’information. A partir des iv' et v* siècles, l’herméneutique chrétienne est en possession de tous ses principes et de ses organes essentiels. On peut déjà la juger à sa valeur. Dans les siècles qui suivent, on reprendra le commentaire détaillé de chaque livre ; on écrira des traités plus complets, mieux raisonnes sur l’art d’interpréter le texte sacré (voir Critique biblique, p. 779) ; mais la science des Ecritures restera, en substance, ce qu’elle était déjà avec S. Jérôme et S. Augustin. Le grand mérite du Moyen Age sera d’introduire dans la terminologie plus d’exactitude et de précision. On sait combien les termes de « cor porel », « figuré », « spirituel », a allégorique » avaiei prêté à la confusion sous la plume d’Origène et S. Augustin. Les scolastiques font rentrer tous l€ sens vraiment bibliques dans le sens littéral ou ' sens spirituel, en subdivisant le premier en sens li* téral propre et sens littéral figuré, par exemple le' anthropomorphismes. S. Thom., p. I, q. i, a. 10. "^