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EXEGESE

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Origène la citent encore avec les livres canoniques) ; mais on aurait tort de la rendre responsalile du mouvement d’idées qui devait aboutir au Marcionisme et au Manichéisme, puisqu’elle maintient une commune inspiration à l’Ancien et au Nouveau Testament, comme aussi une continuité suffisante entre les deux. Hatch, Essors in liiblical Greek, 188g. p. io3. Oxford Society of historical Theology, The X T. in the Apostolic Fathers^ igoô.

h) Les Apologistes du n’siècle. — L’apologie cLrétienne ayant à tenir tête aux philosophes grecs, aux Juifs et aux Gnostiques, devient tout naturellement syncrétiste. D’ailleurs, l’Ecriture reste le champ de bataille. Les apologistes sauvegardent le plus sou. vent le sens littéral, exploitent largement le sens spirituel, et, à l’occasion, recourent volontiers à l’allégorie.

Aec les Grecs^ l’apologie s’appuie principalement sur les prophéties. S. Justix, 1 Apol., xii, xxx-Lin ; Tertl’ll., Apol., x

i-yi ; S. Thkopu., Ad. Aut., 1, xiv ;

Recogn. Clem., v, lo. On reprend l’idée judéo-alexandrine de la dépendance d’Homère et de Platon vis-àvis de Moïse et des Prophètes. Les mythes païens ne sont qu’une contrefaçon du récit biblique. S. Just., Dial., LXix, Lxxvm ; I Apol., xliv ; S. TuÉo^., Ad Aut., I, xn- ; III integr. ; Min. Fel., xxxiv ; Tertull., Apol., xLvii, XLviii. Pour rendre compte de la polygamie des patriarches, des adultères de Juda et de David, S. Justin recourt à leur caractère figuratif, mais en maintient la réalité historique ; Liai., cxxxiv, cxxxi. Sans sacrifier l’histoire, S. ïhéoph.. Ad Aut., Il, XV, fait un commentaire allégorique moral qui le rapproche de Philon. — Le dialogue avec Tryphon est le principal monument de la polémique entre chrétiens et juifs. La plupart des paragraphes, surtout de Lvi à LXA III, ne sont qu’un tissu de citations bibliques. Cet écrit nous renseigne sur les habitudes exégétiques du tenq)s, aussi bien du côté des juifs que du côté des chrétiens. Le point de départ commr.n, c’est qvi’il y a des prophéties messianiques. S. Justin s’attache à montrer l’insullisance de l’exégèse que les Juifs enfont, etmême son manque de sincérité. Après S. Paul, il ajoute que ces prophéties ne sont pleinement intelligibles que réalisées dans le Christ et expliquées par lui. Dial., lxxvi. C’est un point sur lequel S. Ihénke insistera. Adv. hær., IV, xxvi, i, 2. S. JisTiN développe avec complaisance certains types de l’A. T., Dial., xc, cxi, cxxviii ; il reproche aux Juifs d’interpréter pauvrement, r'>^-ïiv ?5 ; , et sèchement, ~i’^Cii., leurs Ecritures. Dial., cxii. Pour lui, il admettrait Aolontiers que tout le culte mosaïque avait un caractère symbolique. Sous sa plume, les termes de mystère, type, symbole, signe et même de parabole se confondent facilement. Dial., xl, xliv, lxviii, Lxxviii, 1.XXXVI, cxv, cxvi ; I Apol., xxvii, xxxii. D’ordinaire, S. Justin fait effort pour rester dans le contexte et le sens naturel des mots ; et l’on doit convenir que le plus souvent il y réussit. Encore que sa eonce[)tion de la loi juive se ressente de la polémique (cf. Dial., xvi-xvni) ; il n’est pas allé jusqu’à dire avec les Gnostiques antijudaïsants que, dans le plan même de son.uteur, cette loi était ordonnée à égarer le peu[)le juif. — Les Gnostiques de culture hellénique (les Gnostiques judéo-chrétiens n’ont guère survécu au 1 siècle), les Marcionites notamment, se disaient « spirituels », c’cst-à-dirc capables d’une vue intérieure et transcendante des choses qui n’avait pas été donnée à ceux qu’ils appelaient, non I sans quehfuc dédain, « psychiques ». C’est à dessein 1 qu’ils re[)rcnai(nt la terminologie de S. Paul, I Cor., II, i/t-r5. pour la transporter, en l’altérant, sur le terrain cxégéti(iuc. Adversaires radicaux de l’A. T., ils niaient qu’il eût été inspiré par le vrai Dieu et qu’il

fût continué par le Nouveau. C’est à les réfuter sur ce point que S. Ircnée consacre tout le 1V° livre de son traité Contre les hérésies. Ce livre présente un des exposés les plus profonds, que nous ait laissés l’antiquité, du développement et de l’harmonie des deux Testaments. Les Gnostiques étaient des allégoristes à outrance, surtout en matière de paraboles, de noms et de nombres. S. Irénée leur reproche une exégèse arbitraire, forcée et tendancieuse. Ad^’. hær., I, i, i ; m, integr ; viii, 9 ; xiv, 2-7 ; xxiv, 1-6 ; II, x, i, 2 ; III, XXI ; etc. Ce qui ne l’empêche pas de les imiter à l’occasion, bien que rarement, II, xxiv, 2. Pour être très réaliste, S. Irénée n’exclut pas le sens typique, III, xvii, 3 ; XX, I ; XXI, 7 ; IV, XV, xix.Maissa règle souveraine est le contexte et le sens naturel desmots, V, ix-XII ; il veut que l’on entende les textes figurés, y compris les paraboles, d’après les passages plus clairs où les termes gardent leur sens propre, II, x, 2. Le littéralisme de S. Irénée n’a été dépassé que par celui de Tertullien. Ce n’est pas qu’il ignore l’exégèse allégorique ni qu’il la dédaigne (encore qu’il n’y excelle pas) ; mais il s’en défie, il sait qu’on en abuse. De resur. carn., xxxiii ; Scorp., xi. Du reste, il admet les types bibliques. Tertullien formule magistralement certaines règles d’exégèse déjà énoncées par ses devanciers, par exemple : Duhia certis, obscura manifestis adumbrantiir. De pudic.. xvii ; c’est pourquoi l’Ancien Testament doit être éclairé par le Nouveau, Scorp., ix-xii. Son littéralisme ne l’empêche pas de pénétrer jusqu’à l’àme des mots : « Verba non solo sono sapiunt, sed et sensu, nec auribus tantummodo audienda sunt, sed et mentibus «. Scorp., vu. Il ne partage pas le préjugé de la suffisance du texte biblique, il sait que la révélation écrite n’est pas la source unique de la vérité. Cf. De virg. yel., xvi, et De Pænit., i, où on lit « res Dei ratio ».

En sonnne, les Apologistes sont restés dans la tradition exégétique chrétienne. Seulement, les uns : S. Justin, Talien, Athénagore, Aristide, S. Théophile d’Anlioche, ne craignent pas, à l’occasion, de recourir à l’allégorie. Ils ont été tributaires du goùl de leur époque. L’interprétation allégorique est tellement à la mode que personne n’y échappe complètement. Celse reproche aux chrétiens de dissimuler la pauvreté et les hontes du récit biblique sous le Aoile de l’allégorie (Orig., c. Cels., I, xvii ; IV, xlviii), mais, au besoin, il allégorise lui-même, Ibid., I, xlii. Il est vrai que S. Irénée et Tertullien ont réprouvé énergiquement ce procédé d’exégèse, mais il faut convenir aussi que leur littéralisme excessif a été cause, en partie, qu’ils sont tombés dans l’erreur millénariste. De ce double courant vont sortir deux écoles chrétiennes.

K. L. GnvBE, Die hernien. Grundsdtze Justins d..^f., dansDer Katholik, 1880, p. 17. Sprinzl, Die Théologie des heil. Justinus, p. 290. Tii. Zahn, Geschichte des neut. Nations, I, p. l-i. A. L. Feuer, Justins des Mart. I.clire von J.-C, 1906, p.6/(. A. d’Alès, l.a théologie de Tertullien, 1906, p. 2^2. Hatcii, Influence of GreeJi Ideas and i’sages upon the christ. Church, p. 76. P. IIeimsch, Der Einfuss Philos auf die dlteste christ. E.regese, 1908.

r) /.’école d’Alexandrie. — Jusqu’ici l’exégèse avait eu principalement un intérêt doctrinal. Voilà pourquoi on s’était contenté d’assembler des textes ayant trait à un même sujet intéressant le dogme ou la morale. Personne n’avait encore commenté mélhodi([uemcnt un livre d’un bout à l’autre, comme les scoliasles faisaient pour Honu’-re. Papias (150) avait bien écrit un ouvrage intitulé Aî/iwv z^^iazàv i^r/r.’ye.u, les gnosti(iucs Maucion (150) et IIkhacléon (170-200) avaient pareillement com[)osé, l’un ses Antithèses et l’autre son Explication du quatrième évangile ;