Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/917

Cette page n’a pas encore été corrigée

1817

EXEGESE

1818

foi dans la résurrection sont envisaj^ées comme une seule et même chose, parce que, d’après la conception juive, les âmes justes n’étaient gardées dans le ieol qu’en vue d’une résurrection future. Ailleurs, les croyances populaires, même celles où le trait légendaire s’était peut-être fait une place, sont utilisées, c’est-à-dire servent à enseigner autre chose. Cf. Mat., XII, 43 avec les comm. de Maldonat, de Knabenbauer et de Plummer in h. l. — Jésus cite comme on faisait de son temps. Il combine parfois différents passages qu’une identité ou similitude de sens autorisait à rapprocher. Marc, xi, 17 (/s., lvi, ’^, Jéi-., vii, 11) ; il adapte légèrement le texte, en se fondant sans doute sur des précisions données au passage par l’exégèse courante. Marc, x, 11, 10 ; J/rt/., xxi, ^^ (cf. Âct., iv, 1 1, Jlom.. IX, 33, 1 Petr., ii, 6). Parfois il fait d’une parole de l’Ecriture la formule de sa propre pensée. Luc, xxiit, 4tJ.

L’exégèse de J.-C. est littérale, mais non littéraliste, au sens défavorable du terme ; jamais elle ne sacrifie l’esprit à la lettre ; encore moins est-elle allégoriste, à la manière des Alexandrins. Chose étonnante, elle est tributaire du « iigurisme » palestinien beaucoup moins qu’on aurait pu s’}' attendre. Hal>ituellement, presque toujours, N.-S. se contente du sens littéral ; quatre fois seulement, Marc, ix, 13 ; Mat., xii, liO ; Jean, III, i/), VI (Elie, Jonas, le serpent d’airain, la manne), il autorise l’interprétation tjpique, qui édifie un sens spirituel prophéli(iue sur le sens littéral historique, d’après le procédé courant des Scribes (voir ci-dessus I, I, a), auquel les auteurs du N. T. devaient souvent recourir.

Il) L exégèse des auteurs du N. T. ne présente aucun caractère qui soit réellement nouveau, elle a seulement accentué certains traits de l’exégèse communément reçue des Juifs et pratiquée par le Christ en personne. Ils y font au sens spirituel une large place, mais, même alors, leur commentaire contraste avantageusement avec celui des rabbins par sa sobriété et le soufïle de vie religieuse qui le pénètre.

1° Tous les auteurs du N. T., saint Paul surtout, citent les Septante. Il n’est pas jusqu’aux citations scripturaires de Jésus lui-même qui ne soient rapportées d’après la teneur de la version grecque courante. Mais on peut se demander si cette circonstance n’est pas le fait des évangélistes. On s’en tient à cette manière de citer, même dans les passages où le grec s’écarte de l’iiébreu, tel du moins que nous le lisons aujourd’lnii dans l’édition massoiétique. Les exemples les plus connus sont Marc, 1, 2-3 ; Ilebr., i, 6-7, x, 5-7, 37, XI, 21, XII, 5-6, 26.

2° Les rapports de l’A. T. et de l’Evangile tiennent dans la formule de S. Paul : La fin de la Loi, c’est le Christ, Rom., x, 4- C’est vers lui que tendaient toutes les anciennes Ecritures. Maintenant qu’il est venu, c’est en lui, et en lui seulement, qu’elles sont i)leinement intelligibles. Le Christ (Jésus de Nazareth ) est l’Esprit quivivilie, sans lui la Lettre n’est bonne qu’à tuer. II Cor., iii, 4-18. L’histoire évangélique est la clef de la Loi et des Prophètes. La catéclièse primitive des Apôtres, comme aussi la liturgie chrétienne, ont invariablement deux parties : la propliétie de l’A. T., et, en regard, l’histoire racontée dans le Nouveau. ^ic^, i, 16, 11, i ! , iii, 12, iv, 8, vii, i, VIII, 30, X, 34, XIII, iG, xv, 7, XVIII, 28, xxir, i, xxiv, 10 ; XXVI, 24 ; xxviii, 20, 23. Ce procédé d’exégèse et d’apologétique était légitime. Ne lisait-on pas dans le Dcutéronome, xviii, 22, qu’à l’événement on discernerait la vraie projjhétie de la fausse ; que le Messie, docteur suprême, une fois venu, il faudrait l’écouter. Par sa vie et sa doctrine, il devait manifester la vraie nature du Royaume de Dieu. Jusque-là, bien j des textes resteront énigmati<iues. Iloni., xi, 26, ’xvi, 25 ; I Cor., ii, 7 ; xv, 51 : II Cor., v, 16 ; Eph., i, 9, III, 3-4, 9 ; Col., I, 26 ; II, 2 ; IV, 3.

Le sens messianique donné à certains textes, Mat., 1, 23 : 11, 15, 18, surtout entendus littéralement, étonne le lecteur d’aujourd’hui ; mais la manière dont les auteurs du N. T. les introduisent avec ce sens, cest-à-dire de piano, sans juslilication d’aucune sorte, donne assez à comprendre que ces passages étaient couramment appliqués au Messie, du moins du côté des chrétiens. De ce que les Juifs du II siècle se refusaient à entendre Isaïe, vii, 14 de la conception virginale, comme faisaient les chrétiens (S. Justin, Dial., xuii, lxvu), il ne faut pas se hâter de conclure qu’il en a été de même dans la première moitié du 1" s., avant la controverse entre Chrétiens et Juifs. S’il n’y avait pas eu une série de textes précis et connus de tous concernant la résurrection du Christ, S. Paul se serait-il contenté d’écrire : Resurrexit tertia die secnnduni Scripturas. I Cor., xv, 4’3° La distinction entre la « lettre et l’esprit » trans-Ogurait les Ecritures, ou plutôt en révélait tous les trésors. Elle permettait d’y découvrir partout le Christ, du moins zKrànviv^uiK. Cf. Saxday, J’he Epistle to the Romans, 1900’, p. 302. De tous les sens spirituels, le plus utilisé dans le N. T. est le sens « typique » ou « Oguratif ». Le mot est de S.Paul, z-^-i/.’ :. : , in figura, l Cor., X, Il ; cLRom., v, 1 ^ ; vi, 17 ; I Cor., y., 6 ; I Tliess., 1, 7, II Tltess., 111, 9. Ce sens est essentiellement prophétique. A la lettre, un texte concerne une chose, un événement, une personne de l’histoire biblique ; mais « selon l’esprit « se rapporte à une chose future du N. T., et, le plus souvent, au Christ en personne. Jean, xix, 36 ; Rom., v, 12-21 ; I Cor., , ~j, X, 3-4, 6-1 1, XI, 7-18, XV, 4Ô ; Gal., IV, 23-24 ; Col., 11, 7 ; Epltes., V, 22-33 ; Hebr., i, 5, 7, ix, 9, iii, 14, x, i, xii, 22 ; Apoc, II, 7, xxii, 2.

Parce que l’objet de ce sens est d’ordre spirituel et qu’il n’est perceptible que sous l’action de l’Esprit de Dieu, les choses auxquelles il est attacliérevêtent, par le fait mêmCj une sorte d’être spirituel. Aussi bien, S.Paulparlede « nourritureet de boisson spirituelle » à propos de la manne et de l’eau tirée par Moïse du rocher. I Cor., x, 3-4. Une fois même il emploie le terme d’allégorisation, ûnvy.i^zi-j c/J)r ; /opoju.i, iy.. Gal., i, 24 ; mais il est aisé de s’apercevoir que son exégèse allégorique n’a rien de commun avec celle de Philon. Elle sauvegarde le sens littéral, auquel elle s’appuie. Adam et Eve restent, pour l’Apôtre, des personnages historiques, /("ow., v, 12-20 ; I To/-., xi, 8-12, xv, 45-46 ; Eph., , ’ii-^Z, I Tim., 11, 13 ; tandis que pour Philon, Leg. alleg., II, 1-9, ils ne sont, semble-t-il, rien autre que la Raison et la Sensualité. Cf. J. B. Ligiitfoot, S. Paul’s epistle to the Galat., 1900, p. 198-200 ; F. Prat, Théologie de S. Paul, t. I, 1908, p. 253.

Il est manifeste que, dans sa manière d’envisager le sens tjpique, S. Paul relève du « Iigurisme » palestinien. Enva-t-ilde même de l’épilre auxHébreux ? On a prétendu que non. Mais, ce faisant, on a confondu son ])rocédé exégétique aec la conception philosophique que l’auteur se fait des rajjports du monde visil)lcet du monde invisil)le, qui se trouve en ellet être conformeàrexemplarisme alexandrin. Voir ci-dessus I, 1°, h. Quand il interprète les textes des anciennes Ecritures, il le fait tout comme S..Paul. Pour seconvaincre qu’il maintient la réalité de l’histoire l)ibli(]ue, il sullit de lire son chap. xi, où il résume toute l’histoire sainte, d’Abel aux Prophètes. Aux cliap. m et v, il maintient le personnage historique de Moïse, d’Aaron et de Melchisédech ; mais il voit en eux une figure transitoire du Christ législateur et prêtre. Le judaïsme tout entier n’était qu’une

« ombre » du christianisme, viii, 5, qui, à son tour, 

est une « image » du ciel, où se trouve la « réalité » ;