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APOCRYPHES

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APOCRYPHES. — Le mot grec v.r.dy.p-jfji « caché, tenu secret » ou : « obscur, ignoré », a servi à désigner, soit des productions qu’il faut tenir secrètes, qu’il faut cacher, soit des ouvrages dont l’origine est inconnue et suspecte. Dans ce dernier sens, Origène écrit :

« Il n’a pas plu de faire place et d’accorder de l’autorité aux écrits qui sont appelés apocryphes, parce

qu’on y trouve beaucoup de traditions corrompues et opposées à la vraie foi », Prologus in cant., Migne, Patr. gr., t. XIII, col. 83. S. Jérôme recommande aussi de prendre garde aux apocryphes qui ne sont pas de ceux auxquels on les attribue. Ce mot s applique donc aussi bien aux ovivrages profanes qu’aux ouvrages rattachés à la Bible. Les protestants donnent souvent le nom d apocrj’phes aux livres deutérocanoniques et emploient le mot pseudépigraphea pour désigner les ouvrages qui ne sont pas des auteurs dont ils portent le nom. Pour nous, dans cet ai’ticle, nous rangerons sous le titre apocryphe, tous les ouvrages composés sous le nom d un personnage biblique à l’imitation des écrits canoniques.

L’objet des ouvrages apocryphes est souvent de compléter la Sainte Ecriture : ils prétendent nous donner des détails nouveaux sur les patriarches, les Réchabites, l’enfance de Notre-Seigneur, les actes des Apôtres, parfois il s’agit seulenient de placer sous un auguste patronage des préceptes moraux ou disciplinaires, d’où les Didascalies et les lettres de Xotre-Seigneur et des Apôtres ; enfin, certains auteurs, pour donner plus d’importance à leurs rêveries sur l’origine, la constitution et la fin du monde comme sur la vie future, les ont mises sous le nom d’Hénoch, Esdras, etc., ce sont les diverses apocalypses.

Pendant bien longtemps, on n’a voulu voir dans ces productions que les puérilités et les erreurs, on les a donc souvent condamnées et rejetées ; maintenant, au contraire, on néglige les puérilités poiu- ne chercher que les traits caractéristiques d’un écrivain et d’une époque ; car, si elles ne peuvent compléter l’histoire des pati*iarches, elles peuvcnt du moins nous apprendre les légendes qui avaient cours dans tel milieu, vers telle époque, sur la Genèse. Il y a plus : on sait que divers apocryphes ont été utilisés par les écrivains inspirés, — tel le livre d’Hénoch cité par S. Jude, — d’autres ont été regardés par certaines églises comme canoniques, et utilisés dans les offices, comme la prière de Manassé et les livres d’Esdras que la Vulgate reproduit à la suite des livres canoniques ; l’Eglise les a donc jugés dignes d'être proposés à l’instruction et à l'édification des fidèles.

De nombreux ouvrages leur sont d’ailleurs consacrés chaque année. Une société internationale a même été fondée en Angleterre (International society of the apocrypha), avec un recueil trimestriel, pour faire connaître ces apocryphes trop longtemps dédaignés et mettre en relief les enseignements dogmatiques et moraux qu’ils peuvent contenir. Leur importance ne cesse donc de s’accroître et nous ne pouvojis faire moins que de leur consacrer quelques colonnes. Quant à la valeur chrétienne et apologétique de ces écrits, nous renverrons simplement à la section : Evangiles apocryphes.

Nous rangerons ces diverses productions dans l’ordre même des livres de la Bil)le, nous tâcherons de les caractériser brièvement, de donner les hypothèses les plus vraisemblables sur leur auteur et l'époque de leur conqjosilion avec un aperçu de leur importance relative. Nous traiterons donc : I. Des Apocryphes deV Ancien Testament ; II. Des Apocryphes du joueau Testament : a) Kvangiles ; h) Actes des Apôtres ; t) Lettres et didascalies ; d) Canons et ordonnances ; e) Apocalypses.

1. Apocryphes de l’Ancien Testament. — A. RELATIFS AU PKNTATEL’QUE ; I. Ze testanicut d’Adam : 2. La yie d’Adam et d’Eve ; 3. La petite Genèse et ses dérivés ; 4. Ee livre d’Hénoch ; 5. Le testament d’Abraham ; 6. Le testament des douze patriarches.

I. — Le res<flme/î/c/'-J</rt/n. Donne les noms supposés des diverses heures et l'énumération des heures d’adoi-ation des créatures, prédit l’arrivée du Christ, décrit les divers ordres des anges. — La première partie se retrouve dans les Talismans d’Apollonius de Tyane, la seconde se retrouve dans la rédaction syriaque (Caverne des trésors) de la petite Genèse (cf. infra, 3) ; la troisième pi’ocède du pseudo-Denjs l’Aréopagite. L’ensemble est donc une compilation qui ne peut pas être antérieure au vi' siècle de notre ère, mais la première partie a toute chance de remonter jusqu'à l'école d’Apollonius de Tyane.

Editions.Kenan, Journal asiatique, 1 853 (texte syriaque et traduction) ; M. Rhodes James, Texts and studies, II, 3, Cambridge, iSyS : A fragment of the Apocalypse of Adam in » /-eeA (traduction du syriaque et de l’arabe et fragments grecs) ; C. Bezold, Das arabische aethiopische Testamentum Adami, Giessen, igo6 (textes arabes et éthiopiens) ; M. Kmosko, Testamentum patris nostri Adam, dans la Patrologia syriaca de Mgr GratTin, t. II, col. 1309-1360 (textessyriaques et grecs précédemment édités) ; F. Nau, Apotelesmata Apollonii Tyanensis, Ibid., col. 1363 sqq. (Texte grec édité en entier pour la première fois). — Cf. F. Nau, Etude sur le Testament d’Adam et les talismans d’Apollonius de Tyane da.n ?, Eevue de l’Institut catholique de Paris, 190^, p. 108-173.

2. — La vie d’Adam et d’Eve. Renferme le récit amplifié de la chute, puis de la maladie d’Adam et du départ d’Eve et de Seth poiu- le paradis à la recherche de l’huile de vie, ils ne peuvent entrer ; Adam meurt ainsi qu’Eve ; récit de leurs funérailles. — Il reste une ancienne version latine antérieure au viii' siècle qui fut traduite de bonne heure en vieux français, et un texte grec édité par Tischendorf sous le nom d’Apocalypse de Moyse parce que certain scribe a ajouté en tête quatre lignes d’après lesquelles la vie d’Adam et d’Eve aurait été racontée à Moyse siu' le mont Sinaï par l’Archange S. Michel. C’est sans doute une imitation du commencement du livre des jubilés (cf. infra, 3). Du texte grec proviennent en particulier une version arménienne et une version slave. — Sous sa forme actuelle, l’ouvrage est une compilation chrétienne antérieure au vu* siècle de notre ère. Plusieurs supposent qu’elle provient de sources juives ; c’est vraisemblable, car le texte grec et la Aersion dilfèrent tellement que l’on a toute latitude pour reconstituer le texte original : on peut donc supposer que les éléments chrétiens sont des additions postérieures.

Editions : C. Tischendorf, Apocalypsis Mosis, dans Apocalypses apocryphae, Leipzig, 1866, p. i-sS (texte grec) ; C* ; rani, Monumenta sacra et profana.t. V, Milan 1868, p. 21-24 (conunencement du texte grec) ; W.Meyer, dans Abhandl. der bayer. Akad.der Wiss. ; phih)l.-philosoph. Klasse, XIV, " 3, 1878, p. 185-250 (Vie latine d’après de nombreux manuscrits) ; F. C. Conybeare, dans Jewish Quart. Revue, VII, 1893, p. 216sq([. (Irad. anglaise de la version arménienne) ; V. Jagic dans Avj/..st7(/. (/. U’ien. Ak.der ll’iss. phil.hisl. Klasse. XLII, 1893, p. i sqq. (texte slave avec traduction latine). — Cf.C. Fuehs. Das Leben Adams und Evas (Irad. allemande du latin et du grec avec introduction et bil)Iiographit) dans Die Apocr. und pseudep. de E. Kaulzsch, t. II, Tul)ingue. 1900.

3. — La Petite Genèse, mentionnée par S. Epiphane, par S. Jérôme et par de nombreux écrivains grecs, n’est conservée en entier que dans une tra-