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EVANGILES CANONIQUES

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53 ; Marc, ii. iG et Matlh., ix, 1 1. Luc, v, 30 ; cf. Luc, XV, 2. Les Synoptiques ne sont même pas sans associer explicitement, dans l’opposition faite au Christ,

« chefs des prêtres et scribes », on, ce qui revient au

même, « cliefs des prêtres et pliarisiens » : Marc, xi, 18 et parall. ; xiv, i et parall. ; xa% 31 ; Matth.. xxvir, 62 ; XXI, 45 ; cf. Luc, XX, ig ; xxiii, 10.

Il y a donc sur ce point une équivalence réelle entre les données du quatrième évangéliste et celles des trois premiers. Mais il est très remarquable que notre auteur néglige de mentionner les scribes en tant que scribes, pour les signaler seulement sous le nom de la secte à laquelle ils appartenaient. C'étaient en réalité des pharisiens, ces scribes qui ont eu affaire avec Jésus, qui l’ont épié, assailli de questions insidieuses, décrié auprès du peuple. En les mentionnant comme tels, notre auteur est entré en plein dans la vérité de riiistoire.

Les pharisiens du quatrième Evangile ont d’ailleurs exactement la même physionomie que les scribes, mis en scène dans les Sj’noptiques. Comme eux, ce sont des gens de doctrine, compétents dans l’interprétation de la Loi,.s’intéressant aux questions de purification et de baptême, méticuleux sur le point de rol)servation du sabbat, s’attribuant le droit de vérifier les titres à la messianité et les œuvres surnaturelles du Christ : 1, 2^ ; iii, i-5, 10 ; iv, i, comparé à iii, 25 ; vii, 4"- 52 ; viii, 17 ; ix, 14.' xi. 46 ; xii, 42.

La manière dont notre auteur discerne que les scribes en conflit avec Jésus étaient des scribes du parti i)harisien, et que ce sont bien ces pharisiens qui, conjointement avec les chefs des prêtres, ont été les vérital)les adversaires du Sauveur, est une preuve très signilicative d’information sûre et indépendante.

317. 2° Les idées messianiques dans l’entourage de Jésus. — L'évangéliste n’est pas moins indépendant de son milieu ni moins fidèle à la réalité historique quand il décrit les idées messianiques de l’entourage de Jésus. — La surprise de la foule au sujet du Christ qui connaît les lettres sans avoir étudié, vii, 15, 46, n’est A-raisemblable que chez les auditeurs réels de Jésus. Leur réflexion est analogue à celle que font entendre les Juifs, dans les premiers Evangiles, lorsqu’ils admirent comment le Sauveur enseigne, non à la façon des rabbins ordinaires, mais d’autorité : Marc, i, 22 : Matt/i., vii, 28-29 '> ^"c, iv, 32.

« Lorsque viendra le Christ, objecte encore la foule, 

personne ne saura d’où il est « , au. 27. Sil est Arai que cette dilTiculté suppose une tradition courante, d’après laquelle le Messie dcA-ait apparaître inopinément, elle se comprend beaucoup mieux, formulée autour du Sameur. connu pour être le fils de Joseph de Nazareth, que dans les milieux juifs de la fin du 1" siècle. A cette époque, en efl"et, les rabbins n’ignoraient pas que les chrétiens pi*oclamaient justement leur Christ d’origine mystérieuse et divine. Et comment un apologiste aurait-il pris à tâche de réfuter un propos qui attestait une croyance semblable ?

On s’expliquerait moins encore que l’objection tirée de l’origine galiléenne de Jésus, a-ii, 4 '-42. 52, ait été rapportée par l'éAangéliste, comme une objection d’actualité. On ne le Acrrait pas formuler nettement la difliculté, sans en indiquer la solution. S’il procède de la sorte, c’est qu’il entend simplement reproduire l’histoire. Et en effet, dès qu’on se posa la question de la messianité de Jésus, on dut naturellement rapprocher de ses prétentions ce que l’on savait de sa patrie et de sa famille. Entre le fait apparent de son origine galiléenne et l’indication messianique de la prophétie de Michée, le conflit était inévitable.

La réflexion sur la non-reconnaissance du Christ par les chefs de la nation, a’it, 48, ne reflète pas aA-ec

plus de Araisemblance une objection du monde juif contemporain de l'éAangéliste. Elle est. au contraire, très naturelle dans le milieu contemporain du SauA-eur. Tous les documents attestent la morgue hautaine des autorités religieuses de Jérusalem et leur prétention à imposer à tous leurs moindres décisions ; il n’est pas étonnant qu’elles aient a’ouIu régler l’opinion de la foule au sujet du Christ ; et c’est ce qu’atteste, en effet, toute l’histoire synoptique : Marc. II. 6. 16. 24 : m. 6. 22 ; au, 5 : aiii, ii ; xi, 28, etc

318. 3° La crainte au sujet des Romains. — Très significatiA’c apparaît aussi l’inquiétude manifestée par le sanhédrin à la suite de la résurrection de Lazare, xi. 47-48. La crainte que les Romains ne prennent ondjrage du mouvcment faA’orable à Jésus et qu’ils ne Aiennent s’emparer de Jérusalem et de la nation juiAC. m peut raisonnablement se comprendre du judaïsme contemporain de l'éA-angéliste. par rap I port aux progrès de l’Eglise chrétienne, mais bien seulement des Juifs contemporains du SauA’cur, par rapport au moinement messianique qui se dessine autour de lui.

319. 4° La réflexion de Jude. — Enfin, c’est bien une repartie prise sur le AÎf de la réalité que la réflexion prêtée à <> Jude, non l’Iscariote « , au cours des entretiens du Cénacle, xia-, 22 : « Seigneur, d’où A^ient que tu Aeux te manifester à nous, et non au monde ? » La brusque interrogation, qui trahit une préoccupation analogiie à celle des frères de Jésus touchant la manifestation éclatante du royaume messianique, A’ii, 3-4. n’entre pas dans le thème du discours auquel elle Aient s’insérer, et le divin Maître poursuit son développement sans tenir compte de l’interruption de son apôtre. On ne comprendrait pas cela, dans l’hypothèse où l’auteur tirerait l’entretien de son imagination. Le fait qu’il l’attribue à un disciple ; qui porte le même nom que Judas, et qu’il est obligé de distinguer soigneusement du traître, achèAc de donner à la réflexion un cachet historique indiscutable.

350. 5° La perspective eschatologique. — Nous avons AU (u"" 282-2Ô3) que le quatrième éA’angéliste n’aA-ait aucunement supprimé l’eschatologie synoptique, mais aA ait gardé son relief à la perspectiAC de l’aAènement final du Seigneur. Ce qui est particulièrement digne de remarque, c’est qu’en divers endroits il semble supposer ce dernier avcnement prochain.

« L heure v^ent, fait-il dire à Jésus, et elle est In, où

les morts entendront la voix du Fils de Dieu… L’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa A’oix et ressusciteront, les bons pour la Aie, les mainais pour la condamnation. » a-, 28-29.

« Dans la maison de mon Père, dit encore le Sauvcur, 

il y a plusieurs demeures ; sinon, je aous l’aurais dit ; car je A-ais aous préparer une place. Et quand je serai allé et que je a ous aurai préparé une place, je rcviendrai et je aous prendrai auprès de moi, afin que, là où je suis, aous soyez aous aussi. » xiv, 2-3, cf. 28 ; XVI, 16.

On ne peut nier la signification eschatologique de ces paroles : le retour du Christ est la parousie comme l’entendent les Synoptiques et saint Paul, et ce retour est censé ne devoir pas beaucoup tarder. Jésus parle comme s’il dcvait rcvcnir avant la mort de ses disciples. Il faut en conclure que l'éAangéliste maintient la perspectÎAe de la fin du monde à la limite de la génération présente. Or, comprendrait-on cela d’un théologien de la troisième génération chrétienne, écrivant un EAangile idéal au point de a ue de l’Eglise de son temps ? N’est-ce pas. au contraire, une preuAC décisiAe que notre auteur reste fidèle à l’histoire et entend reproduire le langage authentique de Jésus ?

351. C’est ce qu’oblige également à penser le lan-