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ÉVANGILES CANONIQUES

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clés se présente également sous de fort bonnes apparences. A la suite du discours sur le pain de vie, Jésus continue de séjoiu-ner en Galilée, par crainte des Juifs, jusqu’à la fête des Tabernacles. Invité par ses frères à profiter de cette solennité pour se manifester à Jérusalem, il décline d’abord l’invitation, puis se rend secrètement à la ville sainte, où il arrive au milieu de la fête, vii, i-14- Or, l’attitude ainsi prêtée aux parents du Sauveur offre un cachet de réalité frappant, et la conduite du Sauveur lui-même se couiprend on ne peut mieux dans la vérité de l’histoire.

Les frères de Jésus le pressent d’aller en Judée pour s’y manifester : ils doivent avoir en vue une démonstration éclatante, destinée à proclamer sa messianité temporelle dans la capitale. Cf. vi, 15. Le Sauveur refuse d’abord de les suivre : se rendre à Jérusalem avec la caravane serait encourager les tendances galiléennes, surexciter l’enthousiasme de la foule, rendre irrésistible le mouvement qui, bon gré mal gré, ferait de son entrée dans la ville une démarche de prétendant. Or, Jésus prévoit ce qui doit se produire à la Pàque suivante. Son heure n’est pas encore arrivée, le temps marqué pour sa mort est encore à venir : il se refuse donc à brusquer les choses, en portant tout de suite à son comble la fureur de ses ennemis. Mais il n’j- a plus le même inconvénient à se rendre ensuite à la ville une fois la fête commencée, et privément. L’émoi que pourra produire son arrivée sera facilement contenu, dans la foule galiléenne, par l’attitude menaçante des chefs religieux hiérosolj’uiitains, et la haine de ses ennemis sera encore obligée de garder à son égard des mesures.

313. Aux entretiens ainsi introduits, se mêlent des épisodes dont le caractère historique n’est pas moins frappant : telle, la comparution des satellites devant le sanhédrin, à qui ils viennent rendre compte de leur mandat, vii, 45-52 ; tel surtout le jugement de la femme adultère, vii, 53-viii, 2 (cf. n°° 43-44). Historiques au premier chef, ces épisodes contrilment à garantir les discours et les entretiens dans lesquels ils sont intimement engagés.

L’entretien à la fête de la Dédicace. — Enfin, il faut en dire autant de l’introduction aux discours de la Dédicace et de leur épilogue. Au début de l’entretien, on voit Jésus se promener, à cause de la saison mauvaise, sous le portique de Salomon, x, 22-28. A la (in, l’évangéliste, sans avoir cependant déclaré au préalable que le Sauveur était venue de Pérée, le montre se retirant « de nouveau de l’autre côté du Jourdain ». x, 40.

314. 3° Les dialogues. — La plupart de ces discours du Sauvcur sont d’ailleurs entremêlés de dialogues extrêmement naturels, de reparties animées, d’interruptions prises sur le vif, qui donnent l’impression d’entretiens bien réels. Cela est si vrai que, pour expli(iuer la vie de ces entretiens, on est contraint de prêter à l’évangéliste un tempérament mystique extraordinaire : si vi ante est sa description, si peu suspect d’imposture son procédé, qu’il a dû voir les choses, entendre les paroles, en esprit, et rapporter le tout de bonne foi, sans pour ainsi dire se douter que ces entretiens étaient le produit de son imagination (n"" SS7, S29). Mais, nous l’avons vu, une telle hyi)otlièse est en contradiction vérital)le avec les caractères certains de l’œuvre johannique, en particulier avec la multitude et la variété de ses indications topographicpies et histori(iues, reconnues à la fois très précises, très concrètes et très exactes. Le naturel et la vie des entretiens peuvent donc être regardés comme un indice significatif de leur historicité.

2 » Les idées et leur rapport avec la réalité de

l’histoire. — Si nous examinons maintenant le fond d’idées propre au quatrième Evangile, la manière dont s’y trouvent représentés les partis juifs, les idées messianiques de l’entourage de Jésus, l’attente de la parousie, la personne du Christ, en nous demandant quel rapport existe entre cette représentation et la vérité de l’histoire, voici ce que nous constatons.

313. 1° La description des partis juifs. — Le portrait tracé des partis juifs s’agitant autour du Sauveur est manifestement indépendant des données synoptiques. Il se trouve néanmoins en conformité exacte avec elles et avec la réalité. — On sait que les premiers Evangiles signalent comme partis principaux, à l’époque de Jésus, les sadducéens et les pharisiens ; et trois classes parmi les membres du sanhédrin : les chefs des prêtres, les scribes et les anciens.

Le quatrième eA’angéliste n’est point esclave de ces données : nulle part il ne mentionne le nom des sadducéens ; ni celui des scribes, à l’exception d’un texte discuté appartenant à la péricope de la femme adultère, VIII, 3 (n° 44) ; nulle part, non plus, il n’associe en un même groupe les trois classes constituant le sanhédrin. Rien ne lui aurait été plus facile cependant ; et il l’aurait certainement fait, s’il avait été réduit sur ce point à exploiter les renseignements fournis par ses devanciers.

Notre écrivain se borne à mettre en scène les pharisiens et les chefs des prêtres, en qui il paraît résumer l’autorité dirigeante à Jérusalem. Or, qu’il laisse dans l’ombre les anciens du peuple et les sadducéens, rien d’étonnant : les anciens n’ont joué aucun rôle spécial dans la vie de Jésus et ne sont mentionnés dans les Synoptiques que comme faisant partie du grand conseil ; les sadducéens sont à peine signalés en telle ou telle circonstance par les premiers Evangiles, Matt/i., III, 7 ; XVI, 1-12 ; XXII, 23-24 et parall. ; il n’y a pas lieu d’être surpris qu’ils ne figurent en aucune des scènes johanniques. Mais, que notre auteur mette dans un relief aussi exclusif les pharisiens et les chefs des prêtres, qu’il attribue à leur double complicité l’opposition dont a été victime le Sauveur, et donne même le rôle prépondérant aux chefs des prêtres, comme s’ils avaient été les véritables représentants de l’autorité du sanhédrin, vu. Sa, 45 ; XI, 47.57 ; XVIII, 3, 35 ; xix, 6, 15, 21, cela dénote de sa part une information remarquablement précise et exacte.

316. Dans les Synoptiques aussi, les chefs des prêtres ont au sanhédrin le rôle principal ; à de rares exceptions près (.V/flrc, VIII, 3 1 et parall. ; /.hc, xx, ig ; XXII, 66), ils sont nommés avant les anciens et les scribes, comme ayant le pas sur eux et dominant le grand Conseil : Marc, viii. 31 et parall. ; xt, 27 et parall. ; xiv, 43, 53 = Matth., xxvi, 47, 57, 5y ; Marc, XV, I, 31 = Matth., xxvii, i, 41. Leurs complices sont généralement appelés « les scribes » ; mais il est très digne d’attention que ces scribes app.irtiennent au parti des pharisiens : ils en partagent les idées, les tendances, l’attitude ; ils ne font qu’un avec eux. Parfois ils sont appelés k les scribes des pharisiens ». Marc, II, 16 = Luc, v, 30 ; cf. Act., xxiii, 9 ; Matth., XXII, 35 ; Marc, 11, 24, comparé à Matth., xii, i, et Luc, VI, 2 ; Marc, x, 2, comparé à Matth, xix, 3. Le plus souvent, leurs noms sont unis pour former un même groupe : Marc, vii, i, 5 ; Matth.. v, 20 ; xii, 38 ; xxiii, 2- 1 5 ; Luc, V, 2 1 ; VI, 7 ; vii, 30 ; xi, 53 ; xiv, 3 ; xv, 2 : si bien que, là où un évangéliste dit : « les pharisiens », un autre peut dire : « les scribes », ou bien :

« les pharisiens et les scribes ». Comparer Marc, iii, 

22, et Matth., xii. 24 ; Matth., xii, 14, et Luc, vi, 7 ; Marc, IX, 10, et Matth., xvii, 10 ; Marc, xii, 35, et Matth., XXII, 4’j Matth., xxiii, 13 sq., et Luc, xi, Sg-